Rénovation énergétique des bâtiments : le chemin de croix des petites villes
Par Lucile Bonnin
Répondre au défi de la rénovation énergétique des bâtiments communaux ne requiert pas les mêmes efforts à mettre en œuvre pour une commune de plus de 100 000 habitants que pour une petite ville comprenant entre 2 500 et 25 000 habitants. Si l’ambition environnementale est partagée et que les enjeux sont similaires, les petites communes doivent faire face à des obstacles qui leur sont propres.
Comme l’explique Christophe Bouillon, maire de Barentin et président de l’APVF, « de nombreux maires s’estiment souvent démunis face aux contraintes techniques et plus encore financières auxquelles ils doivent faire face. » Il rappelle pourtant une fois encore que « la transition écologique ne pourra être menée à bien sans les communes ».
Ainsi, la publication d’une étude réalisée par l’Agence France locale (AFL) et l’Association des petites villes de France (APVF) participe à décrypter « les défis multiples que les petites villes doivent surmonter pour mener à bien la rénovation énergétique de leurs bâtiments ».
Connaître son patrimoine
« Le préalable à tout engagement de moyens (notamment financiers) est une connaissance fine de son patrimoine – avec la consommation énergétique induite – de manière à prioriser objectivement les investissements les plus urgents tout en permettant de se projeter sur le moyen et long terme » . Si cet argument peut sembler logique à première vue, l’étude révèle qu’en réalité plus la commune compte d’habitants et plus elle dispose de données précises sur son patrimoine bâti. Les entretiens menés auprès des membres de l’APVF le confirment : pour les petites villes ayant entre 2 500 et 5 000 habitants, un peu plus de 50 % des communes ont une connaissance fine de leur patrimoine ; pour les petites villes comptant 15 000 à 20 000 habitants la part monte cette fois à plus de 60 %.
Cette difficulté de recensement propre aux petites villes s’explique par la diversité du patrimoine. En effet, « que ce soit en nombre de bâtiments, comme en matière de performance énergétique, le patrimoine communal est très hétérogène. Ce constat est avant tout le fruit de l’histoire, de choix politiques, des charges de centralité qui pèsent sur la collectivité... Face au défi de la rénovation thermique des bâtiments, ces différences affectent significativement et durablement les petites villes ».
Décret tertiaire : source d’inquiétudes
La crise énergétique a « affecté significativement les budgets locaux » des petites villes. En plus de cette difficulté conjoncturelle, le décret du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire oblige les collectivités à réduire leur « consommation d’énergie finale dans les bâtiments tertiaires […] d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010 ».
Ce calendrier, comme le rappelle l’étude, a été décidé unilatéralement par l’État, et est perçu par 45 % des petites villes comme une « source d’inquiétudes » . Les communes qui ont déjà réalisé des investissements lourds s’inquiètent car elles vont devoir « redoubler d’efforts dans les prochaines années pour parvenir à respecter les nouvelles exigences comparées à des collectivités qui n’auraient pas entamé ces travaux ». Une autre partie devra faire face à un mur d’investissements, ce qui poussera les élus de ces communes à faire « des arbitrages dans les budgets d’investissement pour répondre aux objectifs du décret tertiaire » , selon 70 % des élus sondés.
D’ailleurs, 37 % des petites villes sondées identifient le manque de moyens financiers comme le principal frein à la rénovation thermique des bâtiments. Au-delà de cet obstacle financier, d’autres contraintes pèsent sur ces communes notamment le manque de moyens en ingénierie, l’insécurité juridique ou encore « l’apparente absence de l’administration centrale sur ces questions d’accompagnement » comme le dénoncent l’APVF et l'AFL dans l’étude.
Cinq recommandations
Malgré la complexité de la démarche, les élus des petites villes « semblent tous avoir pris la pleine mesure des enjeux ». À partir de ces constats, et afin de réussir ce défi, l’APVF et l’AFL formulent cinq recommandations.
D’abord, à l’échelle des petites villes, l’étude conseille d’interroger le syndicat d’énergie du territoire notamment « pour orienter la commune dans la mise en œuvre de son diagnostic bâtimentaire et dans l’objectif de définir une stratégie patrimoniale ». Il apparaît également essentiel de former l’ensemble du personnel communal à ces sujets de transition écologique. « Cela peut aussi permettre une meilleure acceptation des mesures prises pour les agents comme les usagers » , est-il précisé dans le document. Enfin, il est conseillé de « concentrer l’ingénierie dont les communes ne peuvent disposer en interne, à l’échelle de l’EPCI ou d’un syndicat » . Cette mutualisation permettra de répondre plus facilement aux enjeux de la transition écologique « notamment pour la recherche de cofinancements, l’amélioration des rendements des équipements de chauffage ou de climatisation, la maîtrise d’ouvrage, l’ingénierie financière et juridique, la gestion des CEE... ».
À « une échelle plus globale » , les élus des petites villes appellent à la pérennisation et à la massification du Fonds vert. C’est une priorité puisque « les investissements annuels des collectivités à réaliser pour répondre aux objectifs climatiques sont évalués à 12 milliards d’euros ».
Enfin, l’étude appelle à une simplification du paysage normatif. Ce changement de paradigme est désiré par de nombreuses associations d’élus dont l’AMF qui dénonçait d’ailleurs, lors de son Congrès en novembre dernier, ces normes « dont la multiplication enlise les énergies et retarde le développement [des] communes » . L’étude abonde en ce sens : « Pour parvenir aux objectifs de la Stratégie nationale bas-carbone, le bloc communal doit être en mesure de multiplier les projets qui s’inscrivent dans cette voie. »
Rappelons que ce matin débute l'examen au Sénat de la proposition de loi relative aux collectivités et à la transition écologique des bâtiments scolaires. Cette dernière vise à limiter le financement des maîtres d'ouvrage à 10% des financements publics en fonction de la situation financière des communes ou intercommunalités.
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