États généraux des Rip : les acteurs de la filière face au défi de raccorder tous les foyers français
Par Lucile Bonnin
« Un réseau géant qui a encore des pieds d’argile » . Voilà comment est qualifié le réseau fibre en cours de déploiement en France dans la présentation de ces États généraux des Rip. Collectivités territoriales, représentants de l’État, régulateur, opérateurs, industriels : tous ces acteurs se sont réunis hier pour parler de l’avenir.
L’extinction du réseau cuivre – dont la fermeture définitive est prévue pour fin 2030 – oblige d’autant plus l’État et les acteurs de la filière à honorer cette promesse du Très haut débit pour tous. Mais comment ? C’est ce qui a été discuté hier à Deauville pendant une matinée d’échanges riche où élus et industriels ont mis en commun leurs expériences et leurs priorités pour les années à venir.
La fin du service universel
Michel Fricout, conseiller départemental du Calvados, indique en préambule de cette conférence, que le thème « Service universel » de ces douzièmes États généraux des Rip est « parfaitement bien choisi car c’est le moment de parler de tout ce qu’il nous reste à accomplir. » Dans le Calvados, 226 500 prises ont été jusqu’ici déployées dont 76 065 ont été raccordées à la fibre. L’objectif est de raccorder au total 283 574 prises.
« Si le département a fait le choix du 100 % fibre, ce n’est pas suffisant pour assurer un vrai service universel » , indique Michel Fricout. En effet, de nombreux intervenants ont dit regretter amèrement la fin du Service universel qui permettait à toute personne de bénéficier d’un raccordement fixe à un réseau ouvert au public et à la fourniture d’un service téléphonique à un tarif abordable. C’est un fait : depuis 2020 « il n’y a plus en France d’opérateur en charge du service universel pour ces prestations ».
Cette disparition du service universel est regrettée du côté des élus. « Le cadre actuel ne donne pas satisfaction car il reste des naufragés de la fibre à qui on ne peut pas apporter de réponse acceptable à ce jour, explique le conseiller départemental du Calvados. Il faut assurer le dernier kilomètre et quelques fois les derniers 100 mètres. Voilà où le bât blesse. »
Miser sur l’audit pour la qualité des réseaux
En plus de devoir assurer à tous un service de très haut débit, l’ambition est de veiller à ce que ce service soit de qualité et puisse durer dans le temps. Une prise de conscience semble avoir eu lieu concernant les problèmes liés aux raccordements. Des mesures ont été prises concernant la sous-traitance et la reprise des points de mutualisations endommagés par les opérateurs (lire Maire info du 22 décembre).
Désormais – en attendant que les engagements des opérateurs fassent effet – une vigilance accrue sur tous les réseaux est de mise. D’abord du côté de l’ANCT qui « va se doter de marchés permettant la réalisation d’audits techniques documentaires sur un échantillon de RIP » , a annoncé Zacharia Alahyane, directeur des programmes France très haut débit et mobile au sein de l’ANCT. Deux millions d’euros vont être déployés en ce sens. Il a rappelé au passage que « les collectivités territoriales porteuses de projets RIP et les opérateurs d’infrastructures doivent contrôler la qualité des réseaux déployés et exploités. »
Jean-Germain Breton, président d’Orange Concessions (opérateur d’infrastructures dédié aux Rip) a également annoncé que le groupe allait être attentif aux raccordements clients : « Nous allons multiplier et accélérer le nombre d’audits » , indique le président qui déplore entre 50 % et 90 % de taux de non-conformité sur les raccordements clients qui mène inévitablement à une dégradation rapide du réseau.
Ces États généraux ont aussi été l’occasion de dévoiler le lancement d’un nouveau label baptisé AQPF pour Audit qualité pérennité fibre. Lancé par Innovance, le Cercle CREDO et l’Avicca, ce label « concerne les entreprises qui auditent l’infrastructure des réseaux FTTH, au stade de la construction, de la vie du réseau et de la maintenance. » Ce nouveau label est « basé sur un référentiel exigeant, s’inscrit dans une démarche de qualité et de pérennité des infrastructures de réseaux fibre publics comme privés ».
Les technologies alternatives
Dans le Calvados, la problématique des logements neufs qui ne peuvent pas être raccordés existe aussi (lire Maire info du 18 janvier). Dans ces territoires, se pose alors la question des technologies alternatives.
Pour « ceux qui n’en peuvent plus » , des solutions transitoires existent. Christophe Outier, directeur général délégué de Nordnet (société du groupe Orange), a présenté hier une offre alternative satellitaire. Dans le Calvados, cela concernerait 428 abonnés au total. « Dès lors que l’on devient éligible à la fibre, on peut résilier sans frais » , explique le président de la société. Mais pour beaucoup, force est de constater que ces solutions alternatives sont parties pour durer notamment dans « les coins isolés » ou « en montagne ».
Mais qui finance le raccordement ? C’est une question qui pour l’instant reste en suspens et qui dépend des moyens mis en place dans les collectivités. « Si demain on veut arrêter le cuivre, il faut faire quelque chose pour ces abonnés, alerte Lionel Recorbet, dirigeant de Xp Fibre. Les gens ne peuvent pas faire 2 000 euros de travaux chez eux, et quand le cuivre s’arrêtera cela sera un gros problème. » « Pour trouver des solutions il faut un financement du secteur » , a soutenu Olivier Corolleur, directeur général adjoint de l’Arcep.
En marge de ces discussions, Loïc Duflot, chef du service de l’économie numérique à la DGE, a annoncé que l’État prévoit de mettre en place une sorte de « guichet unique » à destination des citoyens pour qu’ils puissent « connaitre l’état de déploiement des différentes technologies à leur adresse. » Le but : pouvoir apporter des solutions individuelles. Une expérimentation devrait être menée « d’ici la fin de l’année sur une zone réduite du territoire et ensuite envisagé à l’échelle nationale. »
« Les maires en première ligne »
Bref, plus le temps passe, plus l’objectif 100 % fibre semble se déliter et les cas exceptionnels où il sera impossible de raccorder la fibre semblent augmenter. Et la situation inquiète. Antoine Darodes, directeur du département investissements transition numérique à la Caisse des dépôts, a attiré l’attention sur ce problème afin que les élus ne se retrouvent pas démunis face à ces problèmes.
« J’imagine la France en 2026 avec des foyers en satellite à qui on va couper le téléphone, a-t-il déclaré. On a un sujet majeur très concret où les maires vont être en première ligne, face aux coupures de téléphones par exemple. Il va falloir trouver des solutions pour les particuliers, faire des travaux, etc… C’est la réalité de terrain à laquelle les élus vont être confrontés. La question est de savoir si de ce plan industriel on passe à un plan républicain pour apporter un vrai service à tout le monde. C’est facile de faire du 80 %, c’est plus compliqué de faire du 100 %, mais c’est un choix politique. »
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