Municipales 2020 : pourquoi les maires et les élus de moins de 35 ans sont si peu nombreux
Laurent Lardeux et Isabelle Lacroix, tous deux chercheurs à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), présentent, ce mercredi à l’AMF, les résultats de leur étude « Y a-t-il un âge en politique ? Parcours de jeunes maires de France », alors que ces derniers ne représentent qu’une infime minorité dans le paysage politique local.
La France ne compte, en effet, que 518 maires âgés de moins de 35 ans au moment de leur élection en 2014 (141 dans la tranche d’âge des 18-30 ans et 377 parmi les 31-35 ans), soit à peine 3,8 % des maires de France. En comparaison, la part des jeunes maires était de 12,7 % en 1983.
Les statistiques ne sont pas meilleures lorsque l’on élargit l’échantillon à l’ensemble du conseil municipal : selon les données du Répertoire national des élus, seuls 4,4 % des élus municipaux avaient moins de 30 ans au moment de leur élection en 2014.
Les jeunes à la Jeunesse
Au-delà des professions et catégories socioprofessionnelles des élus municipaux, « l’âge joue un rôle important dans l’accès au pouvoir », affirmait, en 2012, Michel Koebel, professeur de sociologie cité dans le rapport. « On cherche certes quelques jeunes pour constituer des listes, mais on les met souvent en position non éligible », abonde dans son sens les deux chercheurs, comparant le taux de candidats de moins de 30 ans présents au premier (9,07 %) puis au second tour (8,11 %) des dernières élections municipales.
« L’exclusion des jeunes est encore davantage marquée au sommet de la pyramide municipale ». Quand ils ont la chance d’être éligibles, les moins de 35 ans n’ont que « peu de délégation » ou héritent le plus souvent de la délégation… à la Jeunesse. « Il y a une répartition déséquilibrée dans les responsabilités des exécutifs », déclare Isabelle Lacroix à Maire info. Ce partage stéréotypé des responsabilités [les femmes en font aussi les frais en héritant des délégations à la famille ou au social] s’accentue dans les grandes villes et les intercommunalités ».
Or donner des responsabilités aux jeunes élus pourrait les inciter à poursuivre leur engagement politique local. En cette année d’élections, « seuls 21 % des maires de moins de 35 ans souhaitent abandonner leur mandat, c’est 28 % de moins que l’ensemble des maires. À l’inverse, les conseillers municipaux jeunes qui ont peu de délégation sont moins nombreux que la moyenne à souhaiter poursuivre », analyse Isabelle Lacroix.
« Une sursélection des jeunes »
Si les jeunes sont sous-représentés, c’est aussi parce qu’ils « sont inscrits dans des sphères sociales en conflit avec le mandat municipal », comme le début de carrière professionnelle, la conjugalité ou la naissance d’un enfant… Le parcours d’obstacles jusqu’à la mairie ne s’arrête pas là. Selon Isabelle Lacroix, les jeunes, parce qu’ils sont jeunes, sont confrontés à une « sursélection plus forte ». « Du fait de leur âge, on va en demander encore plus aux jeunes qui vont davantage devoir faire leurs preuves. Comme pour les femmes et les personnes d’origine immigrée, un faux pas de leur part peut être rédhibitoire », explique la chercheuse.
D’où l’importance de la question de l’accès à la formation devant lequel tous les profils ne sont pas égaux. « Les moins diplômés occupent souvent une fonction professionnelle dans le secteur privé ne leur permettant pas de suivre de formations ». Sans doute l’une des raisons pour lesquelles, 72 % des jeunes maires ont au moins un niveau bac + 2.
L’univers familial et le degré de socialisation politique construite pendant l’enfance, l’adolescence, à l’école ou dans la vie associative ou syndicale jouent aussi un rôle essentiel dans l’accès au mandat local. Ainsi, « 34 % des maires de notre échantillon déclarent avoir un père et/ou une mère élu·e municipal·e » , affirment les auteurs de l’étude. « Plus la fonction au sein de la mairie est importante, plus les chances de trouver un membre de la famille ayant exercé un mandat municipal sont fortes, confirmant le rôle de « transmetteur » du père, plus rarement de la mère, dans l’engagement municipal ».
Ludovic Galtier
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