Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 9 mars 2022
Énergie

Énergie : le gouvernement à nouveau appelé à compenser l'explosion des prix pour les collectivités locales

Face à l'explosion des prix de l'énergie, qui touche aussi les collectivités locales, des sénateurs ont déposé une résolution demandant des mesures d'urgence en la matière, afin que les collectivités ne soient pas « encore une fois les variables d'ajustement des comptes publics ». 

Par Franck Lemarc

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Guerre en Ukraine oblige, les compteurs s’affolent. Sur les marchés internationaux, les prix du gaz et du pétrole s’envolent à des niveaux déjà supérieurs aux précédents records de 2008, avec comme première conséquence une hausse extrêmement rapide et préoccupante des prix des carburants à la pompe, qui dépassent maintenant les 2 euros le litre sur la presque totalité du territoire. 

Contexte préoccupant

Une autre inquiétude, à plus long terme, se fait jour sur l’approvisionnement du pays en gaz, d’autant plus depuis hier où les États-Unis et la Grande-Bretagne ont pris la décision de prononcer un embargo sur le gaz et le pétrole russes. Si l’Union européenne, beaucoup plus dépendante que les États-Unis aux hydrocarbures russes, devait prendre à son tour une telle décision, les conséquences seraient considérables pour la France. 

En effet, le pays est approvisionné, d’une part, par plusieurs gazoducs provenant de Russie et de Norvège, et, d’autre part, par des livraisons de gaz liquéfié transporté par bateau. En cas de fermeture des gazoducs venus de Russie, il serait bien sûr possible de commander davantage de gaz liquéfié, mais les capacités industrielles permettant de gazéifier ces livraisons sont limitées. Il n’existe que quatre usines permettant de le faire dans le pays, et elles sont déjà saturées. 

Il y a donc un risque sérieux de pénurie de gaz à l’horizon de l’hiver prochain – et l’on parle déjà d’une situation comparable à celle de la crise énergétique de 1973 – lors de laquelle, il faut le rappeler, plusieurs pays d’Europe étaient allés jusqu’à interdire les déplacements en voiture le dimanche. 

La première conséquence, immédiate, de cette situation, est l’envolée des prix, qui va avoir des conséquences rapides sur plusieurs secteurs, notamment l’industrie agroalimentaire dont les coûts de production augmentent rapidement et fortement. Les industriels annoncent déjà que ces hausses vont se répercuter sur leurs prix de vente, à des niveaux qui pourraient atteindre 15, voire 20 %. 

Des augmentations de 300 %

Cette inflation massive sur les produits énergétiques fait suite à une année 2021 déjà marquée par une hausse sévère des prix de l’énergie. Et, même si le gouvernement semble pour l’instant totalement sourd à cette problématique, de nombreuses collectivités en payent le prix fort. 

Après l’interpellation du gouvernement par le sénateur Hervé Maurey, fin février (lire Maire info du 4 mars), celle de l’AMF et de la FNCCR (lire Maire info du 26 janvier), ce sont les sénateurs du groupe communiste qui ont déposé une résolution très alarmiste, hier. 

Cette résolution reprend en grande partie, dans l’exposé des motifs, les arguments de l’AMF et de la FNCCR : les collectivités ne peuvent faire face à une augmentation de leurs factures énergétiques qui s’échelonne, selon les situations, entre 30 et 300 %. Certaines communes « se retrouvent avec un coût supplémentaire pouvant aller jusqu’à 500 000 euros ». Pour les régions, la facture se chiffre déjà parfois en millions d’euros, notamment sur le poste du chauffage des lycées.

