Zéro artificialisation nette : le débat (re)commence aujourd'hui au Sénat
Par Caroline Reinhart
Le ZAN passionne et divise – encore. Alors qu’une proposition de loi concurrente des députés Lionel Causse et Bastien Marchive a été déposée au bureau de l’Assemblée nationale le 14 février, la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi du Sénat a validé, le 8 mars, les grandes orientations du texte et ses principaux dispositifs, « en cohérence avec les grands principes défendus par son rapporteur (Jean-Baptiste Blanc) : concilier la sobriété foncière et le développement des territoires, permettre la différenciation, viser la simplification et assurer le dialogue entre les collectivités ». La promesse du ministre Christophe Béchu d’en faire une priorité par rapport au texte des députés a trouvé une première traduction : le gouvernement a accepté d’engager la procédure accélérée sur le texte sénatorial, qui pourrait ainsi revenir au Sénat « fin juin ou début juillet ».
Calendrier et gouvernance
Tenant compte des multiples auditions organisées par la mission de contrôle, le texte de la commission s’est enrichi au fil des débats. Prévoyant l’allongement d’un an du délai de modification des Sraddet, l’article 1er de la proposition de loi a été précisé par des amendements du rapporteur Jean-Baptiste Blanc. Pour l’évolution des SCoT et des PLU en application du « ZAN », le texte prévoit notamment de mener simultanément la consultation des personnes publiques associées (PPA) et du public.
Répondant à une demande récurrente de l’AMF, le texte permet en outre aux élus locaux de saisir la commission départementale de conciliation en matière d’urbanisme, en cas de difficultés autour de la modification de leurs documents d’urbanisme pour y intégrer le ZAN. Autre mesure très attendue : la proposition de loi prévoit de restaurer un rapport de prise en compte plutôt que de compatibilité, entre les documents régionaux et les documents d’urbanisme locaux – dans l’esprit de la loi Climat, « dévoyé » par ses décrets d’application.
Sur la gouvernance, le texte sénatorial conserve son dispositif de « conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols », en faisant officiellement du président de l’organe exécutif de la région le président de cette instance.
Grands projets : l’État doit prendre sa part
Quant aux grands projets, sujet très discuté, le texte soumis au débat retient que « l’artificialisation des sols ou la consommation d’Enaf, résultant de projets de construction, d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements d’ampleur nationale ou européenne et qui présentent un intérêt général majeur, n’est pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces (…). ». Sont considérés d’ampleur nationale ou européenne les projets « à maîtrise d’ouvrage directe ou déléguée de l’État ; relevant d’une concession de service public de l’État ; d’implantation d’unités industrielles valorisant l’utilisation d’une ressource naturelle renouvelable, concourant à la transition énergétique ou relevant de l’indépendance nationale ; d’agrandissement ou de création d’infrastructures ou d’équipements interrégionaux, nationaux ou européens. ». Le texte retient par ailleurs que l’État doit informer les collectivités sur l’artificialisation résultant des projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur, réalisés au cours de la décennie 2021-2031, mais aussi de la décennie passée 2011-2021. Autre complément important : les projets d’ampleur régionale seront comptabilisés de manière séparée.
Sur la territorialisation des objectifs ZAN, le texte prévoit désormais qu’« il est tenu compte des efforts de réduction de la consommation d’Enaf déjà réalisés par les collectivités compétentes en matière d’urbanisme au cours des vingt dernières années et traduits au sein de leurs documents d’urbanisme. À compter de 2031 et pour chaque tranche de dix années, il est également tenu compte de l’effort de réduction de l’artificialisation constaté au cours de la tranche de dix années précédentes. ». Objectif : mieux prendre en compte, et de manière équivalente, les efforts de réduction de la consommation d’Enaf avant 2031 et les efforts de réduction de l’artificialisation fournis à compter de 2031, dans la déclinaison des objectifs par les SCoT et les Sraddet.
Développement territorial
Autre disposition centrale du texte, l’instauration d’un « droit à l’hectare » en guise de garantie rurale. Cette mesure a suscité « quelques malentendus », selon Jean-Baptiste Blanc, qui s’est lancé, lors de la présentation de son rapport le 8 mars, dans un plaidoyer étayé pour contrer la proposition de loi portée par les députés, prévoyant un droit minimum de 1 % de la surface urbanisée. « Non, ce n’est pas une dérogation au ZAN. (…). Non, il ne s’agit pas de limiter à un ha les droits d’une commune ni d’obliger chaque commune à consommer un ha. Il s’agit d’un plancher qui sera utile seulement aux communes auxquelles aucun droit d’artificialisation n’aurait été accordé (…). Non, cette mesure ne réduit pas de manière drastique l’enveloppe d’artificialisation de la région ou du Scot (…). ».
Le texte prévoit également l’instauration d’une « part réservée au développement territorial » à définir dans le document d’orientation et d’objectifs du Scot, et dans les PLUi. Objectif : « réserver une partie de l’artificialisation ou de la consommation d’Enaf permise (…) à des projets qui revêtent un intérêt supracommunal, dont la réalisation conduirait à dépasser l’artificialisation autorisée pour la commune ou l’EPCI d’implantation (…) ».
Sur la nomenclature des sols, fixée par un décret d’avril 2022 – en cours de réécriture –, la proposition de loi du Sénat prévoit de modifier la qualification des surfaces couvertes par une végétation herbacée pour les considérer comme non artificialisées. Le texte a été précisé pour « exclure les pelouses situées sur les parcelles affectées à une activité secondaire ou tertiaire des surfaces considérées comme non artificialisées », et pour « inclure les surfaces herbacées affectées à des infrastructures de transport ». Autre ajout : le texte considère comme artificialisée « une surface dont l’état de pollution des sols est incompatible en l’état avec un usage résidentiel, récréatif ou agricole ».
Sursis à statuer, « coups partis » et chantiers
Enfin, la commission a ajouté des précisions sur le sursis à statuer spécifique au ZAN. Ce nouvel outil juridique pourra être utilisé « jusqu’à la date limite fixée pour la modification des documents d’urbanisme locaux intégrant les objectifs du ZAN, c’est-à-dire le 22 août 2028 ». Sa durée maximale est étendue à quatre ans – une demande des élus locaux pour couvrir la période de transition.
Enfin, l’article 12 bis du texte traite des projets décidés avant l’instauration du ZAN – les fameux « coups partis ». Il prévoit notamment que l’artificialisation résultant des projets réalisés au sein de ZAC, de GOU, mais aussi d’opérations d’intérêt national (OIN) décidées avant le 22 août 2021 ne soit pas imputée à la période 2021-2031, durant laquelle les projets sortiront effectivement de terre, mais à la période 2011-2021, durant laquelle ils ont été décidés.
Correction de bon sens de la loi Climat, l’article 13 de la PPL « retranche » de la consommation d’Enaf sur la tranche 2021-2031, « les surfaces des espaces urbanisés ayant fait l’objet d’actions de renaturation ». Et tient compte de la question des chantiers : « à compter de 2031, les surfaces non artificialisées utilisées temporairement pour les besoins de travaux ou d’aménagements puis restituées, dans les conditions d’origine, à la même catégorie de surface non artificialisée ne sont pas comptabilisées comme des surfaces artificialisées ».
Accéder au dossier législatif.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
La Cour des comptes demande la relance du mouvement des communes nouvelles
L'Élysée discute de l'avenir des institutions... sans l'AMF
Un décret détaille les conséquences de la réforme des taxes d'urbanisme