Enquête du Cevipof : la parole aux maires !
Par Franck Lemarc
Cette 5e enquête de l’Observatoire de la démocratie locale prend un relief particulier, cette année, après l’annonce par le gouvernement de travailler avec l’AMF à élaborer un statut de l’élu. Les résultats de l’enquête constitueront une matière essentielle dans cette réflexion.
Il paraît donc particulièrement utile que les maires prennent un peu de leur temps pour répondre, le plus précisément possible, aux questions posées – d’autant plus que cette année, le Cevipof a choisi de donner un maximum de place aux questions ouvertes plutôt qu’à des réponses suggérées.
Démissions et violences contre les élus
Comme l’explique à Maire info Martial Foucault, directeur du Cevipof, la philosophie générale de cette enquête est « de mieux documenter le contexte dans lequel les maires exercent leurs fonctions et, parfois, y renoncent ». Les maires sont notamment interrogés sur les raisons qui, d’après eux, peuvent pousser les collègues à démissionner. Pour la première fois, l’enquête ne s’adresse d’ailleurs pas seulement aux maires mais aussi aux adjoints, car le Cevipof a constaté cette année « un grand nombre de démissions à bas bruit d’adjoints et de conseillers municipaux ».
Autre sujet phare de l’enquête : celui des violences contre les élus. Dès 2020, après la mort du maire de Signes, le Cevipof a commencé à interroger les maires sur ces questions, mais aujourd’hui « le niveau d’exposition à la violence a augmenté », explique Martial Foucault, « et nous voulons aller plus loin à la fois dans la compréhension de la nature de ces violences, dans celle des réponses que les maires attendent, de l’État ou de la société dans son ensemble » . D’autant plus, ajoute le directeur du Cevipof, que « derrière la question des démissions actuelles se profile celle d’une crise des vocations et d’un manque de candidatures pour les élections municipales de 2026 ».
Mandat et vie professionnelle
L’enquête interroge également les élus sur les formes que pourrait ou devrait prendre l’amélioration des conditions d’exercice du mandat. La loi Lecornu de 2019 a-t-elle été suffisante ? Est-ce que les maires estiment que les conditions d’indemnité sont satisfaisantes ? Comment articulent-ils leur mandat avec leur vie professionnelle ? Martial Foucault rappelle que « 60 % des maires conservent une activité professionnelle ». Le Cevipof veut en savoir plus sur la façon dont les choses se passent avec les employeurs, ce qui pourrait être amélioré sur les questions de droits à la retraite, par exemple, ou encore sur les arrêts maladie. « J’ai découvert au fil des années qu’il y a beaucoup de maires qui sont professions libérales, artisans, et qui, au bout de quelques mois de mandat, se rendent compte qu’ils ne peuvent pas maintenir leur activité professionnelle, mais ne veulent pas pour autant démissionner et abandonner leur engagement. Pour ces maires-là, par exemple, la question d’une rémunération peut se poser. »
Statut de l’élu
Cette année, pour la première fois, le Cevipof va ajouter à l’enquête, envoyée par mail, des entretiens directs en face à face avec des maires – en activité ou démissionnaires. Martial Foucault compte mener « une quarantaine d’entretiens », ce qui permettra d’obtenir une matière « plus fine ».
L’ensemble des résultats (enquête et entretiens individuels) sera publié au moment du congrès de l’AMF, en novembre. Ces résultats alimenteront le travail engagé en commun par l’AMF et les services de Dominique Faure, la ministre des Collectivités territoriales, qui a annoncé en juillet vouloir travailler avec l’association pour enfin élaborer un véritable statut de l’élu (lire Maire info du 17 juillet). « Cela fait 30 ans que les élus appellent de leurs vœux un statut de l’élu local comme il y a un statut du fonctionnaire, expliquait la ministre cet été. Effectivement, il y a des bouts de code, dans différents textes de loi, qui régissent le statut de l’élu. Mais il n’y a pas un statut de l’élu. »
Étape intermédiaire avant le congrès : la « Convention de la démocratie locale », qui se tiendra autour du 30 octobre, et « où seront dévoilés les premiers enseignements de l’enquête et les points d’attention sur lesquels les élus attendent le plus de réponses », souligne Martial Foucault.
« Éviter le pire pour 2026 »
Le directeur du Cevipof insiste donc sur l’importance, pour les maires, de prendre le temps de répondre à ce questionnaire, sans cacher qu’il est relativement long et demande « une trentaine de minutes » pour être entièrement renseigné. Mais le jeu en vaut la chandelle : cette enquête est une occasion unique, pour les maires, de s’exprimer, de donner leur vision de leur mandat, de partager leurs idées, de faire leurs propositions. « Cette enquête doit permettre d’aboutir à la vision la plus large possible des pistes d’amélioration des conditions d’exercice du mandat » , insiste Martial Foucault. Avec, en ligne de mire, la volonté « d’éviter le pire pour 2026, qui serait une forme de désertion de l’action municipale ».
Les sujets centraux de l’enquête 2023 sont les violences et les démissions. « En répondant à cette enquête, les élus rendent service à leur communauté de maires. Et au-delà, ils rendent service à toute la société, pour aider à comprendre le sujet des violences – ce qui constitue un sujet très fort de cohésion sociale. » La question fondamentale à laquelle veut répondre cette enquête, résume Martial Foucault, est celle-ci : « Comment garantir la sérénité de l’exercice de cette fonction de maire aujourd’hui ? ».
Répondre à cette question essentielle mérite bien la « trentaine de minutes » exigée. De nombreux maires semblent partager cet avis, puisque 24 heures à peine après l’envoi du questionnaire aux élus, plus d’un millier sont déjà revenus, entièrement remplis. C’est un excellent début, se réjouit Martial Foucault, qui espère, pour cette édition, atteindre, voire dépasser les 5 000 réponses. Ce qui constituerait un record – symptomatique, à soi seul, de l’intérêt des maires pour ces questions cruciales.
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