Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 17 décembre 2025
État civil

Un maire et ses adjoints démissionnent pour ne pas célébrer le mariage d'un étranger en situation irrégulière

Après celle de Béziers, une nouvelle affaire de mariage impliquant une personne sous OQTF a éclaté en Seine-et-Marne, où un maire et tous ses adjoints ont décidé de démissionner plutôt que célébrer un tel mariage. Explications.

Par Franck Lemarc

Après Robert Ménard, maire de Béziers, qui a été convoqué par la justice pour avoir refusé de marier un couple dont l’un des membres était sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), c’est Olivier Bourjot, maire de Chessy, en Seine-et-Marne, qui a été enjoint par le tribunal judiciaire de Meaux de célébrer un mariage « avant la fin de l’année », bien que le futur époux soit sous OQTF.

Pour ne pas avoir à le faire, le maire et tous ses adjoints ont démissionné, tout en restant membres du conseil municipal. Privée de ce fait d’officiers d’état civil, la commune ne peut célébrer le mariage.

« Fidélité aux convictions »  vs « infraction pénale » 

L’affaire a débuté en mars dernier, lorsque la demande de mariage a été déposée en mairie. La municipalité a auditionné les demandeurs – une « ressortissante européenne », n’ayant pas la nationalité française, indique le communiqué de la mairie, et un homme en situation irrégulière, sous OQTF depuis 2022. Ayant un « doute »  sur la possibilité d’un mariage blanc, le maire saisit le procureur, qui ne s’oppose pas au mariage, disant « ne pas douter de la sincérité de la relation ». Le procureur a de plus indiqué, depuis, que l'OQTF de cette personne n'est « plus opérante ».

Le maire a tout-de-même décidé de « ne pas célébrer cette union »  qui lui paraissait « insincère », et les demandeurs l’ont attaqué en référé devant le tribunal judiciaire.

Le tribunal a rejoint l’avis du procureur, jugeant la relation sincère et estimant que plusieurs éléments confirment « la nature personnelle et amoureuse de leur relation ». Le tribunal a donc enjoint, le 10 décembre, la commune à « publier les bans dans un délai de 48 heures et de fixer la date de la célébration du mariage avant la fin de l’année ».

Il faut rappeler, en effet, qu’aucune loi n’interdit à une personne en situation irrégulière de se marier. En l’état actuel du droit, la seule possibilité de ne pas célébrer un mariage (en dehors de la minorité, de la polygamie ou de la consanguinité) est la suspicion d’un mariage blanc. Dès lors que le procureur, puis la justice, ont estimé que ce risque était écarté, le maire est légalement obligé de procéder au mariage.

C’est pour « rester fidèles à (ses) convictions »  que le maire a finalement décidé de démissionner avec ses adjoints. Dans son communiqué, il indique avoir eu un choix entre deux solutions : « Rester maire et persister à refuser de célébrer, entraînant des conséquences juridiques et financières »  pour la commune ; ou « démissionner pour nous mettre dans l’impossibilité juridique de célébrer ».

C’est ce deuxième choix qu’ont fait le maire et ses adjoints, créant une « situation administrative inédite ». Mais celle-ci ne réglera pas le problème : le procureur de la République de Meaux a d’ores et déjà indiqué que cette démission « ne saurait faire disparaître »  le fait que l’opposition du maire au mariage « est susceptible de caractériser une infraction pénale ».

Interrogé sur cette affaire ce matin sur FranceInfo, le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, a déclaré que « marier quelqu'un qui fait l'objet d'une OQTF, qui normalement n'a pas à être là, comme citoyen ça me choque ». Il a ajouté que « ce n'est pas parce qu'il va se marier avec quelqu'un qui est résidente en France qu'on ne va pas le reconduire. Ce n'est pas un obstacle. »   

Proposition de loi rejetée

Le maire de Chessy, qui a bénéficié du soutien à titre personnel de David Lisnard, maire de Cannes, et d’autres ténors de la droite comme Valérie Pécresse, a certes créé un précédent en démissionnant de ses fonctions. Mais au moment où cette affaire se déroule, il n’est toujours pas inscrit dans la loi qu’un mariage ne peut être célébré si l’un des époux est en situation irrégulière. Le maire, du point de vue du droit, n’a donc en effet pas le droit de refuser de célébrer le mariage si aucune suspicion de mariage frauduleux n’existe.

Pour mémoire, cette année, des parlementaires ont tenté de changer la loi sur ce sujet, via la proposition de loi du sénateur de la Somme Christian Demilly, qui proposait d’inscrire dans le Code civil que « le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national ». Du Sénat à l’Assemblée nationale, au long de la navette parlementaire, la plupart des acteurs de ce débat, ministre de la Justice compris, ont estimé que cette disposition ne passerait pas la barrière du Conseil constitutionnel, la jurisprudence de celui-ci, en la matière, étant constante :

la « liberté matrimoniale »  est un droit fondamental qui ne peut « souffrir aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion », comme il est dit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen.

La proposition de loi a finalement été recalée à l’Assemblée nationale (lire Maire info du 27 juin 2025).

Un certain nombre de maires s’indignent – et ils l’ont répété lors de ce nouvel épisode – que leurs collègues puissent être obligés de marier une personne qui n’a pas le droit de se trouver sur le territoire français. Il n’en reste pas moins que cette situation risque de perdurer : seule une modification de la Constitution pourrait changer les choses, et celle-ci n’est, pour l’instant, pas à l’ordre du jour.

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