Délivrance des titres d'identité : anatomie d'un redressement
Par Franck Lemarc
« Il y a un an, le délai moyen d’obtention d’un rendez-vous en mairie enregistrer une demande de titre d’identité était de 69 jours. Il est de 15 jours cette semaine. » Le chiffre brandi par Didier Martin, secrétaire général du ministère de l’Intérieur, devant la commission, illustre parfaitement la réalité de ce redressement, que la Cour des comptes a salué dans une récente enquête.
Les mesures prises par le gouvernement en 2022 et 2023 (lire notamment Maire info des 8 juillet 2022, 29 mars 2023 et 25 mai 2023) ont porté leurs fruits : augmentation notable de la dotation titre sécurisés (DTS), augmentation du nombre de dispositifs de recueil des empreintes digitales (DR), création d’une plateforme nationale de prise de rendez-vous… Ces différentes mesures, et la mobilisation exceptionnelle des communes pour enrayer le trop-plein de demandes constaté après la crise du covid-19, ont permis de revenir à la normale, voire, a souligné le ministère de l’Intérieur, à des délais meilleurs que ceux d’avant l’épidémie.
Propositions d’amélioration
La sénatrice de l’Ain Florence Blatrix-Contat, rapporteure spéciale de la mission Administration générale et territoriale de l’État, qui a mené des « travaux de contrôle sur ce sujet », a néanmoins pointé quelques difficultés récurrentes et proposé, en accord avec la Cour des comptes, des pistes d’évolution. Elle a notamment relevé la situation « loin d’être normalisée » dans les services instructeurs des préfectures (CERT), où la situation de sous-effectif endémique conduit au recours « à des contractuels, souvent en contrat de trois mois ». Ne pouvant se satisfaire de cette situation de « précarité », la sénatrice demande à l’État de créer des « emplois pérennes » pour renforcer les CERT.
Elle a également relevé le problème de la répartition des DR (dispositifs de recueil) entre les départements, dont les critères lui paraissent « assez obscurs » : ses observations l’ont conduite à constater que dans des départements « aux caractéristiques similaires », le nombre de DR mis à disposition « peut varier du simple au double ». La sénatrice appelle donc à revoir et clarifier les critères pour une répartition plus équilibrée.
Florence Blatrix-Contat a par ailleurs constaté que « les communes situées dans des territoires ruraux font un effort beaucoup plus important que celles situées en zones urbaines pour accueillir des demandeurs venant d’autres communes », estimant que cette situation « doit être prise en compte dans la réforme de la DTS ».
Enfin, elle a commenté la proposition faite par la Cour des comptes que les DR soient dotés « d’appareils photos » pour prendre directement, sur place, une photo conforme aux exigences. La proposition, si elle est « indéniablement intéressante », soulève « des difficultés pratiques », et demandera une formation spécifique pour les agents communaux. Mais surtout, selon la sénatrice, elle devra s’accompagner de la mise en place « d’un contrôle automatique et immédiat de la validité de la photo, par logiciel, afin que les agents de mairie ne soient pas considérés comme responsables lorsque le CERT juge une photo non conforme ». Elle propose une « expérimentation », avec des communes volontaires.
« Sens aigu du service public »
Intervenant au nom de l’AMF dont il est vice-président, Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville (77), a salué une situation « rare » : « Sur un sujet particulièrement délicat et qui aurait pu devenir très problématique, nous sommes tous d’accord sur le point de départ et le point d’arrivée » – « tous », c’est-à-dire l’État, les parlementaires, la Cour des comptes et l’AMF. Pour lui, la réussite du redressement opéré depuis le covid-19 mais, plus largement, de la réforme « titres sécurisés » lancée en 2009 s’appuie sur deux éléments : « la concertation », le « dialogue permanent » entre l’État et l’AMF sur ce sujet ; et le « volontariat », qui a été le principe de base de cette réforme – aucune commune n’est obligée de s’équiper d’un DR. Répondant au ministère de l’Intérieur, qui avait posé la question des « 48 communes de plus de 10 000 habitants » qui ne sont toujours pas équipées, Guy Geoffroy estime que le volontariat doit toujours rester la règle, mais qu’il n’est pas interdit de chercher à convaincre et inciter ces communes à s’équiper et « que c’est dans leur intérêt de le faire ».
Le maire de Combs-la-Ville a également chaleureusement salué l’engagement et le dévouement des agents municipaux, « qui ont été au feu et qui ont tenu bon » au plus fort de la crise et face à l’afflux de demandes. « Il a fallu demander un surcroît de travail aux agents » formés pour effectuer ces tâches, « et ils l’ont accepté parce qu’ils ont un sens aigu du service public ».
Concernant la dotation titres sécurisés, Guy Geoffroy a bien entendu jugé que « toute augmentation sera bienvenue », mais relevé qu’en réalité, réalité, les dépenses engagées par les communes devraient être compensée « à 100 % » par l’État, puisque c’est une tâche que les communes exercent au nom de celui-ci.
Le maire de Combs-la-Ville a enfin donné un avis sur la proposition d'équiper les DR en mairie d'appareils photos – rappelant que beaucoup de mairies se sont déjà dotées de cabines « Photomaton » avec des agents qui vont « jusqu’à accompagner les demandeurs pour les conseiller ». S’il n’a « pas d’hostilité de fond à aller plus loin », Guy Geoffroy a toutefois soulevé un autre problème : celui des « effets collatéraux » sur les photographes de ville, qui seront forcément hostiles à une telle évolution. Cet « effet collatéral » retombera forcément sur les épaules du maire, a relevé Guy Geoffroy, ce qui doit inciter à une certaine prudence sur ce sujet.
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