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Maire-info

Agence nationale de la cohésion des territoires : la question des moyens posée dans l'hémicycle



La discussion en séance publique sur la proposition de loi portant création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a débuté hier à l’Assemblée nationale. Plusieurs députés, de toutes tendances, se sont inquiétés du manque de moyens dont disposera cette agence, ainsi que de la place qu’occuperont les élus locaux dans sa gouvernance.
Jacqueline Gourault, ministre chargée notamment de la Cohésion des territoires, a introduit les débats en défendant le texte avec enthousiasme. Elle a donné quelques indications précises sur ce que souhaite le gouvernement : d’abord, répondre « à la demande formulée par les élus locaux et en particulier l’AMF, qui souhaitaient une simplification du paysage des opérateurs de l’État ». Ensuite, répondre à deux problèmes spécifiques : beaucoup de collectivités « ne disposent pas en interne des capacités techniques et financières pour concevoir et réaliser leurs projets » ; et elles sont de surcroît « confrontées à un maquis administratif qui les contraint (…) à faire la tournée des acteurs ». Pour gagner « du temps et de l’énergie », il faut donc un guichet unique – et c'est cela que doit être l’ANCT. Si la future agence va directement être issue de la fusion de l’Épareca, du CGET et de l’Agence du numérique, elle pourra aussi mobiliser les moyens d’autres agences telles que l’Ademe, le Cerema, l’Anru et l’Anah. Les préfets seront les uniques référents, dans chaque département, de l’Agence, en tant que « délégués territoriaux ». « Il n’y aura pas, sur les territoires, d’« officine » au fronton de laquelle seraient inscrits les mots : « Agence nationale de la cohésion des territoires ». C’est bien le préfet qui sera le représentant unique de l’agence pour les élus locaux porteurs de projet », a insisté la ministre. Jacqueline Gourault a également précisé que « tous les élus, toutes les collectivités pourront faire appel à l’agence (« communes, interco, départements, métropoles, régions », ou même plusieurs collectivités « ayant un projet commun », mais aussi « pays ou Pôles d’équilibre territorial et rural »).
La ministre a également défendu le fait de rétablir le poids prépondérant de l’État au sein du conseil d’administration de l’Agence (lire Maire info d’hier) : « L’ANCT sera une agence de l’État, composée d’agents de l’État et dont le budget sera établi à partir des crédits de l’État. »

« Aucun financement supplémentaire »
Après que les rapporteurs du texte au sein des différentes commissions ont, eux aussi, défendu la lettre et l’esprit de la proposition de loi, plusieurs voix discordantes se sont fait entendre dans les rangs de l’opposition. La charge la plus violente est venue du groupe La France insoumise, qui a demandé le renvoi du texte en commission, dénonçant une agence qui ne serait « qu’un truc, un machin, un bidule », censé « nous faire oublier que les services de l’État souffrent des politiques de rabot budgétaire ». Plusieurs députés ont pris l’exemple du Cerema, dont les moyens pourraient être mobilisés par la future ANCT, rappelant par exemple que les investissements portés par le Cerema ont diminué de plus de 40 % entre 2015 et 2018, faute de moyens.
Guy Bricout (Nord) pour le groupe UDI a lui aussi dénoncé le manque de moyens de la future agence : « Aucun financement supplémentaire n’est prévu ». Si un budget dédié est bien prévu pour la loi de finances 2020, a souligné le communiste Hubert Wulfranc (Seine-Maritime), « rien n’indique qu’il ira au-delà de l’addition des moyens dont disposent aujourd’hui les établissements fusionnés ». Pour François Pupponi (Libertés et Territoires, Val-d’Oise), le fait que « l’ANCT ne disposera pas de plus de moyens qu’actuellement » est de nature à « rogner l’ambition affichée ».
Au-delà de la question des moyens, d’autres sujets de débats ont été évoqués par les députés lors de la discussion générale : la place des élus dans la gouvernance, par exemple. Si plusieurs parlementaires se sont réjouis du fait que le président de l’ACNT sera – c’est inscrit dans la proposition de loi – un élu local, François Puponi s’est inquiété du fait que le directeur général de l’agence soit nommé « par décret » plutôt que par le conseil d’administration, ainsi que du fait que les collectivités ne seraient « pas représentées » au sein du « comité d’action territoriale » prévu, censé notamment suivre l’exécution des conventions entre l’ANCT et les différentes agences qui lui seront liées. « Les mêmes réserves peuvent être formulées pour les déclinaisons départementales de l’agence, a conclu François Pupponi. Dans la rédaction actuelle, en effet, le préfet de département serait le délégué territorial. Nous proposons plutôt une gouvernance partagée associant des collectivités sur un pied d’égalité. »
Les débats vont se poursuivre aujourd’hui, l’adoption du texte étant prévue ce soir.
F.L.



Édition du mardi 12 mars 2019

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