Les maires des petites villes demandent à l'État de ne pas les empêcher d'agir
Par Franck Lemarc, à Saint-Rémy-de-Provence

Christophe Bouillon et Antoine Homé ont ouvert les Assises de l’APVF, jeudi en fin de matinée, en rappelant l’importance de la « proximité » aux yeux des citoyens : « Il n’y a pas d’aversion des Français pour la politique », s’est félicité Antoine Homé, qui a rappelé que toutes les études montrent encore que les maires sont les élus en qui les citoyens ont le plus confiance.
« On veut toujours nous prendre de l’argent »
Le vice-président de l’APVF a rappelé le contexte dans lequel se déroule ce congrès : « Le discours vis-à-vis des maires est plus sympathique » que lorsque Bruno Le Maire était à Bercy, mais « on veut toujours nous prendre de l’argent ». Dénonçant le projet de Bercy d’imposer aux collectivités une « année blanche », c’est-à-dire un gel total des recettes, Antoine Homé a estimé que ces ponctions qui ne disent pas toujours leur nom risquent de conduire à « un effondrement des investissements », alors que « nous sommes le dernier service public de proximité ».
Il a listé les difficultés du moment : assurabilité des communes, désertification médicale – se disant personnellement favorable à la régulation des médecins –, problèmes de sécurité, « panne » de la politique de la ville. Comme d’autres maires le diront par la suite, Antoine Homé a dit son inquiétude sur l’avenir du programme Petites villes de demain, dont les contrats se terminent l’an prochain.
« Offre de chocs »
Christophe Bouillon, président de l’association a rappelé dans son discours d’ouverture ce qu’avait vécu la « génération 2020 » des maires, et voulu donner leur état d’esprit à quelques mois de la fin du mandat. « On ne peut pas dire que ce mandat a été tapissé de fleurs. On nous avait promis un ‘’choc de l’offre’’, on a plutôt eu une offre de chocs ! ». Et de lister pêle-mêle le covid-19, la crise inflationniste, l’explosion du prix de l’énergie, les violences contre les élus, les émeutes de 2023, la multiplication des catastrophes climatiques… « Nous avons fait face, nous continuons à nous battre, avec la conviction profonde que le mandat de maire est le plus beau de tous. »
Christophe Bouillon a demandé au gouvernement – qui aurait dû être représenté par le ministre François Rebsamen, qui n’a finalement pas pu venir, retenu en Conseil des ministres – d’avancer vite sur l’assurabilité des communes : « Il faut que la solidarité nationale joue, alors que la plupart des dégâts que nous subissons ne sont pas de notre fait ». Il a insisté sur l’urgence d’adopter la proposition de loi sur le statut de l’élu – dont on a la confirmation depuis ce matin qu’elle sera bien débattue à l’Assemblée nationale début juillet en session extraordinaire.
Le président de l’APVF a appelé l’État à reprendre « son rôle de stratège », et conclu par un hommage aux maires et aux communes : « Nous sommes fiers de notre écharpe. On n’écrira pas l’avenir sans s’appuyer sur la puissance créatrice des communes et des maires. »
« Je n’en peux plus ! »
Les centaines de maires présents dans l’amphithéâtre ont ensuite été invités à s’exprimer sur les discours des dirigeants de l’APVF. Plusieurs d’entre eux ont fait ressortir une forme de frustration, voire de colère, face aux difficultés et à l’impression que l’État « met des bâtons dans les roues ». Un maire s’est inquiété de voir le gouvernement « lâcher » les questions de transition écologique et a appelé à défendre le Fonds vert, rappelant que « l’échelon local reste le plus pertinent pour porter des solutions concrètes sur le terrain ».
Le maire de Saint-Claude (Jura), Jean-Louis Millet, très en colère, a décrit comment sa commune a perdu le quart de sa population en 15 ans et 6 millions d’euros de subventions de l’État depuis 2014. Dans le même temps ses primes d’assurance ont été « multipliées par sept ». « Je n’en peux plus ! », a lancé le maire, qui a souhaité, à moitié sérieusement, qu’une loi soit votée qui interdise l’accès à un poste de parlementaire, de ministre, de préfet ou de président de la République « quiconque n’a pas fait au moins un mandat de maire dans une commune de moins de 10 000 habitants ».
Une proposition qui a fait réagir le sénateur Loïc Hervé qui, sans la reprendre car elle serait inconstitutionnelle, a tout de même dénoncé « l’erreur » de la loi sur le non-cumul des mandats. « Le problème n’est pas tant que les députés ne peuvent pas être maires », a-t-il détaillé. Il est que les maires ne peuvent pas être députés. Sur les 925 députés et sénateurs, pas un seul n’est maire ni adjoint, puisque la loi l’interdit, ce qui ne facilite pas la prise de conscience – surtout chez les députés, a-t-il estimé – des difficultés concrètes rencontrées sur le terrain.
Au passage, Loïc Hervé, lui-même personnellement favorable à la régulation des médecins, a dit sa crainte que la proposition de loi Garrot ne passe pas le cap du Sénat, « majoritairement hostile » à ce dispositif.
Quel avenir pour les contrats État-collectivités ?
La matinée a également été marquée par une intervention de Dominique Faure, ancienne ministre des Collectivités territoriales. Elle a annoncé au Congrès que le Premier ministre venait de lui confier une mission de « remise à plat de la politique de contractualisation entre l’État et les collectivités », alors que la plupart de ces contrats (dont Action cœur de ville et Petites villes de demain) « vont tomber en 2026 ». Elle s’est engagée à faire des propositions des suites à donner à ces contrats d’ici au mois de décembre. Elle a par ailleurs expliqué que le deuxième volet de sa mission serait rien moins que « proposer une politique d’aménagement du territoire à 10-15 ans ». Vaste programme.
Le congrès s’est poursuivi jeudi après-midi avec une série de tables rondes sur la transition écologique, la démographie et le vieillissement, ou encore la question de la construction.
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