Un député LaREM congédie une délégation de l'AMF à l'Assemblée nationale
C’est un incident particulièrement désagréable pour les représentants des maires qui s’est produit, hier, à l’Assemblée nationale : Stéphanie Guiraud-Chaumeil, maire d’Albi, venue spécialement pour une audition consacrée au projet de loi Engagement et proximité devant la commission des lois, s’est vue purement et simplement congédiée par le rapporteur Bruno Questel, député LaREM de l’Eure, avant même que les échanges commencent.
Les maires « doivent être respectés », twittait hier, avec un certain aplomb, Bruno Questel, après avoir mis à la porte la délégation de l’AMF. C’est pourtant peu dire l’AMF n’a pas jugé l’attitude du député très « respectueuse ». Mais que s’est-il passé ?
Incident délibéré
Dans un communiqué de presse publié quelques minutes après l’incident – ce qui laisse à penser que la chose était largement préméditée – Bruno Questel explique avoir d’abord « regretté » que François Baroin ou André Laignel « n’aient pas jugé utile de venir échanger avec les députés ». Une façon à peine voilée de dire qu'il jugeait la maire d’Albi – pourtant rapporteure de la commission intercommunalité de l’AMF et donc particulièrement au fait des questions évoquées dans le projet de loi – insuffisamment compétente pour qu'il daigne s’entretenir avec elle.
Puis Bruno Questel, comme il le dit lui-même dans son communiqué, a sommé la maire d’Albi de « condamner » des propos soi-disant tenus par « un cadre de l’AMF » sur le site du Journal du dimanche… il y a trois semaines. Cet article rapportait sous couvert d’anonymat les propos qu’aurait tenu un « cadre » de l’association selon qui « les députés n’y connaissent rien » et vont « gentiment suivre les ordres de Bercy ».
Stéphanie Guiraud-Chaumeil – qui n’avait jamais eu connaissance de cet article – a estimé que ce n’était pas l’objet de l’audition par les députés et a proposé qu’il soit plutôt discuté du fond, à savoir, des propositions de l’AMF sur le projet de loi Engagement et proximité. Mais Bruno Questel ne l’a pas entendu de cette oreille et a carrément demandé à la délégation de l’AMF de quitter la salle, sans que l’audition ait lieu.
Bruno Questel conclut son communiqué en laissant entendre qu’il n’acceptera de discuter qu’avec François Baroin lui-même.
Initiative individuelle ou changement de cap de la majorité ?
Reste à savoir ce qui a motivé le député de l’Eure à provoquer ce qu’Éric Verlhac, directeur général de l’AMF, qualifie ce matin « d’incident regrettable pour la poursuite du dialogue ». « Les responsables de l’AMF sont parfaitement prêts à assumer ou à commenter des propos signés de tel ou tel élu, explique Éric Verlhac. Mais commenter des propos de presse anonymes ? Cela n’a pas de sens. »
On peut se demander également pourquoi l’AMF est spécifiquement visée par l’ire de Bruno Questel : les deux autres délégations reçues par la commission des lois, celle de l’AdCF et celle de l’APVF, n’étaient pas davantage conduites par les présidents de ces associations, Jean-Luc Rigault et Christophe Bouillon. Sans que, dans ce cas, Bruno Questel en fasse un casus belli.
S’agit-il donc d’une initiative individuelle du député de l’Eure ? En l’absence, pour l'heure, d’une réaction des autres députés de la majorité, voire du ministère de Sébastien Lecornu, il est impossible de le savoir.
Si, au contraire, cette provocation était assumée par la majorité LaREM à l’Assemblée nationale, cela pourrait signifier que celle-ci, à la veille de l’examen du projet de loi Engagement et proximité, souhaite écarter l’AMF de la discussion. Ce qui serait, pour le moins, contradictoire avec les déclarations d’intention du gouvernement de mettre fin à la période de confrontation entre l’exécutif et les maires.
Cet « incident contraire aux usages du Parlement, s’il ne s’agit pas d’une initiative individuelle malencontreuse, augure mal du dialogue que la majorité présidentielle prétend conduire avec les maires de France », a déclaré hier l’AMF à l’Agence France presse. La balle est maintenant dans le camp de la majorité, qui aurait tout intérêt, à un mois du congrès des maires, à dissiper tout malentendu sur ce sujet.
Franck Lemarc
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