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Édition du mercredi 13 décembre 2023
Santé publique

Accès aux soins : l'UFC-Que choisir dénonce la généralisation des dépassements d'honoraires chez les spécialistes

L'association de défense des consommateurs UFC-Que choisir publie ce jour une étude sur les pratiques tarifaires des médecins spécialistes. Plus élevés et plus fréquents, les dépassements d'honoraires des spécialistes conventionnés secteur 2 détériore l'offre de soins dans les territoires

Par Lucile Bonnin

Alors que l’accès aux soins est un véritable problème de santé publique en France actuellement et que 1,6 million de personnes renoncent chaque année à des soins, une autre problématique dépassant celle des déserts médicaux se joue. 

C’est notamment ce que dénonce l’UFC-Que Choisir qui dévoile ce matin une étude concernant les pratiques tarifaires des médecins spécialistes. L’association dénonce notamment « une très grande latitude tarifaire chez les spécialistes, particulièrement problématique dans un contexte de pénurie de médecins ». 

L’étude s’intéresse essentiellement à l’accessibilité géographique et financière pour les gynécologues, ophtalmologues et pédiatres qui est, selon les résultats, « particulièrement dégradée ». 

Des dépassements d’honoraires généralisés 

Selon les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) le nombre de médecins généralistes en activité continue de diminuer (- 500 depuis le 1er janvier 2022) tandis que celui des médecins spécialistes continue de croître (+ 1 300). De plus, selon les données de la Sécurité sociale, la proportion de spécialistes conventionnés en secteur 2 a augmenté constamment entre 2003 et 2021 avec une hausse de plus de 16 points sur cette période et de près de 2,5 points entre 2020 et 2021, passant de 38 % en 2003 à 54,7 % en 2021. 

Parmi ces spécialistes, le taux moyen de dépassement des honoraires en secteur 2 atteint 44,7 % en 2021. Selon l’étude de l’UFC- Que choisir, en 2021, « 70,6 % des gynécologues, 66,2 % des ophtalmologues et 48,2 % des pédiatres pratiquaient des dépassements ». 

D’après une autre étude publiée par l’association le mois dernier, « pour ce qui est de consulter un médecin respectant le tarif de base de remboursement par la Sécurité sociale », on constate que « 69,6 % des patientes vivent dans un désert médical pour les gynécologues » , « 59,3 % des usagers résident dans un désert médical pour les ophtalmologues »  et « 50,3 % des enfants également pour les pédiatres » . Ainsi, les auteurs du rapport déplorent « une mauvaise répartition des médecins libéraux, et le développement anarchique des dépassements d’honoraires chez les spécialistes ».

Absence de concurrence tarifaire

En cause dans cette augmentation de pratiques tarifaires problématiques : l’absence de concurrence tarifaire entre les médecins pratiquant des dépassements d’honoraires. En effet, l’étude souligne que « seule l’installation d’un médecin respectant le tarif de base de la Sécurité sociale au sein d’une zone est de nature à diminuer le coût d’accès à la santé pour les patients à proximité ».

Concrètement, « dans la même zone d’exercice (un rayon de 5-6 kilomètres), les tarifs pratiqués par les médecins sont plutôt homogènes, ce qui suggère une imitation des pratiques tarifaires entre médecins en secteur 2 (effectuant des dépassements), et une impossibilité de fait pour les usagers de faire jouer la concurrence par les prix » . Si on prend l’exemple des gynécologues par exemple, les auteurs de l’étude observent qu’ « une hausse d’un point de la densité de gynécologues secteur 1 est corrélée à une baisse des honoraires de 32 % au sein du secteur 2 dans la même commune ». Ainsi, « au niveau local, seule la présence de gynécologues secteur 1 est donc corrélée très significativement à des honoraires plus bas : il n’y a pas de concurrence tarifaire entre praticiens en secteur 2 ». 

Il est à noter que l’augmentation de la densité de praticiens en secteur 2 est beaucoup moins corrélée à une baisse des tarifs du secteur 2. « Chez les ophtalmologues et les pédiatres, plus la commune est dense en praticiens (au total et en médecins secteur 2 uniquement) par patients potentiels, et plus les honoraires du secteur 2 y sont homogènes. Il n’y a donc pas de phénomène de modération des honoraires via un mécanisme concurrentiel lié à l’augmentation de l’offre locale en secteur 2 ».

Recours devant le Conseil d’État 

L’UFC-Que choisir appelle à mettre fin au « laisser-faire »  jugeant « inacceptable que les patients, qui sont des assurés sociaux et cotisent à l’Assurance maladie obligatoire, s’acquittent de dépassements systématiques »  ou renoncent carrément à consulter un spécialiste.  

C’est pourquoi l’association formule trois recommandations. D’abord, elle est favorable à « l’instauration d’un conventionnement territorial des médecins »  qui éviterait l’installation de médecins conventionnés secteur 2 dans des zones surdotées. L’organisation demande aussi de fermer tout bonnement l’accès au secteur 2 à horaires libres. Ainsi, les spécialistes n’auraient le choix qu’entre « un secteur 1 aux honoraires sans dépassements et l’Option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam), qui encadre les dépassements d’honoraires » . Dernière recommandation : « LLa suppression des aides publiques aux médecins ne respectant pas le tarif de la Sécurité sociale, hors Optam ».

L’UFC-Que choisir « a récemment saisi le Conseil d’État pour faire constater et sanctionner l’inaction gouvernementale sur l’accès aux soins, et enjoindre l’exécutif à agir ». L’association a d’ailleurs lancé une pétition pour soutenir cette action par laquelle elle explique vouloir entendre « celles et ceux qui ne peuvent pas payer de dépassements d’honoraires, et ceux confrontés aux baisses de prise en charge », « celles et ceux qui, faute de moyens, renoncent à se faire soigner »  mais aussi entendre « les maires de ces communes, rurales ou non, qui s’alarment du manque d’offre de soins dans leur ville, et s’indignent de l’absence de nouveaux médecins généralistes, face aux départs en retraite massifs ».

Consulter l'étude. 
 

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