Maire-info
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Édition du mardi 10 décembre 2024
Agriculture

Les sénateurs au chevet des haies françaises

Une proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie a été adoptée la semaine dernière au Sénat. Ce texte vise notamment à compléter le Pacte en faveur de la haie annoncé fin 2023 par le gouvernement.

Par Lucile Bonnin

Dans un contexte où le nombre de haies diminue chaque année en France, le gouvernement a décidé de se fixer un objectif : compter 800 000 kilomètres de haies en 2030, soit 50 000 de plus qu'aujourd'hui. Telle est l’ambition du « Pacte en faveur de la haie »  présenté en octobre 2023 par le gouvernement (lire Maire info du 2 octobre). 

Le ministre de l’agriculture de l’époque, Marc Fesneau, indiquait que « les haies sont une composante essentielle de la diversité et de l’identité des paysages français. Habitat naturel pour de nombreuses espèces, auxiliaire agricole, ressource de biomasse et élément patrimonial, les haies rendent de multiples services à la nature et aux sociétés humaines ».

L’exécutif a donc agi avec le lancement de ce pacte, ce dernier prévoyait 110 millions d’euros par an pour atteindre un objectif de 50 000 km de gain net de linéaire de haies. « Traduisant l’action 2 de ce Pacte, un observatoire a été créé, afin de fiabiliser les chiffres et de permettre le suivi du Pacte, par l’élaboration d’un référentiel cartographique puis d’outils de caractérisation complexe des haies. »  Cependant, « la réduction de 73 % des crédits alloués à la haie dès la deuxième année de ce Pacte, rappelle que les priorités changent » , écrit Bernard Buis, sénateur de la Drôme et rapporteur d’une proposition de loi concernant les haies et adoptée la semaine dernière. Selon les sénateurs, il faut « ancrer certaines mesures dans la loi »  pour donner la visibilité nécessaire à cette politique pro-haies. 

C’est dans ce contexte que la proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie déposée en 2023 par le sénateur d’Ille-et-Vilaine Daniel Salmon a été adoptée en commission des affaires économiques du Sénat le 4 décembre dernier. Malgré le contexte politique actuel perturbé, son auteur espère la voir examinée prochainement en séance publique, « qui je l’espère permettra l’adoption définitive de ce texte au Sénat », a-t-il déclaré. « Nous sommes en attente de la reprise des travaux législatifs, qui établira le calendrier prévisionnel des prochaines semaines. » 

Des objectifs révisés 

La proposition de loi constituée de cinq articles propose « de consacrer dans la loi une stratégie « pour la reconquête des haies ». En pratique, elle ne semble pas différer du « Pacte en faveur de la haie »  si ce n'est qu'elle serait juridiquement opposable. » 

Concrètement, « des objectifs quantitatifs en termes de kilomètres de haies gérées durablement à l’horizon 2030, ainsi qu’en termes de production de biomasse », ont été fixés dans la proposition de loi. L’auteur du texte explique qu’à l’issue de la commission, les sénateurs ont « retenu les chiffrages les plus probants, sur la base d’une concertation avec les différents acteurs, cette proposition de loi est ancrée dans les réalités de terrain. » 

La stratégie présentée dans le texte prévoit de fixer un « objectif chiffré de haies gérées durablement, tandis que le pacte fixait un objectif purement quantitatif de gain de linéaire, sans précision sur la gestion durable », peut-on lire dans l’Essentiel. Elle s’inscrit à plus long terme, en fixant des objectifs à horizon 2050 et prévoit « une gouvernance renforcée pour le suivi de ce Pacte associant les deux ministères concernés et les diverses parties prenantes ». « Elle traduit par ailleurs de premières actions prévues par le Pacte (consécration de l’observatoire de la haie, critères législatifs de gestion durable…). » 

Un crédit d’impôt qui devra être adopté 

Pour adopter une logique incitative plutôt que contraignante, le texte dans sa rédaction initiale prévoyait à l’article 4 d’instituer un crédit d’impôt forfaitaire à hauteur de 3 500 euros par an pour toutes les entreprises agricoles ayant fait l’objet de la certification « Label Haie - Gestion »  proposé par le Réseau Haies France. 

« Dans un souci de coordination avec les travaux de la commission des finances en plein examen du budget, l’auteur et le rapporteur ont déposé au projet de loi de finances un amendement qui reprend, de manière consolidée, le dispositif proposé. Tant le recours à des entreprises de travaux agricoles que l’acquisition de matériel et le temps consacré à l’entretien (sous forme d’indemnité) seraient éligibles au crédit d’impôt, sans préjuger de la nature de la certification. Ces modifications ne renchérissent pas le coût de la mesure, estimé à 9 millions d’euros, et conservent son caractère incitatif. »  Ce crédit d’impôt sous forme d’amendement avait été adopté dans le projet de loi de finances 2025 à l’unanimité. 

Cependant, avec la censure du gouvernement Barnier, cet amendement disparaît. Pour le budget 2025, on sait que la fameuse « loi spéciale »  sera déposée « avant la mi-décembre »   (le délai légal est le 19 décembre), et qu’elle « appliquera pour 2025 les choix de 2024 ». Comme il ne sera pas possible de modifier cette loi spéciale, il faudra faire valoir ce nouveau crédit d’impôt dans « un nouveau budget »  – qui devra, comme l’a indiqué jeudi Emmanuel Macron, être adopté « en tout début d’année »  – ou le réintroduire dans le texte de cette proposition de loi. 

« Nous devrons donc à nouveau faire adopter ce crédit d’impôt, ultérieurement », a indiqué l’auteur de la proposition de loi qui ajoute que « ce cadre économique est indispensable pour ne plus mettre la préservation des haies sous perfusion d’argent public ou uniquement sous obligation réglementaire. On le voit bien, c’est par l’incitation et la rentabilité que l’on fera évoluer la vision qu’ont les agriculteurs de la haie. » 

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