Un projet de loi adopté à l'Assemblée impose une diminution annuelle de la consommation d'énergie des collectivités
Par Franck Lemarc
Presque chaque année, le Parlement est saisi d’une nouvelle « Ddadue » (loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne). Il s’agit de textes en général assez touffus, visant à transposer une batterie de texte européens (directives ou règlements) dans le droit français.
Le texte présenté en octobre dernier par le précédent gouvernement ne fait pas exception, avec une quarantaine d’article touchant aux domaines du droit bancaire, de la commande publique, de l’énergie et des transports.
Après être passé entre les mains de quatre commissions de l’Assemblée nationale, puis en séance publique le 22 janvier et le 17 février, il a été assez largement modifié, puis adopté.
Réduction de la consommation d’énergie obligatoire pour les collectivités
C’est notamment le chapitre consacré à l’énergie qui contient des mesures touchant directement les collectivités.
Plusieurs des mesures les plus importantes en la matière se trouvent à l’article 27 du texte adopté, notamment dans sa partie consacrée à « la performance énergétique des organismes publics » . Le texte dispose que l’État, les collectivités territoriales et les EPCI vont désormais être soumis à une obligation de réduction annuelle de consommation d’énergie. Ces mesures sont une transposition de la directive européenne relative à l’efficacité énergétique du 20 septembre 2023. Chaque année, la « consommation d’énergie finale cumulée » des collectivités devra diminuer d’un volume fixé à au moins 1,9 % de leur consommation de l’année 2021. Toutefois, un délai de grâce est appliqué pour certaines collectivités : la mesure n’entrera en vigueur qu’au 31 décembre 2026 pour les collectivités et les EPCI de moins de 50 000 habitants ; et au 31 décembre 2029 pour les collectivités et EPCI de moins de 5 000 habitants.
Il est également précisé – point important – que la consommation des transports publics n’entre pas en ligne de compte dans le calcul.
Deuxièmement, chaque collectivité et EPCI devra désormais transmettre annuellement « les données relatives à sa consommation d’énergie » à un service de l’État ou un organisme qui reste à définir. Les modalités techniques de cette disposition seront fixées par décret.
Troisièmement, cette loi fixe une part minimum de surface des bâtiments publics qui devra faire l’objet d’une rénovation énergétique : cette part est fixée à « au moins 3 % de la surface cumulée des bâtiments » appartenant aux collectivités. À l’issue de ces rénovations, les bâtiments devront atteindre un niveau d’efficacité énergétique qui sera défini par arrêté.
À la suite d’un certain nombre d’amendements déposés par l’opposition, des exemptions ont été admises : cette obligation ne s’appliquerait ni aux logements sociaux, ni aux bâtiments des plus petites communes (celles de moins de 5 000 habitants dont le budget annuel est inférieur à 2 millions d’euros). Cette dernière exemption a été adoptée, contre l’avis du gouvernement, pour « éviter des contraintes financières excessives aux petites communes rurales qui peinent déjà à boucler leurs budgets ».
Ombrières photovoltaïques
D’autres articles du texte, relatifs notamment aux énergies renouvelables, ont été vivement débattus. C’est le cas en particulier des articles 25 et 26, qui ont finalement été supprimés par les députés, malgré la résistance du gouvernement – qui a rappelé qu’il s’agit ici d’une transcription obligatoire de textes européens, dont le non-respect est susceptible de valoir des amendes aux États membres.
L’article 25 visait à assouplir le droit en matière de protection des espèces lors de l’installation d’une unité de production d’énergie renouvelable. Mais « accorder une telle dispense pourrait affaiblir la protection des espèces protégées en permettant à des projets de se développer sans évaluation suffisante de leurs impacts réels sur la biodiversité », détaille un amendement de suppression qui a été adopté par les députés. Cet amendement, notons-le, émane du Rassemblement national, dont on ne connaissait pas jusqu’à présent les préoccupations écologistes.
Quant à l’article 26, il a fait l’objet de très longs débats avant d’être purement et simplement rejeté. Il s’agissait d’un article très technique mais important, concernant notamment les obligations environnementales des parcs de stationnement. Rappelons que la loi Climat et résilience de 2021 impose que les parcs neufs intègrent des dispositifs de gestion des eaux pluviales et des dispositifs d’ombrage (plantation d’arbres ou installation d’ombrières photovoltaïques). Par ailleurs, la loi APER (Accélération de la production d’énergies renouvelables) de 2023 a imposé l’installation d’ombrières photovoltaïques sur certains parcs déjà existants. Certaines de ces mesures, a détaillé le gouvernement, sont contradictoires d’un code à l’autre et présentent des difficultés d’application. Il était donc proposé, à l’article 27, de récrire ces dispositions et de mieux les articuler entre elles. Par ailleurs, l’article 26 empêchait que l’application des règles d’un PLU puisse « avoir pour effet d’interdire ou de limiter l’installation » des ombrières photovoltaïques sur les parkings, faisant « explicitement primer la loi » sur les règlements locaux.
Après bien des débats, l’article 26 a d’abord été amendé, puis rejeté, à une voix près.
Fin des véhicules thermiques : pas de changement de calendrier
Enfin, il faut retenir de ce débat la suppression de l’article 35 qui, s’il ne concerne pas exclusivement les collectivités, est d’une grande importance.
Le gouvernement avait inscrit dans son projet de loi un durcissement des objectifs fixés dans la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019, sur le sujet de la fin des véhicules thermiques. Rappelons que la LOM, à l’article 73, prévoit l’interdiction de la vente des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers « utilisant des énergies fossiles » en 2040.
Or le règlement UE 2023/851 impose la fin de la vente de ces véhicules dès 2035, afin que le parc neuf n’émette plus de CO2. Le gouvernement proposait donc, à l’article 35 du projet de loi Ddadue, de modifier la LOM pour remplacer la date-butoir de 2040 par celle de 2035.
Mais là encore, le gouvernement n’a pas réussi à convaincre les députés. Une batterie d’amendements a été déposée pour supprimer cet article 35, avec deux arguments principaux : la défense des industriels du secteur automobile, qui ne seraient pas en mesure de supporter un tel changement de calendrier ; et celle des ménages modestes, qui seraient dans l’incapacité d’acquérir un coûteux véhicule électrique à plus brève échéance. Les orateurs du RN et des LR se sont succédé pour demander le retrait de cet article. Chose rare, la rapporteure du texte, Danielle Brulebois (du groupe macroniste), a exprimé « à titre personnel » un soutien aux amendements de suppression, tandis qu’au nom de la commission elle appelait à les retirer. C’est elle qui a le mieux résumé les arguments des adversaires de ce changement de calendrier : « Les constructeurs ne seront pas prêts, les réseaux ne seront pas prêts et les consommateurs ne seront pas prêts. »
Le gouvernement, par la voix du ministre chargé de l’Industrie, Marc Ferracci, a vainement tenté de défendre ce passage à 2035, mais n’a pas convaincu : l’article 35 a été supprimé, d’une courte majorité.
Le texte adopté par les députés a été transmis au Sénat, où il sera débattu en séance publique dès la mi-mars. On verra alors si le gouvernement parvient à convaincre les sénateurs de rétablir des dispositions dont la transcription, répétons-le, est obligatoire.
Rappelons que ce projet de loi, présenté devant le Conseil national d'évaluation des normes le 10 octobre dernier, avait été unanimement rejeté par les représentants des élus, notamment du fait des très importantes conséquences financières des dispositions concernant les économies d'énergie et la rénovation des bâtiments, sans assurance qu'elle seront assorties d'un soutien financier de l'État..
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