Le gouvernement envisage la levée du moratoire sur les machines à voter
Par Franck Lemarc
Depuis 2008, il n’est plus possible pour les communes d’installer des machines à voter, mais l’usage de celles-ci reste autorisé dans celles qui en étaient déjà dotées. Seules 63 communes sont aujourd’hui dans ce cas, ce qui représente environ 1 500 bureaux de vote et 3 % du corps électoral. Rappelons que ce « gel » a été décidé à la suite d’incidents de sécurité survenus lors de l’élection présidentielle de 2007.
Sénat et Assemblée nationale pour la levée du moratoire
Ces dernières années, plusieurs rapports sont parus pour demander la relance de cette méthode de scrutin, en particulier le rapport des sénateurs Jacky Deromedi et Yves Détraigne, en 2018. Ces sénateurs relevaient que « aucun acteur institutionnel ni aucun informaticien n’a pu démontrer le manque de fiabilité des résultats électoraux dans les communes qui utilisent des machines à voter ». Ils pointaient la « satisfaction » des communes utilisatrices de ces machines, « qui réduisent les risques de bulletins nuls et facilitent le dépouillement des scrutins ».
Par ailleurs, se pose le problème que le moratoire empêche les communes utilisatrices de remplacer les appareils défectueux, et même de les mettre à jour.
En 2021, encore, une commission parlementaire poussait dans le même sens : la Commission supérieure du numérique et des postes a demandé la levée du moratoire. Elle ne se prononce pas pour la généralisation de ces machines, mais estime que « le statu quo n’est plus tenable », notamment parce que « plus d’un million d’électeurs utilisent des machines à voter désormais obsolètes car plus mises à jour, impliquant des vulnérabilités dans la sécurité des opérations de vote ».
Économies d’assesseurs
Plusieurs sénateurs ont récemment interrogé le gouvernement sur ce sujet. Agnès Canayer (Seine-Maritime) pointe elle aussi le problème de l’obsolescence des machines existantes : « Faute de pouvoir acquérir de nouveaux appareils, les quelques communes équipées de machines à voter continuent donc d'utiliser leurs vieux appareils datant d'avant 2008 au lieu de pouvoir les moderniser. » Par ailleurs, « ces communes sont également confrontées au problème de l'ouverture de nouveaux bureaux de vote lorsque leur population augmente au risque de voir bientôt certains territoires cohabiter avec deux systèmes de vote. »
Françoise Férat, de la Marne, ne voit pour sa part que des avantages dans la possibilité d’utiliser des machines à voter, prenant l’exemple des élections régionales et départementales de 2021 : « La tenue de deux scrutins le même jour a obligé les communes à doubler les équipes d'assesseurs de bureaux de vote. Celles-ci sont confrontées d'année en année à la baisse des volontaires pour la tenue des scrutins ; le double besoin d'assesseurs a accentué cette pénurie. Les communes qui utilisent les machines à voter ont pu mutualiser les bureaux de vote des deux scrutins et ont évité ainsi le doublement de leurs effectifs. De plus, l'établissement des résultats des scrutins en quelques minutes par l'impression d'un ticket évite le recours à des dizaines de scrutateurs. »
Ces sénateurs demandent donc au gouvernement où il en est de ses réflexions – en ayant en mémoire qu’en septembre 2017, le ministère de l’Intérieur a fait savoir qu’il était favorable non pas à la levée du moratoire mais à l’interdiction de ces machines.
Changement de ton
Le ton a semble-t-il changé. Le gouvernement, dans sa réponse aux questions des sénateurs, reconnaît, en accord avec l’Anssi (Agence nationale de sécurité des systèmes d’information) que « le maintien à long terme du moratoire est sans doute la pire des solutions », du fait de l’impossibilité de mettre à jour les machines. Il faudra donc se diriger ou bien vers une levée de celui-ci, ou bien vers une interdiction.
Il semble que ce soit plutôt vers la première solution que le gouvernement se dirige. L’Anssi ayant, en 2021, émis un avis plutôt favorable à l’utilisation de ces machines, sous réserve de pouvoir « éditer un bulletin papier pour rendre le vote vérifiable et éditable », le gouvernement ne paraît pas fermé à « un débat parlementaire quant aux évolutions possibles en la matière ».
Il a donc décidé de lancer deux groupes de travail : l’un réunira « les représentants des élus des communes utilisatrices », pour « entendre leurs propositions et identifier conjointement des solutions permettant de garantir la sincérité et la sécurité du vote ». L’autre, « de niveau technique », sera chargé « d’évaluer la faisabilité des évolutions techniques préalables à une éventuelle levée du moratoire, notamment au regard des spécificités liées aux modèles de machine à voter autorisés et à leur processus d'homologation ».
La situation se décante donc. Cette année 2023, qui ne devrait pas connaître d’élection – sauf dissolution de l’Assemblée nationale – est évidemment la plus propice pour mener ces réflexions. Tout comme, plus largement, pour trouver des réponses aux questions qui se sont posées ces dernières années du fait de l’abstention de plus en plus massive, notamment sur le vote par internet.
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