La Cour des comptes s'inquiète du retard pris par la France dans le déploiement de l'éolien
Par Lucile Bonnin
Pour la Cour des comptes, le constat est clair : « Les objectifs relatifs à la production d’électricité d’origine éolienne n’ont pas été atteints ». En effet, dans un rapport publié hier intitulé Les soutiens à l’éolien terrestre et maritime, les Sages rapportent qu’à la fin de l’année 2022, « les capacités éoliennes développées en France représentaient environ 80 % de l’objectif visé pour 2023 ». De plus, ces capacités éoliennes ont seulement assuré « 8,3 % de la production électrique nationale » .
Ainsi, malgré les objectifs ambitieux fixés par le gouvernement depuis 2017, la France est encore loin du compte. C’est d’ailleurs « le seul pays européen à ne pas avoir atteint les objectifs de la directive de 2018 » et qui risque de devoir régler des pénalités financières pouvant aller jusqu’à 960 millions d’euros « pour la seule année 2020 ».
Obstacles réglementaires, lacunes dans la planification, appels d’offres qui manquent de concurrence, soutiens insuffisamment adaptés : les magistrats ont identifié quelques pistes qui pourraient mettre en difficulté la France dans le déploiement de l’éolien terrestre et maritime et formulent des propositions pour débloquer la situation.
Un problème structurel et administratif
Lourdeur administrative, délais beaucoup trop longs, foncier quasiment inaccessible… « L’organisation actuelle de quelques services de l’État en « mode projet » est en décalage » avec les objectifs ambitieux de l’État et en particulier pour l’éolien en mer, tranchent les auteurs du rapport. Pour rappel, le président de la République avait annoncé en 2022 vouloir doter la France d'une cinquantaine de parcs éoliens en mer pour « viser 40 gigawatts en service en 2050 » et vouloir multiplier par deux la capacité de l'éolien terrestre.
Les « obstacles réglementaires », selon les magistrats, « limitent le foncier disponible » qui correspond aujourd’hui à « 20% du territoire » . La lenteur du délai pour obtenir une autorisation de construction de parcs n’aide pas non plus. Pour rappel, le délai « est de sept ans pour l'éolien terrestre et de dix ans pour l'éolien en mer », « soit parfois près du double des pays voisins ». Et c’est sans compter les recours qui peuvent avoir un délai de traitement allant jusqu’à deux ans. Si la loi AER instaure notamment « des zones d’accélération » , la Cour explique néanmoins que « leur délai d’élaboration n’en garantit pas la cohérence avec les objectifs de la PPE ».
« L’État doit structurer une organisation à la hauteur des enjeux et être en mesure de réunir les multiples compétences nécessaires, de capitaliser l’expérience, de prendre en compte la dimension internationale, d’associer les collectivités territoriales et de contrôler l’ensemble du dispositif », peut-on lire dans le rapport.
Plus largement, la Cour pointe des difficultés financières et industrielles. En cause notamment, « le manque d’attractivité des appels d’offres a contribué, avec le rythme trop lent de délivrance des autorisations environnementales, à freiner la progression de la production éolienne, l’empêchant d’atteindre les objectifs fixés par la PPE ».
Déploiement local
Si le rapport de la Cour des comptes dresse un état des lieux très large de l’état de l’éolien dans le pays, des constatations à l’échelle territoriale ont aussi été dressées. Par exemple, les magistrats insistent sur « la nécessité pour les services instructeurs d’accompagner davantage les porteurs de projet en amont du dépôt des dossiers ».
En effet, le rapport indique que « la phase en amont du dépôt des dossiers est insuffisamment valorisée même si depuis 2017, le porteur de projet et les services de l’État peuvent échanger des informations et si en 2021, a été introduite une consultation obligatoire des élus locaux. La loi AER du 10 mars 2023 prévoit en outre la désignation d’un référent préfectoral chargé notamment de faciliter les échanges en amont entre les porteurs de projet et les services instructeurs ».
De même, pour la phase précédant le dépôt des dossiers, « les questions complexes de l’insertion paysagère des parcs et de leur impact sur la biodiversité mériteraient un investissement plus conséquent des services instructeurs durant cette phase » . La Cour recommande de « poursuivre [les] efforts pour rendre la plus objective possible l’instruction sur les questions paysagères et pour clarifier les conditions de recours aux dérogations des espèces protégées » . La planification doit aussi davantage « permettre de contribuer à l’acceptabilité sociale des projets » . La Cour rappelle qu’un des facteurs d’acceptabilité est le retour économique et fiscal vers les territoires et met donc en avant « la compensation des externalités négatives ».
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