Élections municipales annulées : la nécessité de l'absolu respect des règles
Noyon, Cléon, Trappes, Le Kremlin-Bicêtre, Bondy, Romans-sur-Isère, Annemasse… Jour après jour, la liste s’allonge des communes où – sauf décision contraire en appel – les électeurs vont devoir rejouer l’élection municipale de l’année dernière. Autant d’affaires qui mettent une fois de plus en lumière la nécessité absolue de respecter les règles strictes qui encadrent ces scrutins. Tour d’horizon (non exhaustif).
Irrégularités
La plupart des annulations prononcées, fin janvier ou en ce début de mois de février, ont trait à des irrégularités, essentiellement pour des questions de diffusions de tracts. C’est le cas à Cléon (Seine-Maritime), où un tract a été distribué le vendredi précédant le scrutin par l’équipe du maire, sans laisser le temps à l’opposition de répondre ; au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), où l’ancien maire Jean-Luc Laurent avait repris à la commune à son ancien premier adjoint, Jean-Marc Nicolle, avec 52 voix d’écart seulement, et après qu’un tract anonyme eut circulé dans la ville rappelant la mise en examen de Jean-Marc Nicolle en 2018. À Bondy (Seine-Saint-Denis), c’est également la diffusion d’un tract (reproduisant de façon tronquée ou surlignant les éléments à charge d’un article de presse) qui a été pointée par la justice comme remettant en cause la sincérité du scrutin, qui a vu l’ancienne maire, Sylvine Thomassin, perdre la mairie. Là encore, le très faible écart entre les candidats (64 voix) a été décisif dans ce choix du tribunal. À Duttleheim (Bas-Rhin), c’est encore une question de tracts qui a conduit à l’annulation du scrutin, un tract ayant été distribué le vendredi soir et l’élection ayant été acquise avec seulement sept voix d’avance.
Dans d’autres cas, il s’est produit des irrégularités au moment de l’émargement, comme à Noyon (Oise), où une différence est apparue entre le nombre de votes comptabilisés et le nombre de signatures à l’émargement. L’écart était, là encore, très faible, et les 17 votes irréguliers ont suffi pour faire annuler l’élection. À Ris-Orangis (Essonne), où le maire n’a remporté la majorité absolue que de deux voix, c’est le fait que le magazine municipal ait contenu une tribune appelant à voter pour le maire sortant qui a été pointé par le tribunal. Mais également le fait que le maire, dans sa cérémonie de vœux, « ait tenu un discours qui reprenait des points importants de son programme électoral ». La communication du maire ne peut pas, en période électorale, être utilisée pour la communication du candidat, a rappelé le tribunal.
À Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), où le scrutin s’est joué à cinq voix d’écart, c’est une irrégularité sur le bulletin de vote du maire sortant : il avait été oublié de faire figurer sur le bulletin de vote, comme la loi l’exige, la nationalité portugaise d’un candidat.
Comptes de campagne
Dans d’autres cas, comme à Givors (Rhône), ce sont des « intimidations » commises à l’encontre d’électeurs qui remis en cause le scrutin. Ou encore, des irrégularités sur les comptes de campagne : à Trappes (Yvelines), le maire élu a été accusé de ne pas avoir déclaré certaines dépenses imputables à une association (Cœur de Trappes) dont il est président, et qui ont eu pour effet de valoriser sa candidature. Si la décision est confirmée en appel, le maire pourrait également être déclaré inéligible pendant un an.
C’est également pour des irrégularités relatives aux comptes de campagne que la maire de Romans-sur-Isère (Drôme), Marie-Hélène Thoraval, a vu son élection annulée. Fait rare, la justice a décidé de ne pas annuler le scrutin mais uniquement l’élection de la maire, qui a été frappée d’un an d’inégibilité.
Il lui est reproché d’avoir accueilli, quatre jours avant le scrutin, le président de la région, Laurent Wauquiez, venu présenter un spectacle son et lumière financé par la région. Or le coût de ce déplacement a été pris en charge par la commune. Mélange des genres, encore, explique le tribunal, qui estime que la commune a fait une dépense « au bénéfice de la campagne de Mme Thoraval ». La maire a fait appel de cette décision.
Peu d’annulation pour cause d’épidémie
Il était à craindre, enfin, que plusieurs élections – notamment celles qui se sont jouées au premier tour – soient annulées du fait de la très faible participation due à l’épidémie. Les cas ont finalement été plutôt rares. On peut citer celui d’Annemasse (Haute-Savoie), où le taux d’abstention a été de 72 % le 15 mars et où le maire a récolté 50,02 % des suffrages. « L'importance de l'abstention constatée ne peut pas être regardée comme ayant été sans incidence sur la sincérité du scrutin », a jugé le tribunal administratif de Grenoble.
Même décision à La Balme-de-Sillingy (Haute-Savoie), commune tristement célèbre pour avoir été l’un des premiers « clusters » du pays, il y a un an. Avec plus de 60 % d’abstention et moins de 60 voix d’écart entre les candidats, le tribunal a jugé que la sincérité du scrutin avait été altérée. D’autant plus que, épidémie oblige, la gendarmerie avait été fermée, ce qui a empêché l’établissement de certaines procurations. Une décision similaire a été prise à Malville, en Loire-Atlantique, pour les mêmes raisons.
Franck Lemarc
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