Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 4 novembre 2019
Aménagement du territoire

Agence nationale de cohésion des territoires : où en est-on ?

La semaine dernière, le sénateur Éric Gold (RDSE, Puy-de-Dôme) interrogeait le gouvernement sur l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), à la veille de l’audition par le Sénat de son futur probable directeur général, Yves Le Breton. « Des incertitudes demeurent », estimait le sénateur. « Où en sont les textes réglementaires ? L'ANCT soutiendra-t-elle les projets des communes les plus fragiles ou ne sera-t-elle qu'un relais au service du gouvernement ? ». Il est possible désormais de donner un premier élément de réponse : le décret portant création de l’ANCT est actuellement en cours d’examen au Conseil d’État – il devrait donc être publié rapidement. Maire info a pu le consulter.
L’ANCT, créée par la loi du 22 juillet 2019, va réunir en son sein l’ancien Commissariat général à l’égalité des territoires, l’Agence du numérique et l’Epareca. Les grands établissements publics tels que le Cerema, l’Anah, l’Ademe ou l’Anru n’y seront pas intégrés, mais seront appelés à contractualiser avec elle. La mission de l’ANCT, définie par la loi, sera de « conseiller et soutenir les collectivités et leurs groupements »  sur un très grand nombre de sujets dont l’accès aux services publics et aux soins, le logement, les mobilités, la politique de la ville, la revitalisation des centres-villes, la transition écologique, le développement économique et le numérique. L’ANCT doit voir le jour avant la fin de l’année. 

La part du lion pour l’État 
D’où l’urgence de publier les textes réglementaires qui en fixeront les règles de fonctionnement. Le décret actuellement en cours d’examen au Conseil d’État a pour objet de fixer les statuts de l’agence et « son mode de gouvernance ». 
On y apprend que l’agence sera – sans surprise – placée sous la tutelle des ministres chargés de l’aménagement du territoire et de la politique de la ville, c’est-à-dire aujourd’hui Jacqueline Gourault et Julien Denormandie. Très attendue, la composition du conseil d’administration de l’agence est enfin connue. On se rappelle que pendant toute la navette parlementaire, un débat a eu lieu sur ce sujet : quelle place pour les collectivités territoriales à la direction de l’agence ? Le gouvernement et la majorité ont tenu bon sur leur position, contre l’avis de nombreux sénateurs et des associations d’élus : l’État finance, donc l’État dirige. Certes, le président de l’agence sera forcément un élu, mais son directeur général sera choisi par l’État et son conseil d’administration (CA) sera majoritairement composé de représentants de l’État. Le projet de décret donne toutes les précisions : le CA comprendra 33 membres, dont 16 représentants de l’État (deux pour le ministère chargé de l’aménagement des territoires et deux pour celui chargé des collectivités territoriales, et un pour les autres ministères) ; deux députés et deux sénateurs ; et seulement dix représentants des collectivités territoriales. Toutes les associations d’élus, quelles que soient leur taille et leur représentativité, seront représentées à égalité, avec un seul membre désigné : AMF, AdCF, ADF, ARF, Villes de France, AMRF, Villes et banlieues, France Urbaine, APVF, Anem. 
Le CA comprendra également un représentant de la Caisse des dépôts et deux représentants du personnel de l’agence. Le conseil sera complété par un certain nombre de membres n’ayant qu’une voix consultative (notamment des membres de l’Anru, de l’Anah, de l’Ademe, du Cerema… Le directeur général des collectivités locales sera également membre de droit du CA, avec voix consultative. 
Le premier conseil d’administration de l’ANCT, en janvier prochain, sera relativement provisoire, puisque le projet de décret spécifie que « la perte de qualité au titre de laquelle un membre a été nommé entraîne sa démission de plein droit du conseil d’administration ». Les représentants des élus qui perdraient leur siège aux prochaines municipales devront donc être immédiatement remplacés.

Pas d’examen prévu au Cnen
Le projet de décret détaille également les missions du directeur général de l’agence – qui devrait être l’actuel préfet des Côtes-d’Armor, Yves Le Breton, a annoncé le gouvernement le 8 octobre. Ses prérogatives seront très étendues, ce qui signifie, comme le craignaient un certain nombre de parlementaires, que ce sera lui le véritable « patron »  de l’ANCT, bien davantage que le président. Ce sera notamment à lui qu’il reviendra de fixer l’ordre du jour du conseil d’administration et de « décider des investissements », ainsi que de « préparer et exécuter le budget de l’établissement ». 
Le projet de décret fixe également les règles de fonctionnement des comités territoriaux, qui devront se réunir « au moins deux fois par an »  dans chaque département et dont la composition sera fixée par les préfets. Il est également confirmé que le comité national de coordination de l’agence, dont l’objet sera de suivre l’exécution des conventions conclues entre l’agence et les autres établissements publics ne comprendra aucun représentant des élus. 
La date précise de création de l’ANCT n’est pas précisée : elle interviendra « au lendemain de la date de publication du décret ». Un indice cependant : le budget de l’agence, pour 2020, devra être voté par le CA « avant le 15 décembre 2019 », ce qui laisse à penser que le décret va être publié très prochainement. Le 1er janvier 2020, l’Epareca et l’Agence du numérique seront officiellement « dissous », tout comme le Commissariat général à l’égalité des territoires. Tous leurs personnels et leurs moyens seront alors transférés à l’ANCT. 
Étonnamment, le projet de décret de cet établissement, pourtant appelé à jouer un rôle essentiel auprès des collectivités, n’a pas été inscrit à l’ordre du jour du Comité d’évaluation des normes (Cnen). En effet, explique-t-on à la Direction générale des collectivités locales, la future agence est un établissement public de l’État et sa création n’entraine aucune norme supplémentaire pour les collectivités – d’où l’absence de saisine du Cnen. Le Cnen n'ayant la possibilité de s'autosaisir que sur le stock de normes (c'est-à-dire les normes déjà existantes), la seule solution serait une saisine de celui-ci par un ministre en charge du dossier ou le Premier ministre. Une telle décision n'est, pour l'instant, pas annoncée. Ce qui signifierait qu'en l'état actuel des choses, les élus n'auraient pas leur mot à dire sur les statuts et le mode de gouvernance d'une agence qui les concernera pourtant au premier chef. 

Franck Lemarc

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