Éolien terrestre : Barbara Pompili lance un nouveau cadre de planification et d'instruction des projets
Par Caroline Reinhart
« Installez une éolienne, vous protégerez la planète : c’est aussi simple que cela. Ce n’est pas une déclaration politique, une idéologie, une lubie, c’est un fait scientifique, étayé par l’expérience. Et c’est cette évidence que je veux réaffirmer aujourd’hui. Oui, il y a une nécessité absolue de déployer l’éolien en France face à l’urgence climatique, à un moment où beaucoup cherchent à politiser, cliver, polémiquer autour de ce sujet. »
C’est par ces mots que la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a embrayé son discours-plaidoyer en faveur de l’éolien, lors d’une conférence de presse le 28 mai diffusée sur Twitter. Avec deux axes majeurs : rappeler la vision offensive du gouvernement pour tenir les objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), mais aussi préciser la nouvelle procédure de planification et d’instruction des projets éoliens.
« Je veux mettre les points sur les i »
Après les polémiques récentes et les antiennes d’hier, Barbara Pompili s’est prêtée à l’exercice du fact-checking pour faire tomber idées reçues et fake news, particulièrement nourries par le contexte électoral actuel. « L’éolien ne serait pas une énergie décarbonée ? C’est faux. Sur tout son cycle de vie, les émissions de CO2 de l’énergie éolienne sont extrêmement faibles, inférieures à 20 g de CO2 par kilowatt/heure, à comparer avec des émissions du mix électrique français qui varient de 40 à 90 g par kilowatt/heure. Les éoliennes ne seraient pas recyclables ? C’est faux. Recycler les éoliennes est aujourd’hui une obligation réglementaire. 90 % de la masse des éoliennes doit être démantelée, fondations incluses, puis recyclée ou réutilisée. Et ces exigences sont croissantes, ce sera 95 % au moins en 2024. ». Autre « contre-vérité » dénoncée par la ministre : intermittente par nature, l’énergie éolienne impliquerait nécessairement un recours accru aux énergies fossiles. « Notre système électrique dispose des flexibilités suffisantes pour accueillir une part de renouvelables bien supérieure à celle d’aujourd’hui sans aucune conséquence sur notre approvisionnement en électricité. (…). RTE l’a confirmé, les énergies renouvelables se substituent principalement à des installations de production utilisant des combustibles fossiles en France ou en Europe. » En clair : « Une éolienne installée, c’est moins d’énergie fossile utilisée ».
« Anarchique », l’implantation des éoliennes ? Faux, répond encore la ministre : « Les projets font tous l’objet d’une étude d’impact pour être autorisés, dont une étude d’impact paysager qui répond à trois objectifs : préserver le paysage et le patrimoine, faire évoluer le projet dans le sens d'une qualité paysagère et d’une réduction des impacts, informer le public ». Et à ceux qui plaident pour plus de nucléaire, Barbara Pompili évoque son impact paysager tout aussi problématique (pylônes, lignes à haute tension, etc.). « Aucun moyen de production d’énergie ne présente aucun impact, c’est un fait », a-t-elle ainsi conclu.
Cartographie : un outil non contraignant
Au-delà de cette opération « désinfox », la ministre de la Transition écologique a présenté l’instruction dédiée à la planification et l’instruction des projets éoliens, publiée le jour même. Par ce biais, Barbara Pompili appelle les préfets de région à réaliser, dans les six mois suivant les élections régionales, une première cartographie des zones favorables au développement des parcs éoliens, « en tenant compte de manière harmonisée des réalités locales ». Objectif : « éviter les refus non justifiés ». Après concertation avec les régions, les communes et les intercommunalités, cette cartographie « non contraignante » doit permettre de « sécuriser » les objectifs de la PPE en matière d’énergies renouvelables – les capacités du solaire photovoltaïque et de l’éolien terrestre devant être « multipliées respectivement par 5 et 2,5 entre 2019 et 2028 ». Néanmoins, les zones délimitées ne seront pas opposables : un projet en dehors d'une zone favorable « ne pourra pas être rejeté pour ce motif », et un projet en zone favorable « ne sera pas automatiquement autorisé ». Dans tous les cas, le porteur de projet devra démontrer dans son dossier que son projet est acceptable en termes d’impacts. Et l’instruction se fera toujours « au regard des enjeux locaux tel que prévu dans le Code de l’environnement », rappelle la circulaire.
