« Des mesures choc » : les réactions des élus locaux concernés
« Des mesures choc » décidées, selon certains, « sans concertation ». L’annonce, hier, par Emmanuel Macron de la mise en place de couvre-feux dans les territoires les plus touchés par la pandémie a entraîné des réactions variées chez les élus locaux concernés. Du manque de ripostes du gouvernement devant l’avancée du virus pour les uns, à la seule solution jugée « crédible » pour les autres, c’est souvent un sentiment de fatalité qui domine : « Nous n’avons pas d’autres choix ».
Ces couvre-feux s’appliqueront donc à compter de samedi, entre 21 heures et 6 heures, en Île-de-France et dans huit métropoles : Lille, Grenoble, Lyon, Aix-Marseille, Montpellier, Rouen, Toulouse et Saint-Étienne (lire article ci-dessus). Tour d’horizon des réactions des élus de ces territoires.
« Rester unis » et « respecter les consignes »
Devant la « forte circulation » du covid-19, la maire de Paris Anne Hidalgo (PS) a enjoint sur Twitter la population à « rester unis et appliquer les mesures annoncées par le président de la République, même si elles sont dures ». Même sentiment du côté du maire de Toulouse et président de la métropole Jean-Luc Moudenc (LR) qui, dans un communiqué, estime qu’il « appartient à chacun d’adopter les comportements responsables » car « ce n'est qu'en respectant ces mesures que nous parviendrons ensemble à traverser cette nouvelle épreuve ».
Malgré une décision « difficile », le maire de Montpellier - également président de la métropole - a « à nouveau » demandé, lui aussi, sur Facebook à ses administrés de « faire preuve de responsabilité collective et de respecter l’ensemble des consignes annoncées », Michaël Delafosse (PS) insistant dans le quotidien régional Midi libre sur le fait que « nous devons agir pour réduire la circulation du virus », notamment car « nos soignants ne méritent pas de vivre un nouvel épisode comme celui du printemps ». Il a notamment rappelé que « la progression de l’épidémie est indéniable, les urgences de nos hôpitaux sont en voie de saturation ».
« Nous n'avons pas d'autre choix », a pour sa part soutenu ce matin sur RTL la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse (Soyons libres), estimant que « le couvre-feu c'est la seule réponse crédible à cette situation assez dramatique... » Plus laconiques, certains élus disent « prendre acte » des mesures annoncées à l’instar du président du conseil départemental de l’Essonne François Durovray (LR).
D’autres engagent plus frontalement la responsabilité du gouvernement dans la gestion de la crise, comme Renaud Muselier (LR), président de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et de l’association Régions de France, qui note dans un communiqué que « cette deuxième vague pandémique de covid-19 n’est pas maîtrisée, et cela entraîne mécaniquement les efforts considérables qui sont demandés aux Français », mais reconnaît toutefois que le couvre-feu est « le seul moyen de s’en sortir ensemble » et « appelle chacun à respecter ces mesures nouvelles ».
Une concertation suffisante ?
Particulièrement remonté sur Twitter, le maire d’Alfortville et président de l’Association des maires du Val-de-Marne, Luc Carvounas (PS) - élu hier secrétaire général de l’Association des maires d’Île-de-France (Amif) – estime que « le gouvernement n’a rien fait depuis le 11 mai », estampillant son tweet d’un « #incompétent ». Pour lui, mettre « 20 millions de Français sous couvre-feu » est « un échec » pour le président de la République et le Premier ministre qui auraient fait preuve de « zéro anticipation sur les lits d’hôpital et les tests ».
L’élu reproche à Emmanuel Macron d’avoir pris ces décisions « sans aucune concertation avec les élus locaux ». « Mais tout va bien car Jean Castex nous vend le couple maire-préfet », a-t-il ironisé, concluant sur un « tout cela est faux ! ». Un message d’ailleurs retweetté par le président de l’Amif, lui aussi réélu hier, et maire d'Evry-Courcouronnes Stéphane Beaudet (SE).
