Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 7 février 2023
Accessibilité

Accessibilité numérique : la lente et difficile mise en conformité des sites

Les sites des organismes publics ont pour obligation d'être accessibles à tous, y compris aux personnes handicapées. Même si des progrès sont à observer, l'amélioration de l'accessibilité des sites - notamment ceux des services publics, désormais indispensables à tout citoyen - se fait péniblement.

Par Lucile Bonnin

« La crise sanitaire de la covid-19 a accéléré la transformation numérique, en prônant une société sans contact dans laquelle les ressources et les outils en ligne se sont développés de manière exponentielle. Plus que jamais, les personnes en situation de handicap devraient pouvoir, en toute autonomie, se former, travailler, se cultiver, effectuer des démarches administratives, se soigner, utiliser les réseaux sociaux... ; bref, vivre et exercer une profession comme n'importe qui, y compris à distance et sans assistance. Or, force est de constater qu'elles sont victimes d'exclusion. »  C’est ce qu’a rappelé le sénateur Rémy Pointereau dans une question écrite adressée au gouvernement cet été. 

Plus de six mois plus tard, une réponse de la part du ministère de l'Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a été publiée au JO. Dans cette réponse,  le gouvernement confirme indirectement vouloir suivre "une politique des petits pas", excluant pour un temps indéterminé un grand nombre de citoyens, notamment les malvoyants.

Toujours pas de sanction pour le défaut d’accessibilité  

La question portait essentiellement sur les questions de non-respect des obligations d’accessibilité des sites publics aux personnes en situation de handicap. En effet, comme l’expliquait Sylvain Nivard, président de l’Association Valentin Haüy (AVH) à Maire info en juin dernier, la loi ne sanctionne pas le défaut d’accessibilité, mais seulement le non-respect des obligations déclaratives. 

La seule véritable obligation qui peut faire l’objet d’une sanction réside dans le fait que les sites publics doivent publier une déclaration d’accessibilité et afficher leur conformité dès la page d’accueil. Le gouvernement rappelle dans sa réponse au sénateur que « des objectifs précis pour une politique d'accessibilité numérique »  ont été fixés par le « décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 portant obligation aux organismes assujettis de produire et publier un schéma pluriannuel de mise en accessibilité. » 

Concrètement, l’exigence est la publication en ligne de la déclaration d’accessibilité sur chaque site public. Si cette déclaration n’est pas présente, l’autorité administrative (le ministre chargé des personnes handicapées) peut prononcer une sanction administrative. Mais là encore, l’indulgence de la sanction n’aide pas à la mise en conformité rapide de tous les sites. 

Selon le décret, l’entité concernée par la sanction administrative a un délai de 3 mois pour présenter les motifs de sa défaillance qui peut lui-même être prorogé de 2 mois « si les circonstances ou la complexité de la situation le justifient. L'autorité compétente tient compte des mesures prises par la personne concernée, de sa bonne foi, ainsi que des motifs de défaillance dont elle a justifié, soit pour lui accorder un délai supplémentaire d'une durée maximale de 3 mois pour se mettre en conformité, soit pour prononcer la sanction administrative, le cas échéant de façon annuelle jusqu'à sa mise en conformité. » 

C’est ensuite - et seulement ensuite - qu’une amende peut être prévue. Elle est de 20 000 euros par site non conforme et de 2 000 euros « pour les communes de moins de 5 000 habitants, leurs groupements de moins de 5 000 habitants, les établissements publics exclusivement rattachés à un de ces groupements ou communes, ainsi que pour les opérateurs économiques mentionnés à l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales au titre du service public qu'ils leur délèguent. » 

Des engagements 

Les obligations en terme d’accessibilité existent mais n’aboutissent pas car elles ne sont pas suivies de garanties ou de sanctions. Le gouvernement rappelle pourtant que « tous les sites internet, intranet et extranet des collectivités et organismes publics créés avant le 23 septembre 2018 doivent être accessibles aux personnes handicapées, et l'obligation s'étend au 23 juin 2021 aux applications mobiles, progiciels et mobiliers urbains numériques, comme les distributeurs de titres de transport. » 

Une circulaire datant du 17 septembre 2020 prévoit aussi qu'aucun site de l'État nouveau ou refondu ne soit autorisé s'il n'atteint pas 75 % de niveau de conformité au référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA).

Une timide progression

Selon le gouvernement, en octobre 2020, l'observatoire de la qualité des démarches en ligne montrait que seules 11 % des 250 démarches en ligne les plus utilisées par les Français étaient accessibles aux publics porteurs de handicaps, contre 20 % en octobre 2021, 37 % en janvier 2022 et 43 % en octobre 2022.

Si la progression est indéniable, il faut néanmoins la mettre en perspective avec la dématérialisation des services publics qui s’est, elle, considérablement accélérée. Rémy Pointereau rappelle d’ailleurs qu’en 2020, la Commission européenne plaçait la France au 19e rang sur les 27 pays de l'Union européenne pour l'accessibilité de ses services publics en ligne.

En 2022, un guichet a été ouvert par la direction interministérielle du numérique (Dinum) pour orienter les administrations vers les dispositifs les plus pertinents et leur proposer un cofinancement égal à 75 % du coût du projet. Plus de 50 projets ont bénéficié de ce financement pour travailler sur l'accessibilité numérique. 

A l’échelle d’une commune, la mise en conformité d’un site internet « ne coûte pas cher »  comme l’explique Sylvain Nivard qui propose aux élus de l’aide à travers son association. Rémy Pointereau le fait remarquer aussi : « Au plan technologique, l'accessibilité numérique ne présente aucune difficulté. Elle n'induit pas de coûts significatifs sous réserve d'être anticipée. »  Le principal est de se lancer et ce sans attendre une éventuelle décision du gouvernement qui semble ne pas vouloir bouger sur les mesures favorisant (rapidement) l'accessibilité numérique. 

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