« Pour plus de 90 % des petites villes, il ne faudra pas seulement choisir entre fermer plus souvent la salle des fêtes, la piscine, ou baisser le chauffage dans les écoles, écrivent les sénateurs. Il faudra aussi renoncer à faire fonctionner certains équipements sportifs ou supprimer un éclairage public nocturne. De plus, cela aura aussi un impact sur le traitement de l'eau, la gestion des déchets et ce ne sont que quelques exemples. » 

Tarifs réglementés

Les sénateurs signataires de cette résolution rappellent que les collectivités ont subi coup sur coup, ces dernières années, « une baisse drastique des dotations, la suppression d’impôts locaux à pouvoir de taux », puis les frais de la crise du covid-19. « Sans action de l'État, ce raz-de-marée se répercutera inévitablement sur le quotidien des citoyennes et citoyens : hausse d'impôts d'un côté ou baisse de l'offre de services de l'autre. Aucune de ces solutions n'est satisfaisante. » 

Ils rappellent également que seules les petites collectivités (moins de 10 agents et recettes de fonctionnement inférieures à 2 millions d’euros) ont encore accès aux tarifs réglementés de vente (TRV) sur l’électricité, et plus aucune sur le gaz. De nombreuses collectivités doivent également faire face « à la faillite de nombreux fournisseurs »  (lire Maire info du 18 janvier), « ce qui les oblige à se tourner vers EDF (…) qui applique aux collectivités les prix du marché de gros dont le seul arbitrage se fait au gré de l’offre et de la demande ». Rappelons, pour mémoire, que le prix du MWh sur le marché se négocie ce matin aux alentours de 550 euros, selon le site de RTE, quand le prix de l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) est de … 42 €/MWh.

Les sénateurs estiment d’ailleurs que l’annonce faite par le gouvernement d’augmenter le volume de l’Arenh, « ne sera pas suffisante pour assurer la continuité du service public ».  

Propositions concrètes

Dans ce contexte, « les collectivités ne peuvent demeurer exclues de l’action de l’État face à la hausse de l’énergie », plaident les sénateurs. Si le gouvernement a en effet annoncé des mesures d’aides pour les ménages et se prépare à dévoiler un nouveau plan massif d’aides aux entreprises (« plan de résilience » ), rien n’est prévu pour les collectivités locales : « Alors que le financement des aides aux collectivités devrait être la priorité du gouvernement, ce dernier joue la montre et les collectivités locales sont encore une fois les variables d'ajustement des comptes publics. » 

Dans leur résolution, les sénateurs demandent donc la création immédiate d’un « fonds d’urgence de compensation »  pour limiter l’impact de la hausse sur les finances locales et d’appliquer « un taux de TVA réduit sur les factures énergétiques des collectivités territoriales et de leur groupement ». Ils demandent également que les collectivités puissent librement bénéficier des tarifs réglementés pour le gaz et l’électricité et que le gouvernement renonce « définitivement »  à l’extinction du TRV du gaz en 2023. 

Les sénateurs demandent enfin qu’en ce qui concerne les entreprises, le coût de la crise ne soit pas uniquement payé par EDF, mais également par les fournisseurs privés dont « les profits ont explosé »  en 2021. Ils demandent que les prix de l’énergie soient « bloqués »  en faisant jouer l’article L 410-2 du Code du commerce. 

Rappelons que cet article du Code commerce dispose que les prix sont « librement déterminés par le jeu de la concurrence », mais que dans certains cas exceptionnels, notamment en cas de « difficultés durables d’approvisionnement », le gouvernement « peut réglementer les prix »  par décret. Le gouvernement sait d’ailleurs parfaitement le faire, puisqu’il a fait jouer cet article, dès le début de la crise épidémique, pour bloquer les prix du gel hydro-alcoolique. 

Le gouvernement va-t-il entendre les nombreux appels à prendre en compte la situation des collectivités, ou va-t-il rester dans le « déni », pour reprendre l’expression du sénateur Hervé Maurey ? Le 22 février dernier, le président de l’AMF, David Lisnard, a de nouveau envoyé un courrier au Premier ministre pour demander que les collectivités puissent bénéficier « sans conditions »  des tarifs régulés. Ce deuxième courrier, tout comme le premier, est pour l’instant resté sans réponse. 

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