De son côté, Jean-Luc Moudenc a indiqué s’être entretenu « dans la journée » d’hier avec « le ministre de la Santé et le préfet d’Occitanie », ceux-ci lui ayant « assuré que le dialogue se poursuivrait, élargi à l’ensemble des secteurs impactés ». Après un premier appel du ministre de la Santé, « qui m’a indiqué que [le couvre-feu] était une option que le gouvernement étudiait », Mickaël Delafosse aurait, lui, eu une confirmation de la part du ministre hier « à 18 heures ».
Une partie des élus locaux n’ont, en tout cas, pas obtenu d’informations complètes sur le contenu des mesures décidées par le président de la République. Plusieurs présidents de métropoles disent ainsi, sur Twitter, « attendre les arrêtés préfectoraux pour plus d’infos sur le périmètre exact et la durée d’application des mesures ». C’est le cas des présidents des métropoles de Rouen et de Grenoble, Nicolas Mayer-Rossignol (PS) et Christophe Ferrari (DVG).
Soutien aux commerçants, soignants et précaires
Reste que les élus locaux sont unanimes : « Ces nouvelles restrictions vont créer de véritables poches de désespoir et de déshérences économique et sociale ». Et Renaud Muselier de réclamer de « fixer un cap immédiatement » car « seule la sortie du tunnel implique qu’on y entre ».
Face à ces « mesures choc », le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis Stéphane Roussel (PS) estime qu’il y a « urgence à donner plus de moyens aux hôpitaux ». Selon lui, Emmanuel Macron n’aurait pas pris « la mesure de la crise sociale qui touche aussi les jeunes et de la crise de l’hôpital toujours criante ». Michèle Rubirola (EELV), maire de Marseille, insiste aussi sur Twitter pour que le gouvernement « renforce réellement les tests rapides et les moyens aux hôpitaux et aux soignants ».
Si Bruno Bernard (EELV), le président de la métropole de Lyon juge que le couvre-feu « peut être une solution », il estime qu’il « faut l'expliciter et accompagner économiquement les secteurs touchés » : « Nous devons aussi être très vigilants avec les plus précaires, premières victimes de l’épidémie. Je regrette qu’aucune annonce n’ait été faite par le président de la République pour les mettre à l’abri et que la mise en place d’un RSA jeune soit rejetée ».
Paris, de son côté, « continuera de soutenir toutes celles et tous ceux qui la font vivre : les commerçants, les restaurateurs et l'ensemble du monde de la culture », a expliqué Anne Hidalgo sur Twitter, annonçant qu’elle solliciterait « la ministre de la Culture pour trouver des solutions ou des dérogations pour que les auteurs et les artistes du spectacle vivant puissent continuer à présenter au public leurs créations dans le strict respect des règles sanitaires ». Valérie Pécresse a pour sa part appelé le gouvernement, ce matin sur RTL, à « mettre en place un bouclier social puissant pour tous les secteurs impactés ».
« On nage en Absurdie »
À l’échelle nationale et des partis politiques, les réactions sont très critiques. Guillaume Peltier, numéro 2 du parti Les Républicains, considère ainsi sur Twitter que l’on « nage en Absurdie » : « Couvre-feu la nuit mais métro le jour, métropoles fermées mais vacances pour tous à la campagne, rien sur le recrutement des soignants et la création de lits de réanimation, rien pour les salaires des travailleurs mais une énième prime du RSA ».
Même analyse pour le patron de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon : « 60 % des contaminations ont lieu au travail ou à l'école ou à l'université entre 8 et 19 heures. Mais Emmanuel Macron interdit les sorties au bar et au restau entre 20 heures [21 heures en fait, ndlr] et 6 heures. Bienvenue en Absurdie ! »
« La déception doit être vive chez les soignants ce soir, qui n’ont entendu aucune annonce pour les soulager en personnels et en matériel, pense Marine Le Pen (RN) sur Twitter. La politique de tests est un échec. Son amélioration, qui permettait la préservation de nos grandes libertés publiques, doit être une PRIORITÉ. »
Plus nuancé, le premier secrétaire socialiste Olivier Faure estime que le couvre-feu « peut être une partie de la solution ». « Mais comment comprendre que rien ne soit prévu pour encourager le télétravail alors que les contaminations sont plus nombreuses au travail et les transports que dans la sphère privée ? », s’est-il interrogé sur Twitter.
A.W.
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