Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 13 juin 2025
Aménagement du territoire

Pour les petites villes, l'adaptation au changement climatique n'est plus une option

Les communes ont un rôle essentiel à jouer dans la transition écologique du pays. Pourtant, si les maires ne manquent pas d'idées pour limiter les effets délétères du changement climatique, notamment en termes d'aménagement, leur capacité à agir est bien souvent réduite.

Par Lucile Bonnin, à Saint-Rémy-de-Provence

Convaincue que les maires ont un rôle indispensable à jouer dans la transition écologique des territoires face au réchauffement climatique, l’Association des petites villes de France a organisé hier à l’occasion de son Congrès un débat sur la question. 

« Il y a aujourd’hui une véritable prise de conscience car le réchauffement climatique est devenu perceptible », estime Jean Jouzel, climatologue. Inondations, feux de forêts, tempêtes, cyclones, fortes chaleurs : « aujourd’hui aucune commune ne peut se sentir non concernée par le changement climatique » , résume le scientifique. 

Des maires et des obstacles 

Ceux que Christophe Bouillon, président de l’APVF, appelle les « urgentistes des territoires »  sont des maires qui constatent chaque jour que l’adaptation des territoires au changement climatique « n’est plus une option ». 

Bien souvent, c’est à la suite d’expériences malheureuses, pour ne pas dire désastreuses, que les élus locaux ont placé l’aménagement au cœur de leurs politiques locales. La commune de Trèbes en octobre 2018 a été touchée par un phénomène méditerranéen exceptionnel causant des crues d’intensité rarement observé, entrainant la mort de six habitants. Éric Menassi, maire de Trèbes et co-président du groupe de travail « risques et crises »  à l’AMF explique qu’il est inévitable de prendre en compte les spécificités locales : « 80 % de la commune à rendre constructible est en zone inondable, il faut donc développer le territoire autrement et surtout partager cette réalité avec la population car le maire a une responsabilité dans la sensibilisation de la population ». Depuis 2018, 52 maisons, trop proches de l’Aude, ont été rasées. La solution choisie territorialement consiste en un aménagement qui vise à élargir et restaurer le lit de la rivière, afin de permettre un meilleur écoulement des eaux en cas de crue. « Atténuer les effets à défaut de contrôler la nature » , résume Éric Menassi.

« Nous ne gagnons jamais face aux éléments et c’est pourquoi il faut conduire des actions qui limitent le réchauffement climatique et améliore la résilience des territoires » , insiste Romain Colas, maire de Boussy-Saint-Antoine et vice-président de l’APVF. Dans sa commune de l’Essonne, c’est un quartier entier construit dans les années 1960 qui s’est retrouvé piégé par la montée des eaux. « On ne peut pas empêcher le risque mais on peut éviter que l’eau s’invite dans les logements », et le maire, également président du syndicat mixte pour la gestion des eaux du bassin versant Yerres-Seine, souligne que pour mettre en place des solutions efficaces il faut travailler collectivement, notamment avec les communes voisines.

Autre exemple : à Anduze, où les épisodes cévenols sont de plus en plus fréquents, la mairie a décidé de sanctuariser dans le PLU plusieurs hectares et de les destiner à l’agriculture. Pour compenser ce manque à gagner en matière de construction, la municipalité travaille avec un établissement public foncier afin de transformer une friche en éco quartier. C’est aussi ça l’inventivité des maires.

L’État ne joue pas le jeu

L’État pour sa part ne semble pas vouloir vraiment se prêter au jeu du collectif. Si la création du fonds vert a été saluée par toutes les associations d’élus lors de sa création, force est de constater que « ce fonds vert fond plus vite que la banquise », selon Christophe Bouillon. En avril dernier, Bercy a annoncé une annulation de crédit à hauteur de 63 millions d’euros après avoir subi une baisse drastique en 2025, passant de 2,5 milliards à 1,15 milliard d’euros (lire Maire info du 28 avril)

« La dette de l’État ne fait pas de victime contrairement à la dette environnementale » , a déclaré Christophe Bouillon. Comment ne pas penser alors au cas dramatique de Mayotte. Au plus fort de la crise, juste après le passage de Chido, il a été souvent dénoncé le fait que les aides de l’État se concentraient sur les plus grandes villes de l’île. A Kani-Kéli, ville de moins de 6 000 habitants, la population et les élus ont souffert de l’absence de l’État notamment d’un point de vue financier. Encore aujourd’hui, « la population subit, il n’y a pas d’accompagnement fort de la part de l’Etat », comme en témoigne Roger Hatubi Amed, maire-adjoint de la commune. 

Ce manque de financement de l’État pousse également certaines municipalités à augmenter les taxes locales. La municipalité de Coulaines (Sarthe) a par exemple augmenté de 20 % les impôts locaux dans le but de réaliser plus 20 millions d’euros de travaux de rénovation énergétique. 

Par ailleurs, il faut mieux ne pas être pressé concernant les autorisations pour les aménagements en faveur de la prévention des risques… alors même que le réchauffement climatique s’accélère. « Le code de l’urbanisme est passé en quelques années de 1000 à plus de 3000 pages », a rappelé le président de l’APVF. Les normes et les délais incompréhensibles ont une fois encore été fustigés par des maires qui doivent attendre parfois plusieurs années pour voir aboutir un projet dans leur commune. A Trèbes, il aura fallu sept ans pour que le chantier de réaménagement des berges de l’Aude débute. 

En matière d’aménagement, certes les collectivités sont en première ligne, mais « l’État doit être un stratège et les territoires ont besoin de lui ». « On ne peut pas écrire l’avenir sans la puissance créatrice des maires mais il faut un pacte de confiance entre l’État et l’échelon local » , a conclu le président de l’APVF.

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