Zones de revitalisation commerciale, CDAC et équité fiscale : les préconisations du Cese pour favoriser le commerce de proximité
Alors qu’il conserve un rôle « indispensable à l'approvisionnement de la population, à la vitalité et à l'animation des territoires » et qu’il est actuellement particulièrement impacté par la crise sanitaire, comment le commerce de proximité peut-il tirer parti des évolutions à la fois numérique, environnemental et sociétal qui le bouscule depuis le début du XXIe siècle ?
C’est la question à laquelle s’est attelé le Conseil économique, social et environnemental (Cese), saisi à l’automne dernier par le Premier ministre, au moment même où une « frénésie médiatique » - « née avec le semi-confinement de novembre qui distinguait des commerces dits essentiels » de ceux qui ne l’étaient pas - a connu son paroxysme.
Explosion du taux de vacances et de l'e-commerce
L’Assemblée consultative vient ainsi de présenter, dans un avis publié en début de semaine, une série de recommandations sur le traitement de la vacance des friches commerciales, la conciliation des différentes formes de commerce, l’équité concurrentielle ou encore le commerce responsable et durable. Avec pour objectif de « permettre d'anticiper les mutations du secteur à l’horizon 2025 ».
Car, depuis une vingtaine d’années, le secteur a connu des « évolutions considérables ». La mutation numérique, tout d’abord, qui a fait d’un e-commerce balbutiant il y a encore dix ans (3 % des ventes totales du commerce en 2010) un phénomène qui a atteint la part des 13,4 % en 2020. En cette période de crise sanitaire aux effets accélérateurs, « la progression est de plus de 32 % sur la seule année 2020 pour les produits et de 27 % pour les places de marché ».
Et sur ce point, ce sont les acteurs spécialisés (Amazon, Cdiscount...) qui ont d’abord « dominé la mutation », tandis que « les grandes enseignes se sont adaptées rapidement, combinant vente traditionnelle, retrait en magasin et vente en ligne », constatent les auteurs du rapport, pointant en revanche, « l’appropriation inégale et insuffisante » du numérique par les commerçants indépendants et artisans.
En parallèle, d’autres évolutions majeures ont bouleversé le commerce de proximité : la fragilisation du commerce de centre-ville et de centre-bourg, l'essor du commerce de périphérie, le développement des réseaux ou encore la multiplication des galeries marchandes dans les territoires ruraux. Et cela avec un taux de vacances qui s'est de manière générale « beaucoup accru ». Ainsi, entre 2001 et 2018, le taux de vacances des points de vente dans les parcs d'activités commerciales passaient de 0,7 % à 7,5 % tandis que celui dans les centres commerciaux de périphérie est passé de 4,8 % à 11,6 %. Un phénomène qui se distingue selon le type d'espaces et le type de commerces : « Dans les rues des villes et bourgs, pour schématiser, le taux de vacance est d'autant plus important que la ville est petite. Dans les galeries marchandes, la vacance existe surtout dans les villes moyennes. En ce qui concerne les parcs d'activités commercia[les], la vacance décroît avec la taille de la zone de chalandise », expliquent les rapporteurs.
Aides renforcées et mécanisme compensatoire
Pour y faire face, ces derniers font 18 préconisations. Afin de « freiner » l'augmentation simultanée des surfaces commerciales en périphérie et de la vacance commerciale en centre-ville, ils proposent de « faciliter l’engagement des collectivités locales » en renforçant les aides financières spécifiques pour les communes de moins de 10 000 habitants qui s'engagent dans des opérations de restructuration et de réhabilitation, en facilitant le droit de préemption ou bien en accélérant le déploiement d’infrastructures urbaines concourant aux transitions écologique et numérique du commerce et de l'artisanat de proximité (mobilités douces, piétonisation, généralisation des bornes de recharges électrique, stationnement gratuit de courte durée, stationnement pour les livraisons…)
L’assemblée consultative suggère également d’introduire « obligatoirement » parmi les critères en commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) « les incidences économiques, sociales (emplois notamment) et environnementales » des projets d’installation d’activités commerciales et d’« instaurer un mécanisme de compensation » financière à destination des collectivités « par le porteur de projet dès lors qu’il existe dans la zone de chalandise des friches qu’il ne contribue pas à résorber ».
Zones de revitalisation commerciale
Le Cese préconise, en parallèle, « le développement d'outils incitatifs facilitant la restructuration et la réhabilitation de locaux commerciaux et de locaux artisanaux ». Pour cela, ils recommandent la création de zones de revitalisation commerciale à l'échelle de bassins de vie de proximité « ouvrant des droits spécifiques aux investisseurs privés et publics portant des projets de développement de commerces de proximité (sur le modèle des zones franches) », l’instauration de « leviers fiscaux incitatifs » pour certains investisseurs privés, ainsi que la promotion de Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) et de Sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC), qui permettaient aux acteurs publics et privés de « travailler ensemble » et « ouvrent la possibilité d'une ingénierie collective ».
Equité fiscale : faire évoluer la Tascom
Afin de contribuer à la mise en place d’une fiscalité « plus équitable » entre le commerce physique et le commerce en ligne, le Cese souhaiterait également faire « évoluer la Tascom » via une taxation spécifique sur les entrepôts (prise en compte des dynamiques « drive » et retrait en magasin ou click & collect) et organiser des Assises du commerce afin de « prendre en compte les conséquences de la numérisation du commerce » et de « corriger les déséquilibres fiscaux existants […] notamment par rapport aux GAFA ». Il propose aussi de créer une semaine du commerce de proximité afin d’améliorer sa « visibilité ».
Concernant la transition écologique, les rapporteurs de l’avis promeuvent, entre autres, « les mobilités décarbonées au centre des villes ». Pour ce qui est de la formation des salariés et des indépendants du commerce, ils réclament « un financement spécifique supplémentaire » pour les entreprises de moins de 50 salariés et la création de groupements d’employeurs de centre-ville pour « développer l’emploi de qualité et remplacer les personnels en formation ».
Reste que, selon le Cese, si le commerce et l'artisanat commercial de proximité ont « beaucoup à gagner à ces transitions » écologique et numérique, « ils n’y parviendront qu’à la condition d’une mobilisation de grande ampleur de tous les acteurs à leur côté - Etat, collectivités, consulaires, filières, partenaires sociaux... »
Auditionnés, le maire d'Arras et représentant de l’AMF, Frédéric Leturque, ainsi que d’autres maires ont souligné, pour leur part, « le caractère indispensable d'une politique globale de redynamisation de l'attractivité des centres villes et centres-bourgs intégrant de manière décloisonnée l'ensemble des composantes (urbanisme, logement, présence des activités économiques, sociales et des services publics, culture, loisirs, etc.) pour y maintenir et y développer la présence des commerce ».
A.W.
Télécharger l'avis complet du Cese.
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