Une mission sénatoriale dresse le bilan du développement de la méthanisation et propose des pistes d'évolution
Par Franck Lemarc
Présidée par les sénateurs Pierre Cuypers (Seine-et-Marne) et Daniel Salmon (Ille-et-Vilaine), cette mission créée en mars dernier avait pour objectif de travailler sur les « enjeux et impacts » de la méthanisation.
Rappelons que la méthanisation est un procédé de production de gaz par « digestion » de déchets : les intrants utilisés peuvent être des déchets putrescibles issus des décharges, des boues d’épuration, des effluents d’élevage, ou encore des déchets de culture végétale.
En vingt ans, la production de biogaz a fortement progressé en France – elle a été multipliée par sept. Le biogaz produit par méthanisation est utilisé aux deux tiers pour la production de chaleur et un tiers pour celle d’électricité. Un peu plus d’un millier d’installations existent dans le pays. Leur production est soit injectée dans le réseau de gaz naturel, soit utilisée directement pour produire de l’électricité. Il s’agit, la plupart du temps, de petites unités, majoritairement « de nature agricole », notent les rapporteurs.
Le biogaz, qui entre dans la catégorie des énergies renouvelables, représentait en 2019 3,4 % de la consommation d’énergie renouvelable.
Point de situation
Comme toutes les énergies renouvelables, cette filière bénéficie de dispositifs de soutien. Ceux-ci ont été entièrement revus à partir de 2016, avec des tarifs d’achat revus à la baisse et la suppression de l’exonération de TICGN (taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel) en 2020. Le coût de production du biogaz reste très élevé (entre 90 et 100 euros le MWh, soit quatre fois plus que le gaz naturel). Néanmoins, selon les sénateurs, ce coût élevé « doit être remis en perspective » : les coûts sont en réalité très variables entre le biogaz de décharge et la « petite méthanisation agricole ». Il devrait par ailleurs diminuer, avec un objectif de 60 €/MWh en 2028.
La mission relève que le nombre de projets en « file d’attente » est considérable : 164 en électricité et 1 164 en injection. Il y a toutefois encore du chemin à parcourir pour atteindre les performances de certains pays : la consommation de biogaz en France ne représente que 1 % de la consommation totale de gaz, contre 20 % au Danemark.
« Externalités négatives »
La production de biogaz a de nombreux avantages : décarbonation de l’énergie, « renforcement de l’indépendance énergétique du pays » (le gaz naturel est importé à 99 %), développement de l’économie circulaire… Mais la mission ne cache pas les « externalités négatives » de ce mode de production : la méthanisation produit des gaz à effet de serre (méthane), néanmoins inférieures aux émissions évitées ; les installations sont susceptibles de produire des risques industriels, voire des accidents ; le risque de pollution des eaux et des sols est encore mal connu. Par ailleurs, un débat existe sur un risque « d’accaparement des surfaces agricoles utiles » – risque qui, selon la mission, est toutefois « limité ». « Lors des auditions menées par la mission d’information, des craintes ont enfin pu être émises quant aux risques économiques (perte de contrôle des agriculteurs aux dépens des industriels, pression de la méthanisation sur le prix du foncier agricole…) que ferait peser la méthanisation sur les agriculteurs. »
Enfin, « l’acceptabilité » de ce mode de production reste incertaine : « Dans certains territoires, le développement de la filière suscite cependant des doutes, des inquiétudes allant parfois jusqu’à des oppositions frontales, qui doivent constituer des points d’alerte majeurs pour la filière, de même que pour les pouvoirs publics. »
« Mobiliser les collectivités »
La mission propose donc un certain nombre de pistes pour créer « un modèle français de la méthanisation », passant notamment par « une rénovation du cadre de soutien », une évaluation plus fine des risques environnementaux et le développement d’une information « grand public » à l’échelle nationale pour dédiaboliser le sujet.
Un des axes prônés par la mission est également « la territorialisation » des projets, via « la mobilisation des collectivités territoriales ». Il faudrait, estiment les rapporteurs, « renforcer l’information préalable des élus locaux sur les projets de méthanisation, en appliquant les outils prévus pour les projets d’énergies renouvelables électriques », et « structurer la gouvernance locale de la filière ». Les sénateurs proposent également la création d’un « guichet unique » pour les porteurs de projet.
Reste une question qui, tant qu'elle n'est pas résolue, continuera de bloquer une certain nombre d'initiatives, notamment issues des collectivités elles-mêmes : le devenir des digestats d'installations de méthanisation. Si les agriculteurs n'acceptent pas d'utiliser comme fertilisants les digestats issus de stations non agricoles, il n'y aura pas de débouchés pour ces matières... ce qui bloque, de fait, de nombreux projets portés par des collectivités.
Accéder à la synthèse de l’enquête.
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