Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 12 décembre 2023
Finances locales

Le gouvernement refuse la demande de la Cour des comptes de rendre obligatoire la certification des comptes des collectivités

La Cour des comptes demande au gouvernement de rendre obligatoire la certification des comptes des collectivités locales, en particulier les plus grandes. Le gouvernement a manifestement choisi de ne pas accéder à cette demande. Explications. 

Par Franck Lemarc

La Cour des comptes vient de rendre public un référé qu’elle a adressé, le 27 septembre, au gouvernement, assorti d’une exigence de réponse de celui-ci sous deux mois. Cette réponse a été donnée par la ministre chargée des Collectivités territoriales le 6 décembre. 

Cet échange porte sur la certification des comptes locaux : la Cour des comptes réitère, comme elle l’avait fait il y a un an, sa demande de rendre cette certification obligatoire pour les régions, les départements et les communes et EPCI de taille « importante ». 

Statu quo

Rappelons que la loi Notre de 2015 a créé une expérimentation de la certification des comptes des collectivités. Cette expérimentation s’est poursuivie jusqu’au mois d’août dernier. Dans les bilans qui ont été faits de cette expérimentation par la Cour des comptes et par le gouvernement, les avis divergent : la Cour estime « indispensable »  de rendre la certification obligatoire, tandis que le gouvernement préconise de lui laisser un caractère facultatif. Plus précisément, le gouvernement a proposé l’instauration d’un processus de certification volontaire à partir de 2028.

Rappelons que la certification consiste à faire vérifier, par un commissaire aux comptes, la conformité des comptes au référentiel qui leur est applicable et donc, pour reprendre les termes de la loi Notre, à « en assurer la régularité, la sincérité et la fidélité ». 

La Cour des comptes a donc remis l’ouvrage sur le métier en adressant, le 27 septembre, un référé au gouvernement, pour lui redire sa conviction que la certification des comptes des collectivités doit être rendue obligatoire. « Force est de constater, écrivent les magistrats financiers, que les collectivités, en dehors de celles qui ont souhaité participer à l’expérimentation prévue par la loi Notre, ne se sont pas inscrites dans une démarche volontaire d’audit de leurs comptes par un commissaire aux comptes ». Sans obligation, estime la Cour, on en restera donc au statu quo, c’est-à-dire à une situation où les collectivités « ne soumettent pas leurs comptes à un audit externe ». 

Ce qui, pour la Cour des comptes toujours, relève d’une forme « d’incohérence », dans la mesure où la certification est obligatoire pour les comptes de l’État, de la Sécurité sociale, des universités, des grands hôpitaux, mais aussi des sociétés publiques locales ou des sociétés d’économie mixte. 

Démarche « vertueuse » 

Pourtant, les magistrats estiment que la certification ne présente que des avantages. Alors que le gouvernement a pointé de coût financier et humain de ce processus, la Cour juge que cet argument est « à nuancer » : la certification ne serait, pour elle, obligatoire que pour les collectivités « de taille importante », qui ont donc « les moyens suffisants pour y répondre ». Mais surtout, le référé insiste sur le fait que l’absence de certification fait courir aux collectivités des risques dont le coût pourrait être bien supérieur à celui de la certification. En donnant quelques exemples : « Les produits et les charges ne sont pas toujours enregistrés dans le bon exercice comptable, ce qui altère le regard pouvant être porté sur l‘évolution des résultats individuels des collectivités. Les charges et les risques ne sont pas systématiquement provisionnés. Les créances dont le recouvrement est compromis ne sont pas toujours dépréciées. Souvent, les collectivités ne disposent pas d’un inventaire complet et actualisé de leurs immobilisations corporelles et incorporelles ; lorsqu’il en existe un, elles ne rapprochent pas les données comptables avec les informations qui y sont retracées. La plupart des engagements hors bilan donnés et reçus ne sont pas recensés. »  Ces situations peuvent entrainer « des pertes de recettes et des charges indues ». 

Par ailleurs, la Cour s’appuie sur les données issues de l’expérimentation pour affirmer que « les apports [de la certification] sont largement reconnus par les collectivités elles-mêmes », et rapporte des témoignages de collectivités jugeant la certification « particulièrement vertueuse », « structurante », « efficiente »  et « sécurisante ». 

La Cour estimant enfin qu’il n’existe pas d’alternative à ce dispositif, les autres options envisagées (examen limité, attestation particulière) ayant « une portée insuffisante », elle réitère sa demande au gouvernement de rendre la certification obligatoire y compris pour les communes « ayant une taille importante », selon des seuils à déterminer.

Le « non »  poli du gouvernement

Pour le gouvernement, c’est toujours non. La réponse adressée le 6 décembre par la ministre Dominique Faure aux Sages de la rue Cambon est sans ambiguïté : l’exécutif n’envisage pas de changer sa position. 

Certes, écrit la ministre, le gouvernement partage pleinement « l’objectif général d’amélioration des comptes publics », et note que cette préoccupation est également partagée par les collectivités elles-mêmes. Plusieurs outils ont déjà été déployés pour aller dans ce sens : généralisation de la M57, « expérimentation réussie du compte financier unique », démarches « alternatives à la certification, parfois mieux adaptées pour les entités de plus petite taille ». 

Dominique Faure juge par ailleurs que la comparaison avec les autres entités publiques (État, Sécurité sociale, universités…) n’est pas pertinente, « tant la diversité des collectivités, leur nombre et leurs spécificités diffèrent ». 

La ministre « ne partage pas »  l’idée selon laquelle laisser un caractère optionnel à la certification serait « un renoncement »  à la certification. « L'appropriation du cadre de l'instruction budgétaire et comptable M57, qui sera en 2024 quasiment intégralement déployée, ainsi que la généralisation du compte financier unique en vue de l'exercice 2026 constituent des étapes clés, préparant les collectivités, en particulier les plus grandes, vers une possible démarche de certification. » 

Sauf choix contraire du Parlement, le gouvernement n’envisage donc pas de changer les règles, et reste donc fidèle à sa doctrine d’une démarche strictement volontaire. 

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