Les sénateurs proposent une réforme des autorisations d'absence pour l'exercice d'un mandat local
Par Franck Lemarc
Le Sénat poursuit ses travaux sur l’amélioration des conditions d’exercice du mandat. Sa délégation aux collectivités territoriales a missionné plusieurs sénateurs pour réaliser une série de rapport sur les différents aspects de cette problématique. Le premier a été rendu mi-novembre, et traitait des questions liées au régime indemnitaire des élus (lire Maire info du 17 novembre). Le deuxième et le troisième rapport sont présentés aujourd’hui à la délégation.
Sobrement intitulé Faciliter l’exercice du mandat local, le deuxième volet de ces travaux a été réalisé par Nadine Bellurot, (Indre, LR), Pascal Martin (Seine-Maritime, UC) et Guylène Pantel (Lozère, RDSE).
Les rapporteurs partent du constat unanimement partagé selon lequel « les conditions d’exercice des mandats se sont largement dégradées », ce qui entraîne le découragement et parfois la démission d’un nombre toujours croissant de maires, et un risque aggravé de crise des vocations pour les élections de 2026.
Autorisations d’absence
Parmi les difficultés identifiées, « la difficile conciliation du mandat d’élu local avec la vie professionnelle et personnelle ».
Alors que les maires consacrent de plus en plus de temps à leur mandat (« multiplication des dossiers, attentes des citoyens, complexité intercommunale, inflation des dispositifs, accroissement des appels à projets… » ), il reste difficile pour ceux-ci de bénéficier des dispositifs d’absences légales de leur emploi, même si la loi Engagement et proximité de 2019 a augmenté le crédit d’heures dont ils peuvent disposer.
En particulier, l’usage des autorisations d’absence peut amener à des pertes importantes de salaire, l’employeur n’étant pas obligé de payer les heures pendant lesquelles un élu s’absente pour une réunion liée à son mandat.
Les sénateurs ne vont pas jusqu’à proposer le paiement obligatoire des autorisations d’absence. Et ils n’ont pas suivi non plus les demandes des associations d’élus de relever le volume du crédit d’heure – pour ne pas pénaliser les employeurs. Ils proposent en revanche trois « mesures pratiques ». D’abord, permettre aux maires de déroger à l’obligation de déclarer une absence à l’avance, lorsque l’autorisation d’absence concerne une « situation de crise » (catastrophe naturelle, attentat, etc.) Deuxièmement, ils proposent d’élargir ces autorisations aux cérémonies publiques et aux « réunions décisionnelles organisées au niveau intercommunal ». Enfin, ils demandent que le temps passé en autorisation d’absence de tous les élus locaux soit assimilé à du temps de travail effectif pour tous les avantages sociaux (13e mois, tickets restaurants, RTT...) et pas seulement, comme c’est le cas aujourd’hui, pour le calcul des congés payés, de l’ancienneté et des prestations sociales.
Pour ce qui concerne la rémunération des autorisations d’absence, les sénateurs proposent de réfléchir à une prise en charge « partielle » par l’État - un jour par mois qui serait obligatoirement rémunéré, par exemple.
Responsabilité pénale
La mission s’est ensuite penchée sur les questions de conflits d’intérêt. Elle estime qu’en la matière, un certain nombre de dispositions deviennent « absurdes ou paralysantes ». Ce sont notamment les fameuses règles sur la prise illégale d’intérêt introduites par la loi 3DS qui sont dans le viseur : « complexes à mettre en œuvre », difficiles à interpréter, menant même à des « dérives », ces dispositions, selon la mission, doivent être « expertisées » afin d’être « simplifiées et sécurisées ».
Les sénateurs demandent aussi qu’une réflexion soit lancée sur les règles de déport, qui posent une multitude de problèmes pratiques : par exemple, sur la possibilité de supprimer l’obligation de quitter physiquement la salle en cas de déport, ou sur l’articulation entre les règles de déport et celles des quorums – en proposant que les élus qui se déportent ne « viennent pas en déduction du quorum ».
Conformément à ce que demande l’AMF, les sénateurs proposent que la loi évolue pour « recentrer » la responsabilité pénale du maire « sur les situations d’infraction intentionnelle ».
Vie personnelle et formation
La mission envisage également une série de mesures pour mieux concilier le mandat avec la vie personnelle, ce qui aurait pour conséquence de faciliter l’accès des femmes à des fonctions électives. Parmi celles-ci : permettre la poursuite du mandat pendant les congés maternité ou paternité, et autoriser le cumul des indemnités de fonction et des indemnités journalières, « élargir la possibilité de prise en charge des frais de garde d’enfants à l’ensemble des activités de l’élu nécessaires à l’exercice du mandat local ». La compensation du paiement de ces frais de garde par l’État, aujourd’hui obligatoire seulement dans les communes de moins de 3 500 habitants, pourrait l’être selon le Sénat dans les communes de moins de 10 000 habitants.
Enfin, les sénateurs souhaitent que les élus puissent davantage faire usage de leur droit à la formation, en commençant par simplifier la plateforme numérique du DIFE. Les rapporteurs proposent également d’inciter « les collectivités de rattachement de l’élu à s’impliquer plus avant dans la formation de leurs élus en abondant leurs comptes DIFE », et d’étendre les possibilités de report des crédits formation non consommés au budget formation de l’exercice suivant, en cas de création d’une commune nouvelle.
Toutes ces pistes, on peut l’espérer, viendront nourrir la réflexion du gouvernement pour son projet de loi sur le statut de l’élu, prévu pour le premier semestre 2024. Au 105e congrès des maires, en novembre dernier, le président du Sénat Gérard Larcher a également annoncé le dépôt d'une proposition de loi dans les prochaines semaines.
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