Exercice du mandat : la revalorisation des indemnités n'est plus un sujet tabou pour les élus
Par Xavier Brivet
« Si les maires ne s’engagent pas pour "gagner de l'argent", ils ne sont pas prêts à en perdre non plus ». C’est l’un des principaux enseignements de l’enquête menée par le Cevipof, cet automne, à laquelle quelque 10 000 élus ont répondu, dont 6 000 maires en remplissant l'intégralité du questionnaire. Certes, « la question de l’indemnité n’apparaît jamais comme l’une des conditions de l’engagement » , mais ce dernier doit selon les élus s’accompagner d’une « juste » indemnisation « tenant compte du temps consacré ou des revenus à compenser » , souligne Martial Foucault, directeur du Cevipof.
Près de la moitié des maires jugent leur indemnité « insuffisante »
La charge de travail déclarée par les maires « s’établit en moyenne à 32 heures » , révèle l’enquête, oscillant « entre 25 heures pour les maires de petites communes et 50 heures pour les communes de + 9000 habitants ». Rapporté aux indemnités perçues, « le taux horaire s’établit à 10,9€/heure pour les maires des communes de - 500 habitants (soit exactement le taux du SMIC horaire en juillet 2023) contre 20,4€/heure pour les maires des communes de + 50 000 habitants » , souligne le Cevipof.
Dans ce contexte, « la position des maires vis-à-vis du niveau de leurs indemnités a profondément évolué depuis leur prise de fonction en juin 2020. Ils étaient alors 25 % à juger leur indemnité insuffisante contre 48 % aujourd’hui » – et même 78 % parmi les maires des communes de 9 000 habitants et plus – quand 33 % des maires la juge suffisante et 19% sont sans opinion. « L’ancienneté du maire et son statut socioprofessionnel interviennent aussi dans l’appréciation de l’indemnité. Ainsi, 41 % des maires retraités jugent l’indemnité insuffisante et 57 % des maires avec une activité professionnelle la juge insuffisante ».
Un tiers des élus considèrent qu’ils exercent un métier
Interrogés sur les raisons qui justifient le versement d’une indemnité, les maires avancent deux raisons principales : « les responsabilités qu’ils assument (39 %) et le travail qu’ils fournissent (34 %). Les maires actifs ajoutent une troisième raison : l’indemnité compense les revenus professionnels auxquels ils ont renoncé (21 %) » . La question de l’indemnité « concerne avant tout les 20 000 maires exerçant une activité professionnelle en parallèle (2/3 à temps-plein et 1/3 à temps partiel). En effet, l’indemnité perçue n’est pas toujours compatible avec les revenus qu’ils percevaient avant de s’engager » , constate Martial Foucault. La revalorisation des indemnités n’est donc plus un sujet tabou, d’autant que « 33 % des maires interrogés considèrent qu’ils exercent un métier et 67 % seulement une fonction ».
Une revalorisation incontournable et un enjeu démocratique
Et si elle ne conditionne pas l’engagement des élus, les maires, actifs comme retraités, interrogés par le Cevipof, placent la revalorisation des indemnités en tête de leurs propositions (respectivement 51 % et 50 %) pour favoriser cet engagement dans la perspective des élections municipales de 2026. Loin devant l’augmentation du crédit d’heures accordées par l’employeur pour permettre à l’élu d’assurer sa charge de travail (20 %) et le financement d’un nombre minimum obligatoire d’absences financées par l’employeur (17%).
Les associations d’élus (AMF et APVF, notamment) et le Sénat (lire Maire info du 17 novembre) ont bien saisi l’enjeu démocratique et proposent aussi de revaloriser les indemnités des élus pour améliorer les conditions d’exercice du mandat et renforcer l’attractivité de la fonction. Sans une action déterminante sur ce sujet et, plus généralement, sur les conditions matérielles et organisationnelles de l’exercice du mandat, se posera la question du renouvellement des élus alors que « les maires sont âgés en moyenne de 60 ans, majoritairement des hommes (8 sur 10), pour beaucoup retraités (40 %) » , rappelle le Cevipof.
Ces questions seront largement débattues lors du 105è Congrès de l’AMF, qui s’ouvre mardi 21 novembre et pour trois jours à Paris-Porte de Versailles, au cours duquel l’AMF et le gouvernement croiseront leurs propositions en la matière.
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