L'artificialisation des sols baisse légèrement, mais reste encore élevée
Par A.W.
Une consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers en « légère baisse » qui doit être interprétée avec « prudence ». C’est la conclusion du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cérema) à l’occasion de la publication de son dernier bilan de la consommation foncière en France entre le 1er janvier 2009 et le 1er janvier 2023.
Aucun impact de la crise sanitaire « à ce stade »
L’établissement public, qui dépend du ministère de la transition écologique, révèle que 20 276 hectares ont été artificialisés en 2022, en métropole et dans les départements d’outre-mer, contre 21 011 l’année précédente.
Une légère baisse qui marque « la fin de la tendance à la hausse depuis 2019 », année qui a connu le point le plus bas jamais atteint avec près de 19 500 hectares consommés, alors que le rythme de consommation d'espaces avait jusque-là connu une tendance à la baisse depuis 2011 et ses plus de 31 000 hectares artificialisés.
Ce nouvel infléchissement entamé en 2022 est, cependant, à « interpréter avec prudence », tempèrent les experts du Cérema qui notent que « cette baisse reste modeste » et que « la consommation d’espaces en 2022 reste du même ordre de grandeur que les années précédentes ». Ceux-ci préfèrent ainsi davantage retenir « l’absence de reprise de la consommation d’espaces, l’année 2021 restant sur un niveau inférieur à la période 2016-2018 » situé autour de 22 000 hectares.
De manière plutôt surprenante, ils constatent d’ailleurs que la crise sanitaire n’a étonnament pas eu d’effet sur l’artificialisation des sols. Alors que celle-ci aurait « pu laisser croire à une forte diminution de la consommation d’espaces », ses incidences demeurent finalement « à ce stade peu visibles », constatent les auteurs de l’analyse, qui présagent toutefois que les perturbations liées à la crise « risquent d’avoir des conséquences plus étalées dans le temps ».
Si « les données de consommation d’espaces reflètent le changement de qualification fiscale du terrain, qui intervient lors du commencement des travaux », l’organisme souligne qu’il « existe un décalage temporel de plusieurs années entre la décision d’aménager et la réalisation effective des logements et activités, après viabilisation des terrains ».
Les communes rurales davantage artificialisées
Dans le détail, 63 % des terres artificialisées ont été destinées à l'habitat en 2022, 23 % à l'activité économique et 2 % de mixte. En outre, plus de 7 % de ces terres sont désormais destinées aux infrastructures.
Si les surfaces autorisées pour le logement ont « retrouvé en 2021 leur niveau d'avant Covid » et restent « du même ordre » pour l'année 2022, avec 38,5 millions de mètres carrés consommés, celles autorisés pour l’activité économique sont en hausse avec 38,6 millions de m² en 2022 contre 36,3 en 2021.
Les experts se félicitent, toutefois, d’observer « une tendance de fond à l’amélioration de l’efficacité de la construction ». En effet, « la France consomme de moins en moins d’espaces par rapport au volume de constructions, ce qui reflète les efforts croissants de recyclage et de densification urbaine ».
Résultat, « 1 hectare de terrain permet de construire 2 538 m² de bâti en 2021, contre 1 950 m² en 2011, soit + 30 % en 10 ans », indique l’organisme.
Reste que la consommation d’espaces est « majoritairement » située dans les communes rurales, qui accueillent « 32,7 % de la population pour 68 % de la consommation d’espaces nationale » quand les communes denses (38 % de la population) ne représentent que 7 % de cette consommation.
Au sein des communes rurales, les bourgs ruraux représentent 25,8 % de la consommation d’espaces, les communes à habitat dispersé 33 % et les communes à habitat très dispersé 6,9 %.
La carte de la consommation d'espace en France métropolitaine pour la période 2011-2023 fait également apparaître que les régions situées que les côtes atlantique et méditerranéenne ont été bien plus consommatrices d’espace par rapport à celles situées au nord-est du pays.
Enfin, les experts notent que 61,38 % de la consommation d’espaces se fait dans les communes dites « détendues ». « Au-delà de la trajectoire nationale de sobriété foncière, la question de la répartition territoriale est donc primordiale », soulignent-ils.
Des projets « hors ZAN » qui se multiplient
Dans ce contexte, l’impact du « zéro artificialisation nette » (ZAN) semble donc, pour l'heure, très modeste.
Alors que la loi Climat et résilience a établi un objectif de réduction par deux de la consommation foncière d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020 (l’objectif étant de passer de 250 000 hectares à 125 000 hectares, avant d’atteindre une artificialisation nulle en 2050), le défi semble encore particulièrement ardu à réaliser au regard de ces dernières données.
D’autant que des exceptions à la règle pourraient bien se démultiplier rapidement. Pour résoudre le casse-tête de la lutte contre l’artificialisation des sols sans remettre en cause les grands projets industriels ou d’infrastructures de transport, l’idée d’un « forfait national » a ainsi été élaborée afin que l’État puisse implanter des infrastructures sans grignoter le quota des régions concernées.
Le ministère de la Transition écologique a ainsi présenté, le mois dernier, une première liste des « grands projets » qui seront comptabilisés à part dans le décompte du ZAN en consacrant une surface totale de 12 500 hectares réservée à ces « grands projets d’envergure nationale ou européenne » (et ne sera pas décomptée aux régions).
Seulement le gouvernement a déjà réservé un total de 11 900 hectares pour les 167 premiers projets qu’il a sélectionnés. Or une seconde liste de 257 projets, bien moins précise (elle ne fournit pas leur surface) a également été publiée dans la foulée.
Le forfait national de 12 500 hectares risque donc de ne pas suffire puisqu’il ne laisserait que 600 hectares pour l’ensemble des 257 projets restants. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, l’a d’ailleurs confirmé : « Je l'ai toujours dit, le forfait de 12 500 hectares pourra être dépassé. Il est évolutif, et sera remis à jour chaque année pour intégrer les nouveaux projets. »
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