Agriculture : ce que contient le projet de loi du gouvernement
Par A.W.
Le gouvernement a présenté, hier, au sortir du Conseil des ministres, son projet de loi « d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations », après l’avoir largement remanié à la suite des manifestations répétées des agriculteurs en début d'année.
Dans l'exposé des motifs du texte, le gouvernement dit vouloir adresser « un message de confiance » au monde agricole, dont « l'activité sera libérée de normes et de contraintes devenues superflues, contradictoires ou excessivement lourdes », comme promis par le Premier ministre, Gabriel Attal, lorsque le mouvement de protestations était à son pic.
Renouveler les générations
Comme le réclamait la FNSEA, le premier article assure ainsi « le caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture » et fait de la « souveraineté alimentaire » un « objectif structurant de nos politiques publiques ».
Alors que le pays a perdu 100 000 fermes en dix ans et que « plus d’un tiers des chefs d’exploitation seront en âge de partir à la retraite […] d’ici dix ans », l’exécutif souhaite « assurer, dans les décennies à venir, l’émergence d’une nouvelle génération d’agriculteurs » en « suscit[ant] des vocations » et en « s’adapt[ant] aux nouveaux profils agricoles ».
Pour cela, il prévoit la création d’un nouveau diplôme Bac +3 « Bachelor Agro », la mise en place de visites de découverte de fermes pour les écoliers, mais aussi de stages « immersifs » pour les collégiens et lycéens.
Le gouvernement a également l’intention d’instaurer un réseau « France services agriculture » pour accompagner ceux qui souhaitent s’installer ou céder leur exploitation, mais aussi de créer des « groupements fonciers agricoles d'investissement » (GFAI) pour faciliter l'accès aux terres, mais qui auront la capacité de lever des capitaux auprès d’investisseurs. Une mesure qui « livre les terres agricoles à la spéculation foncière », a déploré la Coordination rurale, qui s'oppose « fortement » au texte en l'état.
La Confédération paysanne a, de son côté, dénoncé une « fuite en avant » du gouvernement, qui « utilise les vieilles recettes du passé [...] au profit de quelques-uns et au détriment du plus grand nombre ». Du côté des parlementaires, la députée LFI de Seine-Saint-Denis Aurélie Trouvé a, elle, critiqué un projet loi qui « entérine de graves régressions environnementales ».
Gestion de l’eau : les départements « en appui »
Parmi les dispositions qui intéresseront directement les collectivités, le gouvernement entend introduire « de plus grandes facultés d’intervention » des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau, « sans remettre en cause » la compétence du bloc communal mais « en appui » des projets portés par celui-ci. Une gestion à une échelle dépassant les frontières de l’intercommunalité peut « se révéler pertinente dans certains territoires dans un contexte de tensions liées aux épisodes successifs de sécheresse », explique-t-il.
Il prévoit ainsi la possibilité qu’un EPCI ou un syndicat mixte compétent puisse déléguer à un département la maîtrise d’ouvrage en matière de production, transport et stockage d’eau destinée à la consommation humaine ou en matière d’approvisionnement en eau. Il autorise aussi la création des syndicats mixtes ouverts, « comprenant un ou plusieurs départements limitrophes, un ou plusieurs EPCI ou syndicats mixtes fermés exerçant les compétences en matière de production, de transport et de stockage d’eau potable ».
Le texte vise aussi à réduire les procédures autour des constructions de réserves d'eau pour l'irrigation, telles que les « bassines », et de bâtiments d'élevage.
« L’accélération de la procédure contentieuse, en particulier en référé, permettra aux porteurs de projet de déterminer rapidement si le projet peut aboutir ou doit être abandonné ou adapté », explique le gouvernement, en soulignant que « la suspension de la durée de validité des autorisations du projet en cas de contentieux permettra d’éviter la caducité de ces autorisations du fait des recours ».
Chiens de troupeaux : l’évolution du statut souhaitée
Le projet de loi prévoit, en outre, des dispositions concernant le statut des chiens de protection de troupeaux – estimé à plus de 6 500, mais « en augmentation constante dans les alpages comme dans les vallées » – dans le but de davantage sécuriser les éleveurs confrontés régulièrement à des dépôts de plaintes voire à des condamnations pénales lorsqu’un randonneur, par exemple, est mordu par l’un de ces chiens.
Une question qui concerne aussi particulièrement les maires des communes affectés par la problématique du loup puisque ceux-ci sont responsables de la protection contre les chiens dangereux. Dans ce contexte, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau reconnaissait récemment que certains élus « préfèrent ne plus mettre à bail certaines zones, par peur du risque de morsure ».
L’inadaptation de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), qui s’applique aux propriétaires de plus de neuf chiens, est également évoquée.
Le texte prévoit ainsi d’habiliter le gouvernement à « prendre par ordonnance » des mesures « permettant de fixer des règles adaptées d’engagement de la responsabilité pénale en cas de dommages causés par les chiens de protection de troupeaux » ainsi que des mesures modifiant les règles applicables aux ICPE et aux installations, ouvrages, travaux ou activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques (IOTA).
Deux dispositions qui ont, cependant, été considérées comme « dépourvues d’utilité » par le Conseil d’État qui a proposé de « ne pas les retenir », ce que le gouvernement a choisi d'ignorer.
À noter que, selon l’étude d’impact qui accompagne le texte, « les installations qui ne seraient plus soumises au régime de la déclaration ICPE devront appliquer les dispositions des règlements sanitaires départementaux » et, par conséquent, « leur gestion de ces dossiers reviendrait aux maires au titre de leur compétence en matière de salubrité publique ». De la même manière, concernant la pisciculture, « la gestion de certaines installations n’ayant pas d’impact sur le milieu aquatique (prélèvements, rejets, obstacles à la continuité écologique) pourrait revenir aux maires ».
Gestion des haies : unification de l'instruction
Afin de « mettre un frein à la réduction des linéaires de haies » causée par « la multiplication » des régimes d’autorisation ou de déclaration et afin « d’encourager leur développement », l’exécutif souhaite simplifier l'instruction visant la gestion des haies.
Il prévoit ainsi de mettre en place « un régime unique de la haie » dans le but de « favoriser sa sauvegarde et encourager son développement » puisque les haies assurent de « nombreux services écosystémiques » : « habitat naturel d’espèces animales et végétales, corridor écologique, stockage de carbone, auxiliaire de cultures, affouragement, production de biomasse et élément paysager structurant des milieux ruraux, urbains ou péri-urbains ».
Le texte présenté par l’exécutif encadrerait donc, « sur la base d’un régime de déclaration et d’autorisation, les possibilités d’arrachage et de replantation des haies ». Le régime unique aurait, selon l'étude d'impact, pour effet de « faciliter et d’encourager » la communication entre les services compétents pour chaque champ de la réglementation, notamment avec les collectivités territoriales au regard des dispositions du Code de l’urbanisme. Il faut noter, comme cela a été souligné lors de l'examen du texte devant le Conseil national d'évalution des normes que les fameuses « 14 réglementations » sur les haies, souvent citées comme exemple de « cauchemar bureaucratique », vont subsister, seule l'instruction étant unifiée.
Si un « surcroît d’activité ponctuelle, […] très variable d’une collectivité à l’autre », est à prévoir lors du lancement du guichet unique, le fonctionnement en routine sera pensé pour avoir « une conséquence neutre » sur celles-ci.
Le projet de loi doit être examiné à partir du 13 mai en séance à l'Assemblée nationale, pour une adoption définitive espérée avant l'été.
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