Budget 2023 : les mesures retenues pour lutter contre la crise du logement dans les zones touristiques
Par Aurélien Wälti
En rejetant, hier, les motions de censure déposées par les oppositions sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, l’Assemblée nationale a entraîné l’adoption, en première lecture, de la partie « recettes » du budget, ainsi que la centaine d’amendements retenus par le gouvernement.
Parmi eux, on peut revenir sur celui visant à étendre le nombre des communes autorisées à majorer leur taxe d’habitation (TH) sur les résidences secondaires, dans un contexte de crise du logement exacerbée.
Difficultés de se loger pour les locaux
Une mesure qui vient répondre aux inquiétudes des élus locaux de nombreuses communes littorales, par exemple, qui doivent faire face à l'augmentation du nombre de résidences secondaires sur leur territoire, conjuguée à des possibilités restreintes de construction de logements neufs et des prix qui ne cessent d’augmenter. Tout cela entraînant de graves difficultés pour les locaux, et notamment les familles à revenus modestes, de s’y loger. Des problèmes d’accès au logement qui ne se limitent pas aux seules grandes agglomérations.
Il est désormais « impossible de nier les tensions que [les résidences secondaires] engendrent sur le marché local du logement », avait d’ailleurs convenu le rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve (Renaissance), lors de l’examen du PLF en commission.
« La population permanente diminue et vieillit, l'activité se réduit hors périodes de vacances avec les menaces qui pèsent sur le maintien des services publics et du commerce local », s’inquiétait encore la semaine dernière le sénateur du Finistère Philippe Paul (LR), lors des questions au gouvernement.
Or, pour contenir cette évolution, rappelait-il, « les communes ne peuvent plus agir sur le taux de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires » puisqu’une disposition introduite par la loi de finances pour 2020 « impose qu'à compter du 1er janvier 2023 les taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale évoluent dans la même proportion ». Résultat, « si les communes décident d'augmenter le taux de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, les propriétaires de résidences principales à revenus modestes ou moyens seront les premiers pénalisés », regrettait l’élu breton qui réclamait soit la décorrélation des deux taux dans les communes littorales, soit l’extension aux communes concernées du dispositif des zones urbaines tendues qui permet une majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires.
En dehors des 28 agglomérations constituant ces zones, les communes ne peuvent actuellement pas appliquer de taxe directe sur les logements vacants, ni de taxe d’habitation sur les résidences secondaires, puisqu’elles ne relèvent pas de ces zones dites tendues.
TH : près de 4 000 nouvelles communes concernées
Pour faire face à cette crise du logement, le gouvernement a donc choisi la seconde solution, cet outil fiscal permettant, depuis les impositions 2017, aux communes où s'applique la taxe sur les logements vacants, de voter une majoration de la TH sur les résidences secondaires qui peut être comprise entre 5 % et 60 %.
Limité à 1 140 communes actuellement, ce dispositif permettrait à près de 4 000 autres d’en profiter une fois élargi, si l’on en croit les informations distillées par le rapporteur du budget lors des débats en commission. « Potentiellement 5 000 communes » seraient in fine concernées, avait très brièvement évoqué le député du Gers lors de la discussion de ce sujet, celle-ci n’ayant pas eu lieu dans l’Hémicycle, l’utilisation du 49.3 par la Première ministre ayant mis fin aux débats. Selon Jean-René Cazeneuve, ce serait ainsi celles situées dans des zones où la crise du logement s’intensifie, notamment du fait de l’importante conversion de logements en résidences secondaires, et localisées « principalement sur les façades atlantique et méditerranéenne, en Corse et dans les zones de montagne » qui en auraient logiquement le bénéfice.
Pour ce faire, l’exécutif a donc décidé d’élargir, à travers l’amendement rédigé par les députés Renaissance, le périmètre des « zones tendues » aux communes qui, sans appartenir à une zone d’agglomération continue de plus de 50 000 habitants (comme c’est le cas jusqu’à présent), sont confrontées à « une attrition » des logements disponibles pour l’habitation principale. Cela « en appréciant la tension immobilière à partir des prix élevés à l’achat et à la location, ainsi que de la proportion élevée de résidences secondaires par rapport à l’ensemble du parc de logements ».
Taxe sur les logements vacants : un taux à 17 % la première année
Dans ces communes où le taux de résidences secondaires est important, et « dont la liste sera établie par décret », les logements vacants seront désormais imposés directement « au bout d’un an de vacance volontaire », tandis que « les exécutifs locaux pourront choisir d’y renforcer le niveau d’imposition locale en majorant la taxe d’habitation sur les résidences secondaires ». Le délai de délibération sera, en outre, prolongé « du 1er octobre 2022 au 28 février 2023 » afin de permettre aux communes concernées « d’en tirer dès 2023, les conséquences ».
En revanche, « ces communes visées par ce nouveau décret ne pourront plus assujettir à la taxe d'habitation les logements vacants sur leur territoire, ce qui se traduira par une perte de ressources directe pour ces collectivités », signale ce matin l'AMF. Et, à ce stade, aucune mesure de compensation ne semble être prévue .
Afin de forcer encore davantage le retour des logements vacants sur le marché, le gouvernement a également décidé d’augmenter d’un tiers les taux de la taxe sur ces logements, en passant l’imposition dès l’an prochain de 12,5 % à 17 %, lors de la première année de vacance, et de 25 % à 34 % à compter de la deuxième année. L’objectif est ainsi d’« adresser un signal aux propriétaires qui n’occupent pas ces logements ou ne les mettent pas en location », selon l’amendement rédigé par le rapporteur du budget.
Meublés de tourisme : l’avantage fiscal maintenu
L’exécutif n’a toutefois pas été jusqu’à supprimer l’avantage fiscal bénéficiant aux plateformes de meublés de tourisme, comme Airbnb. Malgré plusieurs amendements allant dans ce sens et déposés par plusieurs députés d’opposition - l’écologiste Julien Bayou (Paris), le socialiste Inaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques) et le MoDem Vincent Bru (Pyrénées-Atlantiques) - qui demandaient un alignement de la fiscalité de ce type d’offre locative sur la location classique, notamment « en zones tendues ».
L’objectif était d’« encourager les propriétaires à proposer leurs biens en location à l’année afin de répondre à la pénurie de logement observé » dans ces zones. Ce qui n’est pas le cas actuellement puisque les locations saisonnières en meublé bénéficient d’un abattement forfaitaire de 71 % pour un bien classé « meublé de tourisme » et de 50 % pour un bien meublé classique. Des « avantages fiscaux indus » qui ne « font qu’accroître la pression sur l’immobilier dans les zones tendues et en particulier dans les grandes villes », a fustigé le député de Paris dans son amendement.
Et celui-ci d’ajouter que « Airbnb a entrainé une pénurie de logements et une flambée des loyers dans de nombreuses grandes villes, en particulier à Paris. De très nombreux arrondissements se sont vidés de leurs habitants, entraînant la fermeture des commerces, des écoles et tout simplement la fin de la vie de quartier ».
Si tous ces amendements ont été rejetés en séance, mardi dernier, le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, a reconnu le phénomène d’« airbnbisation des centres-villes des grandes métropoles » et son impact sur « la vie locale de certains territoires ». Pour justifier l’avis défavorable qu’il a émis, il a expliqué que ces amendements seraient « très probablement apprécié[s] par le Conseil constitutionnel comme une rupture d’égalité ou une différence de traitement ». « Surtout, le champ d’application de la mesure proposée est si large que les propriétaires de gîtes ruraux, nos gîtes ruraux, perdraient 20 points d’abattement », a estimé le ministre.
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