Aider les personnes sous tutelle ou curatelle à voter
Depuis la loi du 24 mars 2019, les personnes majeures sous tutelle et curatelle n’ont plus de restriction pour s’inscrire sur les listes électorales et aller voter. Toutes les décisions de justice privant ces personnes de leur droit de vote ont été supprimées. Mais pour autant, s’inscrire et voter peuvent être des étapes difficiles pour des personnes souffrant de handicaps mentaux ou de déficience intellectuelle. C’est ce que révèle une très intéressante enquête de l’association Nous aussi, soutenue par les CREAI (centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptée) et l’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis), qui proposent également des actions concrètes pour y remédier.
Ces associations ont lancé dès 2019 une enquête nationale pour mieux appréhender les difficultés auxquelles les personnes font face. Les réponses (plus de 2 200 questionnaires ont été recueillis) sont édifiantes.
Premier enseignement : la loi de mars 2019 est encore trop peu connue. Un quart des personnes concernées ne savent pas si elles ont le droit de voter ou pensent que non. Ce qui peut venir d’un manque d’information – « dans certains foyers, il n’y a aucune information sur le droit de vote » – voire d’une résistance de la famille ou des tuteurs – « je ne vote pas, mes parents ne veulent pas », raconte l’une des personnes interrogées. 42 % des répondants n’ont pas de carte d’électeur, la moitié d’entre eux parce qu’ils ne savent pas comment faire pour s’inscrire. Beaucoup disent, par exemple, tout simplement « ne pas comprendre certains termes nécessaires aux démarches », comme « justificatif de domicile ». D’autres n’ont même pas accès à leurs papiers d’identité, conservés par leur tuteur.
Une partie des répondants explique également que c’est « un manque d’envie » qui justifie le fait de ne pas s’inscrire, manque d’envie généré par « la peur » : « peur de mal faire, de ne pas savoir faire, d’être moqué ».
Ceux qui se sont inscrits ont parfois rencontré des difficultés pour le faire, en mairie, et dénoncent une attitude « parfois désagréable » du personnel en mairie, qui n’a pas le temps nécessaire pour expliquer patiemment les démarches.
Difficultés spécifiques
Au moment du vote, les difficultés peuvent aussi être grandes : comment voter ? Quoi faire dans le bureau de vote ? Qui choisir ? Ce qui peut paraître simple pour nombre de citoyens ne l’est pas lorsque l’on souffre d’une déficience intellectuelle : un quart des personnes interrogées dans cette enquête mentionnent des difficultés pour « savoir comment faire » : stress, voire panique devant la table et le grand nombre d’enveloppes, manque de personnes susceptibles d’expliquer les règles, information lacunaire même chez les responsables des bureaux de vote, qui parfois « ne savent pas si l’on peut être accompagné dans l’isoloir » …
Les répondants à l’enquête plébiscitent l’idée « d’outils et d’actions pour les soutenir dans l’accès au vote » : affiches faciles à lire dans les bureaux de vote pour expliquer quoi faire, « film qui explique comment faire pour voter », entraînement au vote. L’enquête met en lumière la nécessité de mieux former le personnel des mairies sur le handicap mental, ainsi que les personnes chargées de tenir les bureaux de vote.
« Serious game »
Pour répondre à ces difficultés, l’association Nous aussi a mis au point plusieurs outils : d’une part, un guide intitulé Le vote pour tous, rédigé en Falc (Facile à lire et à comprendre), disponible au prix de 10 € sur le site de l’association. Elle a également créé un « serious game » (jeu sérieux), disponible dès maintenant sur le site nous-aussi.fr, et bientôt sous forme d’application pour les smartphones.
Il s’agit « d’accompagner Maxime, travailleur handicapé en Esat et sous curatelle, à découvrir ses droits de citoyen électeur : comment s’inscrire sur les listes électorales, comment faire une procuration, comment pouvoir se faire accompagner dans l’isoloir… ».
Une initiative salutaire, que les maires ont tout intérêt à diffuser, tant il reste de travail à accomplir – jusque dans les communes – pour marteler l’idée que désormais, les majeurs sous tutelle ou curatelle sont bien des électeurs comme les autres.
F.L.
Télécharger le résultat de l’enquête.
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