L'accès à l'école pour tous, un droit hypothétique pour des milliers d'enfants très pauvres
Par Emmanuelle Stroesser
Il n’est aujourd’hui pas possible de savoir, même approximativement, le nombre d’enfants vivant dans des squats, bidonvilles, etc., et de ce fait exclus de l’école. C’est l’un des premiers écueils dénoncés par la députée Sandrine Mörch, auteure du rapport « Scolarisation et grande précarité : lever les obstacles pour que tous les enfants aillent à l'école » , examiné mercredi 26 janvier en commission des Affaires culturelles et éducation, de l’Assemblée nationale.
La députée (LaREM) de Haute-Garonne plaidait depuis deux ans auprès du gouvernement pour mener ce travail. Elle a obtenu du Premier ministre qu’il la missionne en juillet. Elle a remis son rapport le 22 décembre au ministre de l’Éducation nationale.
Une prise de conscience
« Ce rapport est imparfait et incomplet mais il existe enfin, pour rendre visible ces enfants et jeunes à la périphérie de nos villes et de notre système scolaire », a résumé la députée face à ses collègues.
D’autres rapports ont abordé cette question, comme en 2015 celui de Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’Éducation nationale.
La députée concède d’ailleurs que « le problème est connu des autorités et de nombreux dispositifs, étatiques et associatifs » qui « tentent de suivre ces enfants, de les ramener vers l’école et parfois de leur offrir un encadrement périscolaire » . « Certaines expérimentations obtiennent d’excellents résultats ».
Le covid-19 s’est « paradoxalement » révélé une « opportunité pour rendre ces enfants visibles ». La députée met d’ailleurs en exergue la mobilisation d’acteurs locaux comme autour d’un bidonville toulousain. « Depuis la rentrée, 47 des 48 enfants du bidonville sont inscrits à l’école primaire et 41 y sont assidus. C’est un travail d’associations et de l’Éducation nationale, du cousu main » . Cela mérite, selon elle, d’être développé.
C’est le sens des recommandations faites par la députée. Elles ne sont pas « révolutionnaires mais très accessibles pour chacun d’entre nous » .
Premières recommandations
La première priorité est donc de savoir le nombre d’enfants concernés, plus précisément que la fourchette actuelle qui peut varier de « 30 000 à 100 000 ! ». Une mission devrait donc être confié à l’Insee.
Deuxième priorité, l’application du décret précisant la liste des pièces pouvant être demandées à l’appui d’une demande d’inscription sur la liste scolaire (1) « pour qu’aucun maire ne puisse refuser l’accès à l‘école au motif qu’il habite dans un squat, un bidonville ou à la rue » . Or ce décret n’est pas appliqué, estime la députée, par méconnaissance. La députée avait milité en faveur de la simplification administrative de l’inscription à l’école. Cela avait débouché sur le décret de juin 2020. L’absence de justificatif de domicile, jusqu’ici nécessaire, étant un problème pour les familles sans domicile fixe.
Autre urgence, l’augmentation du nombre de médiateurs scolaires. « Grâce à eux, 80 % des enfants de bidonvilles sont scolarisés, quand le taux chute à 20 % quand ces médiateurs n’existent pas », met en avant l’élue. « Ils ont également un rôle structurant, qui dépasse la seule école, mais améliore aussi l’accès aux droits, aux soins… ». Le problème est qu’il n’y en a que « 36 pour tout le territoire ! » . Il en faudrait au moins 80. La Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIAHL), qui a développé ces médiations pour accompagner les enfants de bidonvilles vers l’école « estime pouvoir couvrir les besoins des 5 à 6 000 enfants » supplémentaires grâce à ces renforts.
Parmi les autres recommandations, une autre intéresse plus directement les communes : « L’amélioration de l’accès à la cantine, au périscolaire et aux transports ». « Ce sont des fondamentaux ! », a insisté la députée devant ses collègues, sans pour autant préciser davantage.
A ce titre, la DIAHL et l’Andev ont publié le livret Atout’scol le 15 décembre dernier, qui fait suite à des travaux de plusieurs mois dans le cadre d’un groupe de travail auquel a participé l’AMF. Cet outil vise à aider les collectivités à lever les freins et à rendre l’école inclusive, en particulier pour les élèves socialement défavorisés.
(1) Décret n°2020-811 du 29 juin 2020.
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