Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 10 mars 2023
Aménagement urbain

Logistique durable : l'avenir ne pourra pas se planifier sans les élus

Les préoccupations des élus en matière de gestion logistique au sein des communes n'ont jamais été aussi fortes. Un échange avec les acteurs du secteur a eu lieu mercredi à l'AMF sur l'importance de la gestion logistique et le rôle primordial que peuvent jouer les communes pour construire une logistique durable.

Par Lucile Bonnin

L'AMF a organisé mercredi dernier une rencontre dédiée à la thématique de la logistique urbaine, avec la participation du Groupement des autorités responsables de transport (Gart), du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), de la Fédération nationale des agences d'urbanisme (Fnau) et Afilog (Association de référence de l'immobilier logistique).

La montée du e-commerce, la nécessaire revitalisation des centres-villes, la difficulté d’accéder au foncier, l’urgence climatique : tous ces enjeux appellent à repenser les modes de transport et de stockage des marchandises.

Vers une indispensable logistique durable 

« Il y a trois séries de flux dans un centre-ville :  les livraisons vers les commerces, les déplacements pour les achats et les flux de gestion des déchets, de l’espace public des travaux publics de l’entretien, explique Frédéric Cuillerier, maire de Saint-Ay (45) et président de la commission transports, mobilité et voirie de l'AMF. Aujourd’hui, les collectivités ont pris en main l’aménagement du territoire à l’intérieur de la ville mais elles se heurtent à quatre contraintes : le tissu urbain historiquement resserré ; l’évolution du e-commerce (qui représente 10 % de la logistique) ; l’importance des ZFE ; et la volonté de l’État de réduire l’importance de cette logistique dans nos zones d’activité. » 

Zoé Chaloin, chargée de mission urbanisme pour la Fédération nationale des agences d'urbanisme, explique qu’une vraie prise de conscience a eu lieu depuis le premier confinement : « Pendant le covid, les regards des citoyens et des élus a changé sur la logistique. On s’est rendu compte qu’elle était présente dans nos villes et cela a fait un déclic. De plus, le foncier devient de plus en plus rare avec le ZAN, les conflits d’usage sur les voiries augmentent… »  Le maire de Lens, Sylvain Robert, observe aussi de son côté une saturation des axes routiers et explique que s’il n’existe « pas de solution face à la recrudescence d’achat en ligne, anticiper la saturation à venir est l’enjeu »  de demain.

Concertation 

Claude Samson, président d’Afilog, a expliqué qu’il était nécessaire qu’un travail partenarial débute entre les élus et les acteurs de la logistique. « Quelles que soient les concertations que l’on peut avoir avec l’État, la réalité des choses se passe sur le terrain, dans les territoires et les communes. Nous travaillons sur la décarbonation des bâtiments logistiques mais s’ils ne sont pas bien localisés, ça ne sert strictement à rien. Si le transport prend la main sur le plan environnemental c’est contre-productif.»  C’est pourquoi il faut travailler, selon lui, au plus près du terrain car « celui qui accorde le permis de construire, c’est le maire de la commune et il est extrêmement important d’avoir un dialogue avec les communes. » 

La mise en place de ce dialogue permettra aussi « d’avoir une vision sur les terrains à mettre en œuvre pour, par exemple, être proche d’une rivière ou d’une voie ferrée » 

Pour le maire de Langeais (37), Pierre-Alain Roiron, une meilleure concertation entre tous les acteurs permettra avant tout de mener « une réflexion globale autour de la logistique »  qui « entraîne des coûts pour les collectivités locales »  notamment « pour que ces camions circulent. » 

Mutualisation 

Lors de ces ateliers qui ont eu lieu dans les locaux de l’AMF, la question de la mutualisation est revenue à plusieurs reprises. En effet, Alain Chrétien, maire de Vesoul (70) et co-président de la commission Développement économique, tourisme et commerce évoque la possibilité de mettre en place, à terme, un service public logistique des centres-villes. La mutualisation des moyens de transport est « un vrai sujet » . Tous les camions de livraison « consomment de l’espace public au quotidien » . Ainsi, un opérateur pourrait porter cette charge de transport tandis que les autres pourraient le financer. 

Comme le souligne Frédéric Cuillerier, certaines pratiques fonctionnent déjà et sont à encourager comme l’optimisation des livraisons avec des logiciels ; le verdissement des flottes ; les reports modaux ou encore la planification de la logistique avec concertation locale poussée. 

La maire de Saint-Ay a donné deux exemples d’organisation locale qui devraient inspirer les autres communes à l’avenir. A Grenoble, depuis 2015, la ville est partenaire du plan d’action « Logistique urbaine durable »  qui vise à améliorer et faciliter les livraisons et expéditions de marchandises à l’échelle de la métropole. Autre exemple : la Métropole du Grand Nancy a lancé l’année dernière l’élaboration d’un Schéma logistique territorial (SLT) qui associe l’ensemble des professionnels de la logistique afin de « construire la logistique urbaine de demain. » 

D’ailleurs, Hélène de Solere, cheffe de projets logistique urbaine et interurbaine du Cerema, a rappelé aux élus que le programme InTerLUD a été reconduit par le gouvernement pour une durée de quatre ans. Ce programme s’adresse notamment aux collectivités et leur permet de disposer d’un soutien du Cerema pour mettre en œuvre une méthodologie (formation des techniciens, accompagnement des élus) et une fédération de tous les acteurs économiques.

Le rôle de l’élu 

La sensibilisation aux enjeux actuels a aussi fait l’objet de nombreuses réflexions lors de cette rencontre. Les élus, en première ligne sur le terrain, recueillent les plaintes des habitants concernant les nuisances sonores liées aux livraisons, les circulations qui se font de plus en plus complexes dans certaines rues du centre-ville à cause des camions, etc. Mais ils constatent parfois « une contradiction »  de la part des administrés. Le besoin d'être livré à domicile est de plus en plus fort et les clients sont de plus en plus impatients. Ce mode de consommation a des conséquences sur les flux à l'intérieur des villes, ce qui est loin de plaire aux habitants. 

Pour le maire de Vesoul, il est nécessaire de mener une réflexion plus philosophique autour du progrès social qui repose sur une sorte de « course à la vitesse » . « Est-ce bien nécessaire de commander une brosse à dents à trois heures du matin ? » , questionne l’élu. « La crise climatique doit nous faire poser les bonnes questions et je pense qu’en tant qu’élus, nous avons des messages à faire passer aux citoyens » , explique le maire qui envisage la sensibilisation comme une piste pour désengorger les centres-villes et réduire la pollution. 
 

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