ZAN : plaidant pour « plus de réalisme », des sénateurs proposent de nouveaux assouplissementsÂ
Par A.W.
« Ne parlons plus du ZAN mais de la Trace, la Trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux. » Afin de surmonter les difficultés persistantes dans de nombreux territoires dans la lutte contre la bétonisation, deux sénateurs viennent de déposer une proposition de loi pour assouplir une nouvelle fois la mise en place du « Zéro artificialisation nette des sols » (ZAN).
Et pour en finir avec ce « repoussoir », les sénateurs Jean-Baptiste Blanc (LR, Vaucluse) et Guislain Cambier (centriste, Nord) comptent donc commencer par abandonner le terme même de ZAN pour le substituer par cette Trace, une « trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux ».
Dispositif « repoussoir » et blocages persistants
Instauré par la loi Climat depuis 2021, le ZAN est, en effet, devenu « un sigle désespérant pour de nombreux élus locaux, synonyme de trajectoires de sobriété foncière imposées aux collectivités sans tenir compte des spécificités et des dynamiques territoriales », constatent les deux élus à l’origine du texte.
Car malgré les aménagements et assouplissements déjà mis en place l’an passé grâce à la loi « ZAN 2 » , « des difficultés et blocages persistent dans de nombreux territoires, notamment ruraux », observent les deux sénateurs.
Un constat qui fait écho aux résultats de l’enquête de l’AMF, réalisée cet été, dans laquelle une écrasante majorité d’élus (86 %) reconnaissent ne pas utiliser les outils créés par ce nouveau texte (notamment le « sursis à statuer ZAN » ). Sans compter que la majorité d’entre eux estiment que les délais restent « trop courts » : plus de 52 % des répondants trouvent ainsi « insuffisant les délais d’évolution des documents d’urbanisme ».
Pour permettre une meilleure concertation locale, les délais d’intégration de la trajectoire ZAN ont pourtant été prolongés, l’an passé, de six mois dans les SCoT (22 février 2027) et les PLU et cartes communales (22 février 2028) et de neuf mois dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), ce dernier arrivant à échéance dans… une semaine, le 22 novembre 2024.
Abrogation de l’objectif intermédiaire de 2031
S'inspirant directement du rapport d'information qu'ils avaient publié début octobre, les sénateurs proposent donc de « renforcer l'acceptabilité et la soutenabilité » de la stratégie de sobriété foncière, selon un rythme davantage « compatible » avec les contraintes locales.
S’ils ne remettent pas en cause l'objectif final de 2050 visant à stopper l'étalement urbain, ils comptent bien, en revanche, revoir et même abroger l'objectif intermédiaire de 2031 qui prévoit de diviser par deux le rythme d'artificialisation durant la décennie en cours. Leur objectif étant d’accorder « plus de latitude aux régions dans la fixation de leurs objectifs régionaux ».
« La fixation d'objectifs de réduction de l'artificialisation continuerait cependant à relever des Sraddet et autres documents de planification régionaux, à qui il serait loisible de fixer des objectifs plus ou moins ambitieux de réduction de la consommation » d’espaces naturels agricoles et forestiers (Enaf), « sans horizon temporel prédéfini », précisent les deux sénateurs, qui souhaitent également pérenniser au-delà de 2031 la mesure de l'artificialisation par le décompte de la consommation de ces Enaf, qui devait être abandonnée à cette date.
Un infléchissement qui devrait satisfaire les élus locaux qui percevaient, dans l’enquête de l’AMF, l’échéance de 2031 comme intenable et « incompatible avec l’accueil d’opérations d’une certaine ampleur ».
Documents d’urbanisme : repousser les délais
Afin de permettre aux collectivités de « mieux anticiper la baisse de leurs possibilités d'artificialisation », le texte prévoit également de repousser les délais fixés pour inclure les objectifs de réduction de l'artificialisation des sols dans les documents d'urbanisme.
Pour les communes, les dates butoirs de 2027 et 2028 seraient ainsi respectivement reportées en 2031 pour les SCoT et 2036 pour les PLU(i) et les cartes communales. Les régions « qui le jugeraient opportun » pourraient, de leur côté, reporter jusqu'au « 22 août 2026 » - au lieu du 22 novembre prochain - l’adoption d’un objectif régional de trajectoire foncière via les Sraddet.
La proposition de loi prévoit, par ailleurs, que les projets d'envergure nationale et européenne (Pene) soient décomptés à part en les excluant des enveloppes de consommation d'Enaf fixées aux niveaux régionaux et locaux. Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier espèrent ainsi que ces dernières ne soient « pas grevées par des projets ne relevant pas de l'initiative de la région ou des collectivités locales ».
Une instance régionale avec un « pouvoir décisionnel »
Dernière mesure : les sénateurs souhaitent modifier la composition de « la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols » afin qu’elle devienne « une véritable instance de dialogue, de concertation et de délibération » et de lui conférer « un pouvoir décisionnel ». Sur cette mesure, l'AMF souhaite que la discussion se poursuive.
En plus de ces compétences actuelles, cette instance (réunissant des représentants des élus locaux compétents en matière d'urbanisme et de planification et de l'État) pourrait dorénavant « répartir entre les collectivités territoriales l'enveloppe de consommation d'Enaf déterminée par la région, dans les régions qui ne souhaitent pas modifier leur Sraddet sur ce point au-delà de la date du 22 novembre 2024 » et « déterminer, en concertation avec l'ensemble des collectivités et de leurs groupements, et sur la base des remontées de besoins et projets faites par ces derniers, la définition de cette enveloppe, puis sa répartition ».
Si les sénateurs rappellent qu’elle devra « préserver les intérêts des territoires ruraux », cette conférence se réunira « tous les trois ans pour évaluer la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers dans chaque département, et se prononcer sur la compatibilité du rythme de l'artificialisation avec la trajectoire fixée au niveau régional ».
Des formations départementales se réuniraient « en amont » de la conférence régionale afin de préparer ses travaux et de se prononcer sur les évolutions de l'enveloppe d'artificialisation. « En cas d'opposition d'une ou plusieurs formations départementales, les prises de décision de la conférence régionale se feraient à la majorité qualifiée », expliquent les sénateurs.
Consulter la proposition de loi.
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