Projet de loi EnR et urbanisme : ce qu'il faut retenir de la version des députés
Par Caroline Reinhart
Prévue pour le 24 janvier, la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables (EnR) promet d’être houleuse. Adopté le 10 janvier par l’Assemblée nationale, le texte s’est éloigné de la version des sénateurs sur de nombreux points, en particulier dans le champ de la planification urbaine.
Intérêt public majeur et artificialisation des sols
Si l’avis conforme des maires a été conservé pour la délimitation des zones d’accélération pour le développement des énergies renouvelables, la version sénatoriale a été élaguée s’agissant de la prise en compte des projets d’énergies renouvelables – présumés répondre à « une raison impérative d’intérêt public majeur » – dans le décompte du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Le texte du Sénat prévoyait que « l’artificialisation des sols ou la consommation d’Enaf [espaces naturels, agricoles et forestiers – ndlr] résultant de l’implantation d’installations de production ou de stockage d’EnR, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d’énergie ainsi que les ouvrages connexes qui leur sont directement liés, d’envergure nationale ou européenne et qui présentent un intérêt général majeur n’est pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces ».
La version des députés écarte cette précision ZAN, pour coller au règlement européen 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 adopté en urgence afin de changer et simplifier l’ensemble des procédures d’installation des EnR. Celui-ci prévoit que « la planification, la construction et l'exploitation d'installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables, le raccordement de ces installations au réseau, le réseau connexe proprement dit, ainsi que les actifs de stockage, sont présumés relever de l'intérêt public supérieur et de l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques lors de la mise en balance des intérêts juridiques dans chaque cas ».
Ainsi, le texte adopté le 10 janvier crée, au sein du Code de l’environnement, un nouvel article L. 411-2-1, selon lequel « sont réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur (…), les projets d’installations de production d’EnR ou de stockage d’énergie ou d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone (…), ainsi que l’opération à laquelle une telle qualification a été reconnue par l’acte la déclarant d’utilité publique (…). » (art. 4 du projet de loi modifié). Une qualification qui ouvre certaines dérogations, notamment aux règles relatives aux espèces protégées.
Des EnR sur les ombrières des parkings
Autre mesure phare du projet de loi en matière d’urbanisme : la généralisation de l’installation d’ombrières intégrant un procédé de production d’EnR au-dessus des parkings de 1500 m² au moins, « sur la moitié de cette superficie au moins » (article 11 du projet de loi modifié). Le champ d’application et le calendrier de cette nouvelle obligation est défini par le texte, qui renvoie à un décret le soin d’en fixer les critères d’exonération.
Le texte s’applique « aux parcs de stationnement extérieurs existant au 1er juillet 2023 et à ceux dont la demande d’autorisation d’urbanisme a été déposée à compter de la promulgation de la présente loi ». Des sanctions pécuniaires (jusqu’à 40 000 euros par an) sont prévues pour les exploitants des parcs qui ne respecteraient pas le calendrier d’application de cette obligation, selon le type de gestion (concession, délégation de service public, etc.) et la surface du parking. Le texte facilite par ailleurs l’installation de panneaux solaires sur les délaissés routiers et autoroutiers.
Photovoltaïque sur les friches littorales
L’article 9 du projet de loi modifié prévoit la possibilité de déroger à la loi Littoral pour permettre la réalisation de projets d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique, à condition « que le projet ne soit pas de nature à porter atteinte à l’environnement, notamment à la biodiversité ou aux paysages et à la salubrité ou à la sécurité publiques, en fonctionnement normal comme en cas d’incident ou d’accident » . De tels projets sont donc envisageables dans certaines friches littorales, dont « la liste (…) est fixée par décret, après concertation avec le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres », indique le texte. Autre garde-fou : l’autorisation est « accordée par l’autorité administrative compétente de l’État, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites » . Le pétitionnaire doit, quant à lui, « justifier que le projet d’installation photovoltaïque ou thermique est préférable, pour des motifs d’intérêt général, à un projet de renaturation, lorsque celui-ci est techniquement réalisable ».
Le texte permet aussi de déroger à la loi Montagne pour implanter des installations photovoltaïques sur des « terrains dégradés » ou en discontinuité. « Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un SCoT comportant une étude (justifiant, en fonction des spécificités locales, une urbanisation qui n'est pas située en continuité de l'urbanisation existante), la carte communale peut comporter une étude (…) relative à la réalisation d’ouvrages de production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique installés sur le sol en discontinuité de l’urbanisation existante. La carte communale délimite alors les secteurs où les constructions sont autorisées dans le respect des conclusions de cette étude. ».
Insertion et qualité paysagères
Le texte s’attaque aussi aux fondamentaux des documents d’urbanisme. Il modifie notamment le contenu du document d'orientation et d'objectifs du SCoT, défini à l’article L. 141-4 du Code de l’urbanisme, pour y ajouter un objectif « d’insertion et de qualité paysagères des différentes activités humaines, notamment des installations de production et de transport des énergies renouvelables ». Sur le plan institutionnel, le texte prévoit par ailleurs la mise en place d’un médiateur pour chaque type d’énergie renouvelable, et la création d’un observatoire des énergies renouvelables et de la biodiversité. Objectif : désamorcer les conflits.
Outre l’instruction relative aux demandes d'autorisation d'installation de panneaux solaires qui vient d’être publiée, un décret du 26 décembre, entré en vigueur le 30, a relevé de 250 kW à un 1 MW le seuil de dispense de permis de construire pour les centrales solaires au sol – hors secteurs protégés. Sont concernés par cet allègement les ouvrages « dont la puissance crête est inférieure à 3 kW et dont la hauteur maximum au-dessus du sol peut dépasser 1,8 m », ainsi que ceux « dont la puissance crête est supérieure ou égale à 3 kW et inférieure ou égale à 1 mW quelle que soit leur hauteur ».
L’objectif reste le même : rattraper le retard important de la France en matière d’EnR, qui pour l’heure, ne représentent que 19,3 % de la consommation finale brute d'énergie du pays.
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