« Bloquons tout » : mobilisation maximum des forces de l'ordre et consignes de « fermeté »
Par Franck Lemarc
Le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Bruno Retailleau, avait prévenu dès lundi soir : ce sera « tolérance zéro ». Alors que les renseignements territoriaux escomptent une participation de quelque « 100 000 personnes » au mouvement, le ministre de l’Intérieur a prévu de mobiliser quelque 80 000 forces de l’ordre – un ratio policier/manifestants rarement vu.
En cause : le caractère décentralisé du mouvement, qui risquait de prendre la forme non de manifestations traditionnelles, mais d’innombrables actions de blocage, demandant une présence des forces de l’ordre en autant de points du territoire. Bruno Retailleau a prévenu en début de semaine qu’ « aucune violence ne sera(it) tolérée », pas plus « qu’aucun blocage ». Emporté dans son élan, Bruno Retailleau a également expliqué qu’ « aucun boycott » ne serait non plus toléré, ce qui paraît plus étonnant dans la mesure où l’on ne voit pas en quoi une action de boycott – comme par exemple le fait de ne pas se rendre dans les hypermarchés aujourd’hui ou ne pas se servir de sa carte de crédit, comme y appellent certains organisateurs du mouvement – ait quoi que ce soit d’illégal.
La stratégie du ministère de l’Intérieur est donc claire : identifier d’éventuels points de blocage en amont (rocades, autoroutes, centres logistiques, dépôts pétroliers…), y positionner des forces de l’ordre en nombre et disperser les blocages avant qu’ils s’enkystent.
Ainsi vers 6 heures ce matin, à Paris, de petits groupes de quelques dizaines de manifestants ont tenté de descendre sur le boulevard périphérique à la porte d’Italie, au sud, et à la porte de Bagnolet, à l’est, mais ont été en quelques minutes dispersés – et certains interpellés – par les forces de l’ordre.
Contrairement à des mouvements sociaux plus classique, peu de grandes manifestations sont prévues aujourd’hui – il n’y a par exemple, ce qui est exceptionnel, aucun cortège prévu à Paris –, en partie parce que les confédérations syndicales se sont montrées, dès le début, très méfiantes vis-à-vis de ce mouvement qu’elles jugent trop « nébuleux », préférant appeler à une grève une semaine plus tard, le 18 septembre. En revanche, un certain nombre de cortèges sauvages – et non déclarés – se forment ce matin dans plusieurs grandes villes, issus du regroupement de groupes de « bloqueurs », de lycéens et d'étudiants.
Peu de grèves sont, par ailleurs, à constater aujourd’hui : les transports collectifs et les services publics fonctionnent normalement, et les grandes entreprises du privé ne semblent pas touchées par d’importants débrayages. Ce sont bien les actions locales, menées par de petits groupes de « bloqueurs », qui sont privilégiées, prenant parfois, a affirmé ce matin le ministre de l’Intérieur, un caractère de « sabotage » – un bus a été incendié à Rennes, un câble SNCF coupé sur la ligne Toulouse-Auch.
Ailleurs, ce sont des dépôts de bus ou de tramway qui ont été brièvement bloqués, parfois des lycées – notamment à Paris – ou encore plusieurs autoroutes ou rocades (la rocade sud de Rennes, la nationale 10 à Angoulême, autoroute de l’Est à Saint-Avold, rocade de Bordeaux, etc.
« Première phase »
Lors d’un point presse, en milieu de matinée, Bruno Retailleau a précisé que le gouvernement a activé « une cellule interministérielle de crise » face à un mouvement qui lui paraît « conforme à ce qui était prévu » : « Ce n’est pas un mouvement citoyen mais un mouvement confisqué par l’ultra-gauche et La France insoumise, on a affaire à des groupuscules aguerris », a déclaré le ministre. « En France, on a le droit le manifester, par celui d’entraver la France des honnêtes gens », a poursuivi le ministre, qui a fustigé « les élus de la République, portant l’écharpe tricolore, qui appellent à l’insurrection. Nous nous y opposerons. Ils n’y arriveront pas. »
Le ministre a par ailleurs expliqué que les troubles de ce matin ne constituent qu’une « première phase ». Une seconde débutera cet après-midi, avec des manifestations « plus traditionnelles » au sein desquelles Bruno Retailleau craint une « infiltration des éléments d’ultra-gauche » qui pourraient porter les violences « au sein des centres-villes ». Les forces de l’ordre « se tiennent prêtes », avec des consignes d’intervention « rapide et agile », et la mobilisation « d’hélicoptères, de Centaure [véhicules blindés], de canons à eau et de drones ».
« Les violents seront déférés à la justice » et le ministre espère « les sanctions les plus lourdes ». À l’heure où nous écrivons, les forces de l’ordre ont procédé à plus de 200 interpellations.
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