Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 1er avril 2022
Guerre en Ukraine

Accueil des déplacés d'Ukraine : les CCAS en alerte

Aux côtés et en appui des communes, les centres communaux d'action sociale (CCAS) - dont l'union nationale vient de tenir son congrès - se préparent à l'accueil des déplacés fuyant la guerre en Ukraine. Mais de nombreuses inconnues demeurent.

Par Emmanuelle Stroesser

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© Unccas

Pour les élus et responsables de CCAS, l'implication dans l'accueil des réfugiés d'Ukraine fuyant la guerre est une évidence. Mais au-delà des intentions, les questions pratiques et prosaïques vont rendre l'exercice plus complexe. Comme le résume Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), « les CCAS sont bien placés pour voir les impasses ». Sur ce sujet plus global de l'accueil des déplacés, « l’État anticipe peu mais donne l'impression qu'il y aura toujours les associations et les CCAS pour cela », regrette-t-il. Dans l'auditorium du congrès de l'Unccas, où il intervenait mercredi 30 mars, à Paris, ses propos ont fait mouche. D'autant que Pascal Brice connaît bien le sujet pour avoir été directeur de l'Ofpra, l'organisme chargé des demandes d'asile. 

Des besoins évidents, des demandes encore imprécises

« Tous les CCAS essayent de s'organiser avec plus ou moins de facilités avec les préfectures »  explique à Maire info Yves Calippe, adjoint au maire du Mans. Une jolie formule pour évoquer les nombreuses inconnues ou questions en suspens. L'élu pilote le groupe de coordination qui vient justement de se mettre en place au sein de l'Union nationale des CCAS et CIAS pour faciliter l'échange d'informations et d'expériences entre élus. Car « on sent bien que l'on doit travailler ensemble pour réussir cet accueil le mieux possible ». 

Dans les allées du congrès, les retours des élus et responsables de CCAS se recoupent. « On sait que la préfecture organise un SAS », « nous attendons d'en savoir plus ». Certains parlent de deux/trois jours d'hébergement, d'autres 8/10 jours, le temps d'effectuer les démarches avec la préfecture pour que les « déplacés »  – la terminologie recommandée par l’État – obtiennent l'autorisation provisoire de séjour. Ce sont plutôt des grosses structures comme France Terre d'Asile en Île-de-France ou Forum déplacés en Auvergne-Rhône-Alpes à qui les préfectures confient la gestion de ces « hubs », une autre terminologie très européenne. En Auvergne-Rhône-Alpes, les déplacés devraient être ensuite répartis « peut-être dans des foyers de jeunes travailleurs et des résidences étudiants pour des durées plus longues », croit savoir la directrice adjointe des services d'une ville centre. 

Beaucoup de CCAS ont été contactés par la préfecture de leur département pour recenser les offres de logement possible. Cela ne veut pas dire qu'ils seront sollicités, « mais pour savoir ce que nous pourrions proposer ». Car l’État recherche du foncier, des locaux. À terme, ce sont 100 000 personnes qui doivent être accueillies, rappelle Pascal Brice. 

Même si les particuliers offrent d'accueillir des déplacés, « un bel élan »  souligné par beaucoup, chacun mesure que cela n'est pas si facile, surtout sur la durée. Cet hébergement chez l'habitant « sera marginal », estiment les professionnels. L'État lui-même semble faire marche arrière, hésitant à s'appuyer sur ces possibilités. Du côté des bailleurs sociaux, certains ont déjà réservé des logements. « Entre 5 et 12 sur le département », cite en exemple Yves Calippe pour la Sarthe, « mais la préfecture nous annonce 1 400 personnes à venir ». La solution à l'équation est donc encore loin d’être trouvée. 

Les collectivités forcément mises à contribution sur la durée

Les préfectures cherchent à s'appuyer sur des associations pour l'intermédiation localitve ou l'accompagnement sur la durée des déplacés, mais « déjà certaines font marche arrière », pointe Yves Calippe, car elles « n'ont ni les moyens financiers ni le personnel pour assumer ce travail. Au début elles ont fonctionné avec le bénévolat, mais cela ne dure guère qu'un week-end ou deux » … « Nous n'avons pas d'information ou de certitude sur les prix de journée, nous explique Pascal Brice, ce qui est problématique car pour ouvrir et trouver des salariés pour faire fonctionner une structure, on doit savoir les financements dont nous pourrons disposer ».  

« Inévitablement, on le sait, on sera obligé de mettre la main à la poche », reconnaît Yves Calippe. L’État ne s’en cache d’ailleurs pas, comme Maire info l’expliquait lundi en dévoilant le contenu de la dernière circulaire ministérielle sur ce sujet : il y est clairement indiqué que « les logements mis à la disposition des ménages ukrainiens par une collectivité sont à la charge de cette dernière y compris pour l'accompagnement des ménages, par exemple via leur CCAS ». Il faut pourtant se souvenir que l'accueil des déplacés est une compétence exclusive de l'État... C'est ce qu'a d'ailleurs rappelé l'AMF lors de la réunion interministérielle dédiée à l’Ukraine : les compétences de l’hébergement et de l’asile relèvent de l’État qui doit prendre en charge les coûts générés par l’accueil des déplacés d’Ukraine. Le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les  collectivités territoriales, selon nos informations, réfléchit aux modalités que pourrait prendre cette compensation. 

En attendant, « il faudra mettre la main à la poche car je ne sais pas comment les familles feront, sur la durée, pour subvenir à leurs besoins », confirme une responsable de CCAS. « On sait qu'il nous faudra prendre en charge au moins les premiers loyers, le temps que les personnes disposent d'un minimum de ressources », assure une autre. Françoise Tenenbaum, présidente de l'Union départementale des CCAS de Côte-d'Or, a déjà fait les comptes pour ses collègues, perplexe : « L'OFFI ne versera les ADA [allocations aux demandeurs d’asile - ndlr] que dans 45 jours. Pour le logement, on nous dit que leur demande doit être examinée par les commissions d'attribution comme les autres, or il n'y a déjà pas assez de logements pour les autres. Et si j'additionne l'ADA et l'APL, il reste 8 euros de reste à vivre, ce qui est inférieur au seuil de 12 euros demandé par les bailleurs… Hormis des aides du CCAS, de la Croix-Rouge ou d'autres, ce sera très difficile pour ces familles ! » 

Et puis il y a ces situations qui commencent à devenir plus difficiles à gérer, comme le cas de ce jeune congolais, lui aussi réfugié d'Ukraine, mais qui n'a pas droit à la protection temporaire. « On nous demande d'accueillir tout le monde, mais avec des ‘’sauf’’…, c’est compliqué », soupire Yves Calippe. 

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