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Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 13 avril 2022
Élection présidentielle

Premier tour : comment les différences sociales ont influencé les votes

Suite de notre analyse des résultats du premier tour de l'élection présidentielle avec, aujourd'hui, un coup de projecteur sur le critère social, en croisant les résultats avec les données fiscales des communes. 

Par Franck Lemarc

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Un premier regard sur les résultats laissait voir que le vote de dimanche a été fortement différencié selon les catégories sociales. Pour aller plus loin, Maire info a croisé le fichier de données des résultats commune par commune fourni par le ministère de l’Intérieur et celui de la DGCL sur les données financières des communes en 2021, en retenant le critère le plus représentatif du niveau social : le revenu imposable par habitant. 

Richesse, de quoi parle-t-on ?

Les écarts de revenu par habitant entre les communes sont considérables en France. À une extrémité du spectre, des communes dont le revenu moyen par habitant dépasse les 60 000, voire 70 000 euros par an. Il s’agit souvent de banlieues « chic »  des grandes villes ou de communes viticoles. C’est le cas par exemple de Solutré-Pouilly en Saône-et-Loire, de Neuilly-sur-Seine dans les Hauts-de-Seine, de Veyrier-du-Lac en Haute-Savoie ou Saint-Cyr-au-Mont d’Or, dans le Rhône. Ces communes sont évidemment peu nombreuses : seulement 40 communes ont un revenu imposable par habitant supérieur à 40 000 euros par an.

À l’autre extrémité, des communes dont le revenu imposable par habitant est inférieur à 10 000, voire 5 000 euros par an. Ces communes où les habitants sont pauvres ou très pauvres sont bien plus nombreuses : 1484 communes affichent un revenu imposable par habitant inférieur à 10 000 euros par an (soit 833 euros par mois). 

Si l’on place la barre à 20 000 euros par an (1600 euros par mois), ce qui reste très modeste, on tombe alors dans l’écrasante majorité des communes, puisque plus de 32 800 communes se situent sous ce seuil. 

Clivages sociaux marqués

Le croisement de ces données avec le résultat du premier tour par commune confirme indiscutablement la première impression : plus le revenu moyen des habitants diminue, plus le vote pour Emmanuel Macron se fait rare, jusqu’à quasiment disparaître en bas de l’échelle des revenus. 

Sur les 100 communes dont le revenu fiscal par habitant est le plus élevé, 83 ont placé Emmanuel Macron en tête (et 16 Marine Le Pen). Sur les 500 communes où les habitants sont les plus aisés, le vote Macron reste ultra-majoritaire : 434 communes ont placé le président-candidat en tête, 60 Marine Le Pen, et 3 seulement Jean-Luc Mélenchon. 

À l’autre bout du spectre, la situation est inversée : sur les 100 communes du pays où les habitants sont les moins riches, seules 13 ont placé le président sortant en tête, les autres se répartissant à parts à peu près égales entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon (42 pour la première et 39 pour le second). Sur ces 100 communes très pauvres, 31 sont situées outre-mer.

Si l’on considère les 1000 communes où les habitants ont les plus bas revenus dans le pays, le vote Macron reste fortement minoritaire : 17 % seulement de ces communes ont placé le président en tête, contre 44 % Marine Le Pen et 30 % Jean-Luc Mélenchon.

Votes ruraux, votes de banlieue

On peut enfin tirer une dernière conclusion de ces données : si Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se partagent les votes populaires, la sociologie de leur électorat n’est pas la même. Le candidat Insoumis a davantage remporté le premier tour dans les communes pauvres et densément peuplées, par exemple dans la banlieue parisienne, alors que la candidate RN a plutôt fait de très bons scores dans des communes pauvres mais rurales et moins peuplées. Ce qui se voit très nettement dans les statistiques : si l’on reprend la liste des 1000 communes où les habitants sont les plus pauvres, celles où Marine Le Pen l’a emporté comptent 827 habitants en moyenne, contre 2 900 habitants pour Jean-Luc Mélenchon. Il ne s’agit naturellement que d’une tendance, qui n’empêche pas que Marine Le Pen ait pu l’emporter dans des villes pauvres et densément peuplées, comme Douai, ou Jean-Luc Mélenchon d’être arrivé en tête dans de petites communes rurales. Mais la candidate qualifiée pour le second tour a, indiscutablement, su séduire un électorat populaire et rural, quand le député de Marseille apparaît davantage comme le candidat des banlieues. 

Abstention et revenus

Enfin, le croisement des données fiscales et électorales démontre sans contestation possible le lien entre le niveau de revenus et la participation.

Si l’on reprend les catégories que nous avons tracées, il apparaît que dans les 100 communes où les revenus sont les plus élevés, la participation s’établit en moyenne à 82,6 % ; dans les 500 communes les plus riches, à 81,23 %. À l’autre extrémité, dans les 100 communes où les habitants sont les plus pauvres, elle est de 20 points inférieure, à 61,3 %. Ce chiffre est, il est vrai, influencé par le fait que nombre de ces communes sont situées dans les outre-mer, où la participation a été en général très faible. Mais si l’on considère la liste des 1000 communes où les habitants sont les plus pauvres, la participation s’établit à 73,8 %, presque 10 points en dessous de celle des communes les plus riches.

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