Instruction en famille : parution du premier décret d'application
Par Franck Lemarc
Cela avait été un des sujets brûlants du débat sur le projet de loi initialement intitulé « lutte contre le séparatisme », devenu par la suite « confortant les principes de la République : ce texte, promulgué le 24 août 2021, change les règles en matière d’instruction en famille. Mais les dispositions prévues par l’article 49 de ce texte supposent la parution de plusieurs décrets, dont le premier est paru hier.
Ce que change la loi
L’instruction en famille est maintenant soumise à une autorisation de l’État, qui a remplacé le régime de simple déclaration en vigueur auparavant. Elle est rendue possible dans un certain nombre de cas encadrés par la loi : l’état de santé de l'enfant ou son handicap, la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives, l’itinérance de la famille ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public, ou enfin « l’existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif ».
Si l’autorisation sera accordée de plein droit pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024 pour les enfants instruits en famille en 2021-2022 lorsque les résultats des contrôles sont jugés suffisants, les nouvelles dispositions entreront en vigueur, pour les cas nouveaux, à la rentrée prochaine.
Lorsque l’État délivrera des autorisations, il devra en informer le maire et le président du conseil départemental. L’enfant concerné restera rattaché administrativement à un établissement d’enseignement.
S’il est établi qu’un enfant reçoit l’éducation en famille sans avoir bénéficié de l’autorisation de l’État, ses parents ou tuteurs légaux seront « mis en demeure de l’inscrire » sous quinze jours « dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé ». Le maire devra être immédiatement averti.
Dossier de demande
L’autorisation délivrée par l’État n’est valable que pour une année scolaire, sauf dans le cas d’enfants malades ou handicapés (autorisation possible jusqu’à trois années scolaires). La loi prévoyait qu’un décret en Conseil d’État préciserait les modalités de délivrance de cette autorisation. C’est ce décret qui est paru hier.
Il est précisé que du côté des familles, la demande d’instruction en famille doit être adressée au Dasen (directeur académique des services de l’Éducation nationale) « entre le 1er mars et le 31 mai inclus » précédant la rentrée. Des dérogations peuvent être accordées à ce délai pour des raisons de santé, de handicap ou d’éloignement géographique.
Le dossier de demande sera composé d’un formulaire officiel et d’éléments d’état-civil, notamment l’identité de la personne chargée d’instruire l’enfant si celle-ci n’est pas une des personnes responsables de l’enfant. Selon les cas, divers justificatifs devront être fournis. Lorsque la demande est motivée par l’état de santé ou le handicap de l’enfant, il faudra fournir un certificat médical ou les décisions de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. Lorsque la raison invoquée est « la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives », le dossier devra comprendre une attestation d’inscription auprès d’un organisme sportif ou artistique et une « présentation de l'organisation du temps de l'enfant, de ses engagements et de ses contraintes établissant qu'il ne peut fréquenter assidûment un établissement d'enseignement public ou privé ». De même, les parents qui souhaitent instruire en famille pour cause d’itinérance ou « d’éloignement géographique de tout établissement scolaire public » devront fournir « toutes pièces utiles » établissant cette situation.
« Projet éducatif »
Reste enfin le dernier cas, celui d’une instruction en famille motivée par l’existence « d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif ». Dans ce cas, le dossier est évidemment plus complexe. La famille devra livrer « une présentation écrite du projet éducatif comportant les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant, à savoir notamment : a) Une description de la démarche et des méthodes pédagogiques mises en œuvre pour permettre à l'enfant d'acquérir les connaissances et les compétences dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ; b) Les ressources et supports éducatifs utilisés ; c) L'organisation du temps de l'enfant (rythme et durée des activités) ; d) Le cas échéant, l'identité de tout organisme d'enseignement à distance participant aux apprentissages de l'enfant et une description de la teneur de sa contribution. » Attention, la personne chargée d’instruire l’enfant doit être titulaire au moins du baccalauréat « ou de son équivalent », ou éventuellement d’un diplôme délivré à l’étranger s’il est « comparable à un diplôme de niveau 4 du cadre national des certifications professionnelles ». Elle doit également produire une déclaration sur l’honneur indiquant que l’instruction sera assurée majoritairement en langue française.
Si l’autorisation est délivrée, les responsables de l’enfant sont informés de leurs obligations, en particulier celle de se soumettre aux contrôles prévus par la loi. Elles sont également averties qu’au deuxième refus sans motif légitime de se soumettre à ces contrôles, elles peuvent être mises en demeure d’inscrire leur enfant dans un établissement scolaire public ou privé, sous peine de sanctions pénales.
Enfin, lorsque les personnes qui ont reçu une autorisation changent de domicile, elles doivent en informer sous huit jours le Dasen, qui se chargera d’informer les maires des communes concernées.
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