Si les prix de l’eau sont stables en France, et en-dessous de la moyenne en Europe, «
des menaces pèsent sur le modèle eau », a averti hier Tristan Mathieu, le délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), qui regroupe les principales entreprises délégataires en matière gestion eau et assainissement.
La fédération a publié hier un baromètre des prix dans les cinq plus grandes villes de dix pays européens, qui révèle que les prix dans ces villes françaises sont à 11 % en dessous de la moyenne européenne, avec 3,56 euros du mètre cube (pour une consommation de 120 m3 par an, représentant la moyenne d’un ménage de trois personnes). Mieux, ces prix n’ont augmenté en moyenne que de 0,6% par an entre janvier 2015 et janvier 2017, contre une augmentation annuelle de 2% pour les deux années précédentes.
Pour autant, l’avenir pourrait ne pas être aussi rose, car «
beaucoup de signaux laissent penser que le modèle français de gestion de l’eau, qui a inspiré l’Europe – les agences de l’eau sont un outil très efficace, qui a influencé la directive-cadre (DCE) de l’Union européenne –,
fait face à une crise. On ne peut pas se satisfaire de la performance en terme de prix, face au sous-investissement chronique », a relevé Tristan Mathieu. Selon les chiffres de l’Agence française de la biodiversité (ex-Onema), le taux de renouvellement des canalisations est de 0,6 % par an, ce qui demanderait environ 170 ans pour un renouvellement total (soit près de quatre fois leur durée de vie).
Qui plus est, dans certaines zones rurales, «
le taux de non-conformité de la qualité bactériologique de l’eau est jusqu’à vingt fois supérieur à celui de zones urbaines », a rappelé le délégué général.
«
On est en train de déconstruire un système vertueux, basé sur la solidarité territoriale, pour en faire une variable d’ajustement du gouvernement », a poursuivi Tristan Mathieu, ajoutant que «
les collectivités locales n’arriveront pas à faire face aux enjeux de demain : transition écologique, fracture territoriale, si on continue à couper le budget des agences de l’eau. » Celles-ci se voient prélever en effet tous les ans, depuis 2013, une part de leur budget par le gouvernement (lire
Maire info du 15 septembre et du 24 octobre).
Selon la FP2E, il existe pourtant une autre voie de financement, sous-utilisée par la France : les fonds européens, dont quinze milliards sont à disposition dans le cadre de l’application de la DCE. Ainsi, lors des précédents programmes structurels, un milliard d’euros aurait été retourné à l’UE sans avoir été utilisé. La faute aux régions, selon Tristan Mathieu, à qui la gestion du FEDER a été attribuée en 2014. «
N’ayant pas la compétence eau, elles préfèrent consacrer ces enveloppes à autre chose », a-t-il affirmé.
Autre motif d’inquiétude pour les entreprises assurant la gestion de l’eau : l’explosion des impayés depuis la loi Brottes sur la tarification de l’eau, qui seraient passé de 1 % des factures à 2 % en quatre ans pour les entreprises délégataires – avec une situation pire encore pour les régies.
Pour l’instant, les entreprises de la FP2E se refusent à parler d’une augmentation prochaine des tarifs de l’eau, mais «
au bout d’un moment, tout cela va se retrouver sur les factures », a reconnu Tristan Mathieu, qui a également pointé du doigt la hausse de la TVA sur l’assainissement, passée de 5 à 10 % en 2014.
Autant de sujets explosifs qui seront à n’en pas douter à l’agenda des Assises de l’eau annoncées par Emmanuel Macron lors du 100e Congrès des maires (lire
Maire info du 24 novembre).
E.G.E.
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