Avec l’appui des Dreal, les préfets conduiront ce travail à partir de « données objectives et existantes » (distance aux habitations, contraintes radar, biodiversité, aspects paysagers, gisement de vent, etc.), et en concertation avec les élus du territoire, « en particulier les régions, les communes et les intercommunalités ». Les parties prenantes concernées, notamment les associations environnementales, les associations de défense du patrimoine et les représentants des développeurs, « seront consultés sur cette cartographie ». Une fois finalisée, elle sera publiée sur les sites des administrations concernées – et au plus tard un an après les élections régionales. La cartographie pourra aussi être prise en compte par les régions lors des prochaines mises à jour des Sraddet, ensuite déclinés dans les PCAET, Scot, PLUi et PLU. Une intégration renforcée par l’ordonnance du 17 juin 2020 issue de la loi Élan de 2018, qui permet aux Scot de valoir PCAET.
Concertation des élus : charte nationale en vue
Mais pour encadrer cette concertation, l’instruction renvoie à un autre document, visant à unifier les pratiques des services préfectoraux. Ainsi, une « charte nationale » sera « prochainement » mise en place avec la filière « afin de promouvoir les bonnes pratiques, notamment en termes de concertation avec les collectivités et les citoyens », et de « tenir compte des enjeux paysagers et environnementaux dans sa conception ». Objectif final : favoriser l’acceptabilité des projets. Cette charte, rappelle l’instruction, viendra ainsi compléter l’obligation du porteur de projet – issue de la loi Asap du 7 décembre 2020 – de transmettre aux maires de la commune et des communes limitrophes, le résumé non technique de l’étude d’impact un mois avant le dépôt de la demande d’autorisation environnementale. À noter que les collectivités pourront décliner cette charte nationale en chartes locales, signées pour chaque projet entre le développeur et la collectivité, « afin de réaffirmer les principes de la charte nationale et de préciser des modalités de concertation adaptées au contexte local si cela s’avère pertinent ».
L'AMF, sollicitée par le gouvernement, ne s'est pas associée à cette charte qui entérine des objectifs très ambitieux décidés par le gouvernement en matière de déploiement de l’éolien – et ne sont nullement le fruit d'une concertation avec les maires. L’AMF n’a d’ailleurs cessé d’alerter l’Etat sur la nécessité d’un avis conforme des maires concernés par les projets, au contraire, et s'est opposée, dans le passé, à la suppression des ZDE (zones de développement de l'éolien), qui permettaient aux communes et EPCI de décider quelles zones pouvaient accueillir des projets.
Autres annonces : un « pôle éolien départemental ou régional » visant à favoriser l’accompagnement des développeurs par l’État sera mis en place, en identifiant les freins et bonnes pratiques sur chaque territoire. De même que des conseillers techniques seront en poste « dès septembre » afin d’aider les collectivités à développer leurs projets ou s’impliquer dans un projet éolien, a précisé la ministre dans son discours. Les préfets devront également adresser chaque année un compte rendu du volume d’autorisations (en nombre et en puissance) en cours d’instruction, délivrées, rejetées et refusées – et le motif principal de ce refus. Enfin, un portail en ligne sera mis en place par le ministère « pour un suivi national public des projets éoliens en développement et en exploitation ». Les éoliennes seront bien au cœur de la transition énergétique du pays.
Accéder au « vrai-faux » du ministère sur l’éolien terrestre.
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