Éoliennes : au Sénat, le retour des ZDE ?
Par Franck Lemarc
Durant l’examen de ce texte en commission, les sénateurs avaient adopté un amendement qui donnait aux maires la possibilité d’accepter ou de rejeter l’implantation d’éoliennes sur leur territoire, en soumettant l’installation de celles-ci à l’avis conforme du conseil municipal (lire Maire info du 2 novembre). Comme on pouvait s’y attendre, cet amendement, âprement combattu par le gouvernement, n’a pas résisté à la séance publique. Il a été supprimé et remplacé par la mise en place d’un dispositif de « zonage ».
Retour sur « l’avis conforme »
Les amendements de suppression de cette disposition sont venus à la fois des sénateurs écologistes et socialistes. Un de ces amendements met en avant le fait que cette possibilité donnée aux conseils municipaux de bloquer les implantations « peut générer des conflits entre communes, entre celles qui sont prêtes à accueillir le projet et les communes limitrophes », et qu’elle « complexifie et allonge la procédure d’instruction de ces projets, à rebours des objectifs du projet de loi ». L’amendement des sénateurs écologistes, lui, se fonde sur la conviction que « ce type de blocage met à terre toute stratégie énergétique nationale » et constitue « un coup de frein » au développement des énergies renouvelables. Il mettrait en outre « les maires dans une situation très difficile en leur donnant un pouvoir décisionnel qui sera contesté par les pour et les contre ». Les sénateurs écologistes ont plaidé pour « une concertation en amont sur les zones propices aux installations de production d’EnR, c’est-à-dire une cartographie établie au regard des objectifs de développement. »
« Zones propices »
C’est bien la logique qui a été défendue, également, par le gouvernement, représenté par la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Celle-ci a défendu et fait adopter une série d’amendements qui ont abouti à la réécriture complète du début du projet de loi. Le texte commence désormais par une nouvelle section intitulée « mesures visant à renforcer la planification territoriale du développement des énergies renouvelables, à améliorer la concertation autour de ces projets et à favoriser la participation des collectivités territoriales à leur implantation ».
Le nouveau dispositif dispose que les communes et les ECPI devraient désormais identifier des zones « propices à l’implantation d’installations de production d’énergies renouvelables ». Ces zones seraient définies dans une logique de concertation entre l’État et les collectivités. Dans un premier temps, l’État adresserait aux maires, aux EPCI, aux départements et aux régions « un document identifiant des objectifs indicatifs de puissance à installer, pour chaque territoire concerné et pour chaque région concernée, par catégorie d’énergie ». Puis, dans les quatre mois, les maires devraient proposer à leur EPCI de rattachement une liste de zones jugées propices à l’implantation d’’installations de production d’EnR. Dans les six mois suivants, les EPCI arrêteraient une liste de sites fondée sur les propositions des communes, et la transmettraient aux Comités régionaux de l’énergie qui, à leur tour, arrêtent une liste définitive, à l’échelle de la région, et la transmettent à l’État.
A priori, le dispositif ressemble fort à celui qui avait été précédemment voté, puisque les maires auraient le droit de choisir les zones où ils veulent une implantation d’éoliennes et les zones où ils n’en veulent pas. Mais ce n’est pas si simple : en effet, l’article suivant dispose que les listes régionales établies par les comités régionaux de l’énergie peuvent « identifier des zones qui ne figurent pas » dans les listes établies par les maires et les EPCI, si celles-ci « ne permettent pas d’atteindre les objectifs de puissance à installer » fixés par l’État, ou encore « s’il existe un déséquilibre non justifié entre les territoires ».
Autrement dit, il y aura bien une consultation en amont des maires, qui auront la possibilité, le cas échéant, de refuser l’implantation d’éoliennes dans certaines zones, mais il restera possible de les leur imposer tout de même si les objectifs que l'État a fixés ne sont pas atteints.
Il est à noter que l’on est passé, entre le texte voté en commission et celui adopté en séance, d’une logique « par projet » à une logique « par zone » : dans le texte de la commission, les maires devaient se prononcer pour ou contre chaque projet, alors que dans le nouveau dispositif, ils définissent des « zones » ou peuvent être implantées des installations. Voilà qui ressemble fort aux « zones de développement de l’éolien » (ZDE), qui ont fait l’objet d’innombrables débat dans les années 2010, d’abord supprimées, puis rétablies à la demande du Sénat, avant d’être définitivement supprimées à la suite d’un intense lobbying du Syndicat des énergies renouvelables.
Pour Françoise Gatel, sénatrice de l’Ille-et-Vilaine et présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, interrogée ce matin par Maire info, il s’agit d’une décision « raisonnable » : « Le droit de véto décidé en commission ne protégeait pas le maire, qui risquait de se retrouver avec la moitié de la population contre lui. Ici, dans la logique de ce que nous avions obtenu pendant le débat de la loi 3DS, on revient à une logique de zonage et on introduit une notion de planification. »
Contrôles renforcés
Les sénateurs ont également renforcé un certain nombre de mesures de contrôle sur l’implantation des éoliennes : l’avis conforme des ABF (Architectes des bâtiments de France) a été étendu. Désormais, il serait nécessaire pour toute installation visible depuis un monument historique ou un site remarquable. Par ailleurs, une éolienne située à moins de 1,5 km d’une habitation devrait faire l’objet d’un contrôle des nuisances sonores.
Le débat a également commencé concernant un point très sensible : celui d’une éventuelle intervention des préfets dans l’économie des PADD (projets d’aménagement et de développement durable). Rappelons qu’un des aspects les plus vivement critiqués par l’AMF dans le texte initial du gouvernement était la possibilité donnée aux préfets d’intervenir directement dans l’économie générale des PADD des PLU et des SCoT – faculté qui n’appartenait jusqu’à présent qu’aux communes et aux EPCI.
Les sénateurs du groupe Indépendants ont fait adopter – contre l’avis du gouvernement – un amendement sur ce sujet. « Aucune dérogation au PADD imposée par l’État n’est acceptable en dehors de l’avis favorable des communes et intercommunalités en charge des SCoT et PLU », écrivent sans ambages les sénateurs. Comme le proposait l'AMF, ils ont également adopté le principe d’un élargissement du champ de l’article L151-42-1 du Code de l’urbanisme « permettant au règlement du PLU de délimiter les secteurs dans lesquels l'implantation d'installations de production d’énergies renouvelables autres que les éoliennes puissent être soumise à conditions, dès lors qu'elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l'usage des terrains situés à proximité ou qu'elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l'insertion des installations dans le milieu environnant ».
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