Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 10 octobre 2024
ZAN

ZAN : des évolutions à l'horizon

Devant la complexité d'application du « zéro artificialisation nette » sur le terrain, le groupe de suivi du Sénat propose déjà un réaménagement. Ses premières propositions, présentées le 9 octobre, vont dans le même sens que celles de l'AMF rendues publiques en juillet dernier.

Par Bénédicte Rallu

[Article initialement publié sur le site Maires de France] 

On le sait, le zéro artificialisation nette (ZAN) irrite ! Il irrite tous les acteurs concernés : élus locaux, aménageurs, opérateurs… Le groupe de travail du Sénat sur le suivi des politiques de réduction de l’artificialisation des sols (lois Climat et Résilience de 2021 et ZAN 2 de 2023), qui a présenté ses premières conclusions le 9 octobre, le constate : il y a des « blocages » , une méthode « centralisatrice » , « arithmétique », « injuste » , ont expliqué Guislain Cambier (Nord) et Jean-Baptiste Blanc (Vaucluse), respectivement président et rapporteur du groupe. La consultation en ligne menée auprès des élus locaux (1 400 réponses) le confirme, les quelque 70 personnes auditionnées pendant six mois également.

« Se mettre à hauteur des maires » 

Seul consensus : respecter l’objectif de sobriété foncière. Pour le reste, les sénateurs proposent de « desserrer l’étau »  réglementaire et législatif, de revoir la méthode, « qui ne fonctionne pas ». Absence de concertation avec les territoires, non prise en compte des réalités et dynamiques locales, injonctions contradictoires, État aux abonnés absents dans l’accompagnement des collectivités, État incapable de définir les grands projets exemptés de comptage ZAN, qualité des sols oubliée … La liste des récriminations est longue.

Les sénateurs préconisent de « se mettre à hauteur des maires. L’État doit prendre acte des diversités locales. Il faut partir des besoins des territoires » , insistent Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc. Par souci de stabilité normative, les sénateurs veulent d’abord « mettre la pression sur l’État » , afin qu’il accompagne enfin les collectivités en financement et en ingénierie.

Mieux accompagner les collectivités

Ils appellent à ce que le contrôle de légalité des documents d’urbanisme fasse preuve d’une « tolérance de 20 % de dépassement de l’enveloppe d’artificialisation mentionnée dans la circulaire Castex du 31 janvier 2024 ». Le groupe de travail rappelle que « cette marge de tolérance doit s’appliquer, aux termes de la circulaire, lorsque des cibles territorialisées d’artificialisation sont fixées dans le fascicule du Sraddet (rapport de compatibilité). Si tel n’est pas le cas, elle doit trouver à s’appliquer a fortiori aux objectifs inscrits dans le rapport, conformément au rapport de prise en compte ».

Le soutien aux élus devrait aussi passer par la formation des élus par les préfectures, la nomination de référents ZAN dans les services de l’État, la mise en place de guichets uniques auxquels pourraient s’adresser les élus afin d’obtenir un éclairage sur des problèmes liés à l’artificialisation des sols à l’occasion de la modification de document d’urbanisme ou de toute opération d’aménagement, des foires aux question, etc.

Revoir le financement et la fiscalité

Une autre piste consiste à revoir le financement du ZAN et la fiscalité locale. Une mission d’information spécifique travaille depuis mars dernier sur le financement et rendra ses conclusions dans « deux à trois semaines » . Quant à la fiscalité locale, elle « a l’effet pervers »  d’être « par essence artificialisante », assurent les sénateurs du groupe de travail. « Il faut impérativement que le coût d’artificialisation d’un sol naturel soit plus élevé que le coût de recyclage d’un sol déjà « artificialisé » » , intiment-ils.

Temporairement, il serait aussi utile « de sortir », sous conditions, l’industrialisation et le logement social des objectifs ZAN, pour résoudre ces deux crises. La levée d’une telle dérogation pourrait par exemple être fixée à 2031.

Révision plus structurelle pour l’après-2031

Pour l’après 2031, les sénateurs imaginent des évolutions plus structurelles du cadre législatif et réglementaire du ZAN. Ils veulent ainsi réinterroger l’étape de la diminution de moitié de consommation des espaces à échéance de 2031 en ouvrant tout le champ des possibles : adaptation, report de l’échéance, suppression.

Ils proposent également de continuer à calculer les efforts de sobriété foncière en Enaf (espaces naturels, agricoles et forestiers) après 2031 car cela aurait le mérite de ne pas inclure les activités agricoles. Bien sûr, des garde-fous devraient être mis en place pour « ne pas bétonniser nos campagnes » . Les Enaf sont déjà une notion « complexe »  à intégrer, il est inutile de rechanger de base de calcul pour l’après 2031, estiment les sénateurs du groupe de travail.

Faciliter la vie des maires

Toujours dans l’idée de faciliter la vie des maires, les sénateurs du groupe de travail souhaitent inverser la logique du ZAN pour qu’elle devienne « ascendante »  et « concertée » . Ils s’appuient pour cela sur l’étude ZAN de l’AMF de juillet 2024 et reprennent à leur compte l’idée de l’association « de procéder par évaluation préalable des capacités des communes et intercommunalités de contribuer à l’atteinte d’un objectif national, compte tenu de leurs contraintes propres ».

Dans les semaines à venir, les sénateurs travailleront sur de nouveaux critères de territorialisation (partie réglementaire du code général des collectivités territoriales) car ceux d’aujourd’hui « sont diversement mis en œuvre » . Et lorsque les collectivités s’estiment lésées, elles n’ont que le contentieux pour contester. Ces nouveaux critères devront mieux prendre en compte les spécificités des territoires (montagne, littoral…), les différentiels de densité ou des dynamiques de peuplement et d’activité. 

Vers un nouveau texte de loi

Les membres du groupe de travail de suivi ZAN poursuivent les travaux et attendent évidemment beaucoup de la mission d’information sur le financement. Mais l’objectif est clair : il s’agit de revoir une troisième fois la législation en la matière via une proposition de loi. Le Premier ministre semble ouvert sur le sujet puisqu’il a indiqué dans son discours de politique générale vouloir « faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la réglementation zéro artificialisation nette pour répondre aux besoins essentiels de l'industrie et du logement ».

Du côté des maires et présidents d’intercommunalités, l’AMF travaille ardemment le sujet, a rédigé des propositions et veut, elle aussi, « une autre loi ». L’association s’accorde sur l’objectif de 2050 mais appelle également à « changer totalement de méthode » . La Chambre des territoires et l’AMF sont d’accord sur l’essentiel.

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