Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 7 novembre 2024
Justice

Adoption d'une proposition de loi pour protéger davantage les mineurs, notamment dans les services de transport

Mardi, le Sénat a adopté une proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes. Ce texte permettrait aux opérateurs de transport public de personnes de consulter les fichiers dans lesquels sont inscrits les auteurs d'infractions sexuelles et violentes.

Par Lucile Bonnin

La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a renforcé le contrôle des antécédents judiciaires de tous les professionnels et bénévoles intervenant auprès des jeunes, notamment dans les accueils collectifs de mineurs (ACM). Depuis, selon le ministère de l’Intérieur, ce sont 157 729 consultations du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais) qui ont été réalisées en 2023 par les préfectures – à la demande des maires et/ou de présidents d'exécutifs locaux – représentant une hausse substantielle de 109,5 % par rapport à l'année 2022.

Pour « renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes » , la sénatrice de la Saône-et-Loire, Marie Mercier, a déposé une proposition de loi qui a été adoptée mardi au Sénat. 

Consultation des fichiers judiciaires pour les conducteurs de transports 

En dépit d’un arsenal « déjà relativement complet », « certaines professions pourtant sensibles restent exclues du régime d'inaptitude fondée sur une condamnation pénale et celles-ci, a fortiori, ne disposent pas d'un accès indirect au Fijaisv : tel est notamment le cas des conducteurs de transports collectifs de mineurs ou de majeurs vulnérables ».

C'est dans ce contexte que la proposition de loi souhaite « rendre les entreprises de transport public de personnes destinataires des informations contenues dans le Fijaisv, dans les mêmes conditions que les élus locaux (donc avec un accès indirect au fichier et une consultation seulement fondée sur l'identité de la personne) ». 

En pratique, l'incapacité pour les personnes condamnées à exercer des fonctions de conducteur de véhicule de transport public collectif routier lorsque ces fonctions impliquent un contact habituel avec des mineurs ou des majeurs en situation de vulnérabilité serait garantie par le contrôle, du bulletin n° 2 du casier judiciaire et d'une attestation de non-inscription au Fijaisv ou au Fijait. « Ces documents n'étant pas transmis directement à l'employeur, mais demandés par le responsable de la collectivité territoriale en charge de l'organisation et du fonctionnement du service de transport (maire, président d'intercommunalité, président de conseil départemental ou régional) à la préfecture puis envoyés à la personne faisant l'objet du contrôle afin qu'elle les remette à son employeur. » 

 « Bien loin de nous l’idée de jeter l’opprobre sur les chauffeurs de bus, mais nous avons été alertés par les opérateurs de transports sur le fait que les chauffeurs de bus présentent leur permis, mais rien de plus, a expliqué en séance l’auteure de la proposition de loi. Cette proposition vise à corriger cet état de fait. » 

Il faut souligner que ce texte préventif intervient dans un contexte de pénurie de chauffeurs de cars scolaires qui perdure depuis plusieurs années. Alors qu'il manquait 8 000 conducteurs de cars scolaires en 2022, 3 000 postes étaient à pourvoir en cette rentrée 2024 (lire Maire info du 5 septembre). Ainsi, cette mesure permettrait aussi de maintenir un niveau de vigilance sur les critères de recrutement malgré le besoin accru dans les territoires. 

Changement de nom : besoin d’encadrement 

La loi du 2 mars 2022, dite loi Vignal, a instauré une nouvelle procédure de changement de nom simplifiée (lire Maire info du 26 avril). Si la loi a été adoptée pour notamment répondre plus efficacement à des situations douloureuses de personnes abandonnées par leur père ou des enfants maltraités ou abusés par un parent, il existe cependant des dérives. 

La sénatrice de la Saône-et-Loire illustre ces dérives avec l’exemple de Francis Evrard : alors qu’il a été condamné à 30 ans de prison pour viol sur mineur, ce pédocrimel multirécidiviste a changé de nom dans la perspective notamment de demander sa libération conditionnelle en 2027.

Si cette proposition de loi est adoptée au Parlement, le procureur pourrait s'opposer au changement de prénom ou de nom de personnes inscrites au Fijaisv ou au Fijait. De plus, alors que la loi Vignal ne le prévoit pas, un amendement adopté mardi propose que pour tout changement de prénom et de nom via une procédure simplifiée, le demandeur fournisse « le bulletin n° 2 de (son) casier judiciaire et une attestation établie par la préfecture faisant apparaître l'existence, ou non, d'une fiche à (son) nom au Fijaisv ou au Fijait » . Si la mesure paraît légitime, elle complexifierait de fait les démarches de changement de nom, notamment dans les mairies. 

Enfin, une autre disposition du texte vise à intégrer, au sein de la liste permettant l'application de la procédure spécifique aux infractions sexuelles et aux infractions violentes commises sur les mineurs (catégorie qui emporte, notamment, l'inscription des condamnés au Fijaisv), deux nouveaux délits récemment créés : l'incitation d'un mineur, par un moyen de communication électronique, à commettre un acte sexuel sur lui-même ou avec ou sur un tiers et la sollicitation d'images pornographiques auprès d'un mineur. 

En attendant une nouvelle loi immigration... 

Les discussions de mardi ont aussi été l’occasion de revenir sur le sujet de la durée de rétention administrative pour les étrangers auteurs d’une infraction sexuelle ou violente grave. Inséré par la commission, l'article 4 visait, sur le modèle des dispositions existantes en matière de terrorisme, à « prolonger jusqu'à 180, voire 210 jours la rétention d'un étranger condamné à une interdiction du territoire pour une infraction sexuelle ou violente grave. » 

Finalement, l’article a été supprimé par un amendement du gouvernement. Cela ne veut pas dire que ce dernier soit contre. Ce n'est « pas [...] le bon véhicule législatif », selon la ministre des Relations avec le Parlement Nathalie Delattre ; le secrétaire d’État chargé de la Citoyenneté Othman Nasrou a lui été encore plus clair, mettant fin à toute ambiguïté concernant les ambitions du gouvernement : « La seule et unique raison pour laquelle le gouvernement demande le retrait de cet article, c’est pour pouvoir l’inscrire dans un véhicule législatif adapté en début d’année prochaine ». 

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