Municipales : des parlementaires de l'opposition demandent une « enquête administrative » sur tous les candidats
La question de la présence possible de listes « communautaires », voire de candidats radicalisés, aux élections municipales est revenue en discussion lors de la séance de questions au gouvernement, mardi, à l’Assemblée nationale. Depuis plusieurs mois, cette question a été l’objet de multiples débats.
C’est le sénateur de la Vendée, Bruno Retailleau, qui a lancé la première salve début novembre en présentant une proposition de loi visant à « interdire les listes communautaires » et ciblant spécifiquement – le sénateur l’a lui-même expliqué – « l’islam radical ». Ce texte avait alors été vivement critiqué d’abord par le ministre chargé des Collectivités locales, Sébastien Lecornu, qui avait estimé que « cette question sérieuse exigeait des textes sérieux » ; puis, au premier jour du congrès de l’AMF, par le président de la République lui-même : « Il ne s’agit pas de proclamer l’interdiction pour régler le problème. (…) Je nous appelle collectivement à la prudence. Comment définir une liste communautaire ? Qui en serait le juge et selon quel critère ? Qui peut d’ailleurs penser que de telles listes se présenteront à visage découvert ? ».
Enquêtes administratives
Lors de la séance de questions au gouvernement du mardi 3 décembre, à l’Assemblée nationale, le député LR de l’Essonne, Robin Reda, a remis la question sur la table, sous un angle un peu différent, en défendant une proposition de loi déposée par plusieurs députés de son groupe le 6 novembre. Elle vise à rendre inéligible « tout candidat fiché au titre de l’antiterrorisme ». « Plus de 20 000 personnes sont aujourd’hui inscrites au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT. Ces personnes ne peuvent passer la barrière du criblage pour occuper un emploi de policier, d’agent de sécurité ou même de conducteur de bus ou de métro. Pourtant, rien n’empêche ces mêmes individus dangereux de se présenter à une élection, d’être élus et même d’occuper le poste de maire », a plaidé Robin Reda en interpellant le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez.
La proposition de loi dont il est question propose un durcissement très net de la législation en matière de droit à candidater. Baptisé « proposition de loi relative à la sécurisation des mandats électoraux municipaux », ce texte contient plusieurs propositions. Premièrement, dans les communes de moins de 1000 habitants comme dans celles de plus de 1000 habitants, il est proposé d’exiger que chaque candidat fournisse dans son dossier de candidature un bulletin n°3 du casier judiciaire de moins de trois mois.
Mais surtout, les signataires du texte proposent une mesure d’une tout autre portée : mettre en place une enquête administrative, diligentée par les préfets, pour « tous les candidats aux élections municipales ». Après cette enquête, le préfet déciderait si « le comportement, les agissements ou la moralité » de chaque candidat présentent une « menace d’ordre terroriste ». Il pourrait alors, sur cette base, rejeter la candidature et déclarer la personne inéligible.
Pour éviter que ce texte soit taxé de liberticide, ses auteurs utilisent des formulations particulières : l’enquête serait déclenchée « volontairement » par les candidats, dans la mesure où l’acte de candidature même les exposerait à enquête. Le texte mentionne donc plusieurs fois une enquête « déclenchée volontairement par l’acte de candidature d’un membre d’une liste ». Il n’est pas certain que cet argument soit jugé recevable par un constitutionnaliste…
Par ailleurs, rappelons qu’il y a eu en 2014 presque un million de candidats sur plus de 21 000 listes aux élections municipales. Cela laisse imaginer la charge qui pèserait sur les services des préfectures, et ce en quelques semaines seulement.
« Politique globale »
Dans l’Hémicycle, cette proposition n’a pas été reçue avec beaucoup d’enthousiasme par Laurent Nuñez, qui a rappelé que « la liberté de candidater à une élection est une liberté fondamentale, située très haut sur l’échelle de nos principes constitutionnels et juridiques », et qu’il est par conséquent « délicat d’y porter atteinte ». Sans se prononcer plus avant sur cette proposition de loi, le secrétaire d’État a simplement rappelé l’action « énergique » des services de renseignements pour détecter les individus radicalisés. Il a reconnu que « des individus tenteront certainement d’infiltrer des listes aux élections municipales », mais a estimé que le gouvernement traiterait ces cas « avec beaucoup de détermination » dans « le cadre d’une politique globale ».
On ne sait pas à cette heure si la proposition de loi LR sera discutée à l’Assemblée d’ici au mois de mars – pas plus la proposition similaire déposée au Sénat par Roger Karoutchi –, mais il ne fait aucun doute, en revanche, que cette question des listes ou candidatures « communautaristes » va occuper une place particulière dans les débats politiques d’ici aux élections.
F.L.
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