Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 12 janvier 2022
AMF

David Lisnard détaille les grands chantiers du début 2022

Dans une interview accordée hier à Maire info, le président de l'AMF revient sur les grands sujets du début de l'année - projet de loi 3DS, parrainage, situation « chaotique » dans les écoles. 

Par Franck Lemarc

Vous avez été élu président de l’AMF fin novembre. Quels sont les chantiers prioritaires que vous avez souhaité impulser ?

Avec l’équipe qui m’entoure, nous avons d’abord dû gérer le quotidien et l’immédiateté, puis mettre en place les conditions de l’audition des candidats à la présidence de la République ; et enfin, de façon plus générale, porter la voix de l’AMF sur les conditions de la liberté locale. 
L’immédiat, c’est le projet de loi 3DS, avec une multitude d’audition, pour faire valoir les positions de l’AMF, en l’occurrence, que l’on retrouve le pouvoir des maires dont on nous a privés, particulièrement en matière d’urbanisme. C’est le cas sur l’artificialisation : très concrètement, nous avons obtenu un délai supplémentaire pour la réunion de la conférence de SCoT – c’était intenable au 22 février prochain. Nous avons obtenu un délai jusqu’au 22 octobre. Nous avons également obtenu la prise en considération des éléments du terrain pour l’application de la loi SRU. Il y a eu certaines avancées législatives. Se retrouveront-elles en commission mixte paritaire ? En tout cas, les positions de l’AMF ont été entendues. 
D’autres points n’ont malheureusement pas été pris en compte, comme la demande toute simple de voir les maires redevenir présidents du conseil d’administration des hôpitaux sur leur commune, ou encore l’amélioration de la gouvernance des ARS avec une véritable intégration du bloc communal dans celle-ci, aux côtés des régions et de l’État. 
Et puis, il y a tout ce que n’évoque pas la loi 3DS, qui n’est pas une loi de décentralisation telle qu’elle nous a été annoncée, mais une loi d’ajustement. Certains sont pertinents, d’autres ne le sont pas. 
Sur les sujets d’actualité, il y a celui des agressions d’élus. J’ai rendez-vous sur ce sujet avec le garde des Sceaux dans quelques jours. 

Dans une vingtaine de jours va commencer la collecte des parrainages. Vous avez été interpellé vous-même par des candidats ou des maires sur ce sujet, qu’avez-vous à dire aux maires sur cette collecte des parrainages ?

Lorsque j’ai été interpellé, j’ai essayé immédiatement d’enlever la pression sur l’AMF, de protéger l’institution, en répondant que changer les règles n’était pas du ressort de l’association, mais d’une loi organique ; et qu’une modification en plein match paraissait difficile à envisager, parce qu’elle serait toujours assimilée à une manœuvre. Deuxièmement, avant même d’être interpellé, j’avais transmis personnellement à tous les maires, par e-mail, un rappel des conditions de parrainage : le parrainage ne vaut pas forcément soutien. Mais dans la réalité, c’est très difficile, car beaucoup de nos collègues, en particulier en zone rurale, ne sont pas marqués politiquement, et le fait de dire « je considère que tel ou tel candidat doit pouvoir se présenter même si je ne partage pas ses convictions »  fait que vous êtes parfois estampillé à vie comme soutien de ce candidat ! On ne peut pas, tous les cinq ans, être mis sous la pression. Je proposerai, de façon consensuelle, que l’on aide l’exécutif, en début de quinquennat, à faire évoluer les règles pour qu’il y ait moins de pression sur les maires. Soit par le retour de l’anonymat, soit par la possibilité de proposer deux parrainages par maire – un parrainage de soutien et un parrainage « républicain ». C’est ce qu’avait proposé Jacques Pélissard. Soit encore en prenant en compte les préconisations des commissions Balladur et Jospin, avec la possibilité d’avoir des parrainages citoyens, ou un système mixte… Il y plusieurs pistes assez simples, qui pourraient permettre d’éviter ce psychodrame – parfois théâtralisé, instrumentalisé avant chaque élection. 

Quelques mots sur la situation dans les écoles, jugée assez chaotique par les acteurs du monde de l’éducation, entre explosion de l’épidémie et protocole sanitaire jugé par beaucoup inapplicable. Quel regard portez-vous sur la situation dans les écoles ?

La situation est en effet assez chaotique. Je le vis comme maire de ma commune et comme père de famille. Trois changements de protocole en une semaine, sans aucune concertation ! Il y a eu des concertations, et il faut le saluer, mais aussi une absence de concertation, plus souvent. Cela a été le cas pour les annonces faites par le Premier ministre entre Noël et le Jour de l’an, que nous avons apprises à la télévision. 
Depuis le départ, les maires de France sont extrêmement pragmatiques, essayent de tout faire pour que les choses se passent bien, à la fois pour lutter contre l’épidémie et garantir l’ouverture des écoles, ce qui est un bel objectif et que le gouvernement a raison de rappeler. Mais les mesures inutiles affaiblissent les mesures nécessaires, pour paraphraser Montesquieu. Il faut se concentrer sur ce qui est nécessaire, en particulier les capteurs de CO2. Nous avons obtenu la création d’un fonds financier pour l’acquisition de ces capteurs, mais il ne prend pas en compte l’intégralité du coût… alors qu’on nous parle de « quoi qu’il en coûte »  par ailleurs. Ce n’est pas normal, alors que certaines communes sont en difficultés financières sévères et, une fois de plus, se substituent à l’État. Même chose pour la fourniture de masques FFP2 pour les enseignants.
Avec la variante Omicron, on est face à une nouvelle épidémie, avec une contagion beaucoup plus forte par aérosol dans les lieux clos ; mais aussi avec une pathologie moins sévère. On ne peut pas avoir des mesures qui correspondent à la vague précédente. Là, ce qu’il faut, c’est aérer, et permettre aux enseignants d’être rassurés.
Sur le test, on voit la difficulté de faire tester nos enfants dans les pharmacies, avec des files d’attente, c’est très compliqué. J’avais proposé, et instauré dans ma commune, que les tests salivaires, dont la crédibilité est aussi forte que les autres et qui sont très simples d’usage, soient proposés dans les écoles. Cela aurait permis d’être beaucoup plus opérationnels. 
Mais je le redis, oui la situation est assez chaotique. J’ai sur ce sujet des centaines de retours de maires de toute la France. 

Nous sommes en pleine période de vœux… Quels vœux avez-vous envie de formuler à vos collègues maires pour 2022 ?

Pardonnez cette banalité, mais des vœux de bonne santé ! La santé est le bien le plus précieux pour un individu, et on ne se rend compte de son prix que lorsqu’on la perd. Je souhaite aussi à chacun de vivre pleinement ses valeurs, de liberté, de responsabilité… et puis, dans l’exercice du mandat municipal – le plus noble, le plus beau, le plus concret – malgré la dévitalisation de nos pouvoirs, de nos capacités financières, etc., de pouvoir exécuter un projet de mandat ; de pouvoir faire en sorte que l’action communale, plus que jamais, soit le meilleur creuset social de notre société et le champ de l’action concrète.
Belle et heureuse année, mes chers collègues, pour vous, vos familles, ceux que vous aimez, pour les agents des collectivités et intercommunalités, qui font un travail magnifique au côté des maires, pour vos adjoints, vos conseillers municipaux… Et cette joie ultime qui est dans le sens de l’action. 

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