La publicité en mer au large des plages (presque) interdite par décret
Par Franck Lemarc
La publicité par voie aérienne, au moyen de banderoles tractées par des avions, est interdite depuis la loi Climat et résilience du 22 août 2021. Mais l’imagination des publicitaires étant sans limite, les usagers des plages ont à subir une autre nuisance, depuis quelques années : les bateaux-pub. Autrement dit, des navires spécifiquement dédiés sur lesquels sont installés d’immenses panneaux lumineux, et qui croisent le long des plages, hors de la bande des 300 m sur laquelle les maires sont compétents.
Un décret paru hier règle en partie ce problème
Vide juridique
C’est au printemps 2021 qu’une entreprise, Boatcom, a lancé son premier bateau équipé d’un grand écran à leds, portant un message publicitaire et navigant devant les plages très touristiques de la Côte d’Azur – Cannes, Juan-les-Pins, Antibes… Ce mode de diffusion de la publicité est implanté depuis fort longtemps aux États-Unis, notamment, mais la France y avait, jusqu’à présent, échappé.
Au moment de cette affaire, tous les maires des communes littorales, à l’exception de ceux de Fréjus et de Saint-Mandrier, avaient vivement protesté contre cette « agression visuelle » , mais sans pouvoir intervenir, puisque le bateau naviguait hors de leur zone de compétence.
Quant à la préfecture maritime, qui avait alors expliqué que sur les 43 communes qu’elle avait contactées, seules deux avaient donné un avis favorable, elle s’était heurtée au fait qu’aucune réglementation ne lui permettait d’interdire cette pratique. Elle avait alors annoncé vouloir se rapprocher des services centraux de l’État pour qu’une réglementation soit élaborée – démarche soutenue par de nombreux maires, estimant parfaitement anormal que la publicité sur terre soit strictement réglementée mais pas celle en mer.
Sans compter qu’entre-temps, la loi Climat et résilience, en août 2021, interdisait « la publicité diffusée au moyen d'une banderole tractée par un aéronef » . La mer devenait donc le seul endroit où la publicité n’était pas réglementée.
Projet de décret
Le gouvernement a réagi en élaborant un projet de décret qui a été soumis à consultation publique entre avril et mai dernier. Ce projet de décret, expliquait le gouvernement, avait pour objet « de combler ce vide juridique qui fait qu’actuellement aucune interdiction ou restriction ne vient s’appliquer à la publicité en mer, alors même que la mer constitue un espace naturel par excellence qu’il convient de protéger ». Juridiquement, il s’appuie sur un article introduit à cette fin dans le Code de l’environnement par la loi Climat et résilience, qui dispose que « la publicité sur les véhicules terrestres, sur l'eau ou dans les airs peut être réglementée, subordonnée à autorisation ou interdite, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ».
Le projet de décret portait deux dispositions : l’interdiction pure et simple de la publicité lumineuse (écrans numériques) « en mer territoriale et sur les eaux intérieures maritimes françaises » ; et l’interdiction de la publicité non lumineuse « dès lors que sa surface (…) est supérieure à 8 m². »
Plusieurs exceptions étaient prévues, notamment le fait que l’interdiction ne s’applique pas aux « marquages apposés sur la coque ou la voile des bateaux mentionnant leur marque, leur constructeur, les exploitant ou leur parraineur » . Une telle interdiction aurait en effet été problématique lors des grandes courses nautiques, où chaque navire porte le nom d’une marque – voire où la course elle-même porte un nom commercial, comme la transat Jacques-Vabre… et où les voiles des bateaux ressemblent fort à d’immenses panneaux publicitaires.
Le texte précise également que des dérogations exceptionnelles peuvent être accordées par « l’autorité de police, à l’occasion de manifestations particulières » . L’autorité de police est, en l’espèce, le maire.
La consultation publique partiellement entendue
Le décret final a légèrement évolué par rapport à la disposition initiale. En effet, lors de la consultation publique qui a remporté un certain succès (près de 5 000 contributions), une véritable levée de boucliers a eu lieu contre la disposition autorisant les publicités non lumineuses de 8 m² maximum.
Le gouvernement n’est pas allé jusqu’à suivre les innombrables avis qui demandaient une interdiction totale et sans dérogation (98 % des contributions). Mais « afin de tenir compte des observations du public tout à portant une atteinte proportionnée à la liberté d’expression, à la liberté du commerce et de l’industrie et au droit de propriété » , il a réduit l’autorisation aux publicités de 4 m² au lieu de 8 m², et introduit une nuance : la publicité non lumineuse n’est autorisée qu’à partir du moment où les bateaux « ne sont ni équipés ni exploités à des fins essentiellement publicitaires ».
Ces dispositions entreront en vigueur le 1er mars prochain.
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