Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 5 janvier 2024
Accessibilité

Accessibilité numérique : les collectivités risquent désormais d'être sanctionnées en cas de non-respect des obligations

Depuis lundi, les administrations publiques qui n'ont pas rendu leurs sites web accessibles à 100 % aux personnes en situation de handicap pourront être sanctionnées d'une amende de 50 000 euros. Les collectivités sont concernées par cette obligation.

Par Lucile Bonnin

En théorie, tous les sites internet des administrations publiques doivent être accessibles à tous, y compris aux personnes handicapées. En pratique, beaucoup ne sont pas, ou seulement partiellement, accessibles aux personnes déficientes visuelles.

Les obligations d’accessibilité des sites publics aux personnes en situation de handicap ont été introduites par l’article 47 de la loi du 11 février 2005 dite « loi handicap ». Les collectivités territoriales doivent, depuis 2012, se conformer aux règles du référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA). De plus, depuis le 23 septembre 2019, les sites publics doivent publier une déclaration d’accessibilité et afficher leur conformité dès la page d’accueil.

Manque de pédagogie, absence d’autorité de contrôle en la matière, absence de sanction : l’accessibilité numérique des administrations publiques stagne depuis trop longtemps. C’est pourquoi en novembre dernier le gouvernement a ratifié l’ordonnance n° 2023-859 du 6 septembre 2023 visant à renforcer les sanctions des manquements aux obligations d’accessibilité des services de communication au public, en ligne, prévues dans la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Changement de braquet

Auparavant, la seule véritable obligation qui pouvait faire l’objet d’une sanction était la publication sur les sites publics d’une déclaration d’accessibilité et l’affichage de leur conformité dès la page d’accueil. Concrètement, la loi ne sanctionne pas le défaut d’accessibilité, mais seulement le non-respect des obligations déclaratives.

À partir de ce 1er janvier 2024, les règles du jeu changent. En effet, comme l’indique le gouvernement, « dès 2024, l’accessibilité numérique des sites web des administrations publiques ne sera plus seulement une intention mais une réalité » . Pour atteindre cet objectif, le gouvernement ratifie une ordonnance qui prévoit un nouveau régime de contrôle et de sanctions pour les administrations publiques et notamment les collectivités qui ne respectent l’objectif du 100 % accessible. 

Mise en demeure et amendes 

Désormais, le non-respect de l’accessibilité des sites sera sanctionné. Dans un premier temps, c’est l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) qui sera chargée d’identifier et de « constater les manquements, en s’appuyant notamment sur des méthodes de collecte automatisée ». L’Arcom émettra alors « des injonctions préalables aux sanctions ». Le délai de mise en conformité sera fixé par l’Autorité. 

Si la collectivité mise en demeure ne s’y conforme pas, une amende pourra être délivrée en fonction de « la nature, la gravité et la durée du manquement » . Cette dernière ne peut excéder 50 000 euros. Rappelons que, les sanctions concernant le non-respect des obligations déclaratives s’appliquent toujours et peuvent aller jusqu’à 25 000 euros. 

Enfin, « si un manquement sanctionné persiste plus de six mois après l'imposition de la sanction initiale, une nouvelle sanction pourra être imposée ». 

Il faut cependant rappeler qu'une dérogation à cette obligation est prévue par le décret du 24 juillet 2019 : la mise en accessibilité des services de communication en ligne doit, en effet, être mise en œuvre par l'organisme concerné « dans la mesure où elle ne créé pas une charge disproportionnée »  pour celui-ci (lire Maire info du 25 juillet 2019). Cette dérogation « permettra en particulier aux petites communes disposant déjà d’un site internet de justifier de la non accessibilité, tout en essayant de mettre en place des alternatives accessibles ».

Renforcer les droits des personnes handicapées

En novembre 2022, un mois après le comité interministériel du handicap, le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini a affirmé vouloir rendre accessible aux personnes handicapées 80 % des 250 démarches administratives numériques les plus courantes d’ici à la fin 2023, et 100 % d’ici fin 2025.

Beaucoup reste à faire pour rendre ces démarches essentielles accessibles à tous à 100 %, c’est-à-dire pour faire qu’elles respectent tous les critères du Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA) sans exception. Selon le dernier Observatoire de la qualité des démarches en ligne publié en juillet 2023, sur 248 démarches, à peine six étaient accessibles à 100 %. 

Du côté des collectivités, peu de chiffres existent sur les sites déjà rendus accessibles ou non. Sylvain Nivard, président de l’Association Valentin Haüy (AVH), interrogé par Maire info en 2022, alertait sur le fait que « beaucoup est à faire »  du côté des collectivités (lire Maire info du 30 juin 2022). Selon les observations de l’association, même les sites des plus grandes villes de France ne répondent pas à l'entièreté des obligations d’accessibilité. De surcroît, aucune commune ne dispose d'un site internet accessible à 100 % aujourd'hui.

Avec 125 implantations partout en France, l’association propose notamment aux élus un accompagnement pédagogique sur ces sujets, notamment sur celui de l’accessibilité numérique des sites web municipaux. Sylvain Nivard se veut rassurant : « Ce n’est pas compliqué de rendre un site accessible, le plus dur est d’y penser. » 
 

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