Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 24 juillet 2024
ZAN

L'AMF demande l'arrêt de certaines obligations liées au ZAN et un changement de méthode

L'AMF publie aujourd'hui les résultats de l'enquête qu'elle a réalisée au printemps sur le ressenti des élus par rapport au ZAN (zéro artificialisation nette). Enquête qui fait apparaître que de nombreux élus sont « désorientés », en attente de plus d'informations et « de cohérence ». 

Par Franck Lemarc

Depuis « l’invention » du ZAN dans la loi Climat et résilience du 22 août 2021, l’AMF avertit que la méthode choisie par le législateur rendra l’application de ce dispositif particulièrement difficile, voire impossible : injonctions venues d’en haut, uniformité des critères et des objectifs, sans tenir suffisamment compte des spécificités locales… Si les élus, d’après l’AMF, partagent « unanimement »  l’objectif de sobriété foncière, « il serait contreproductif que la mise en œuvre de cette réglementation se concrétise, in fine, par une réglementation descendante essentiellement arithmétique et dans des délais particulièrement contraints ». 

Alors que la loi a évolué au fil de nouveaux textes législatifs et réglementaires, l’AMF a voulu donner la parole aux élus sur « les réelles difficultés de mise en œuvre au niveau local », afin d’identifier de nouvelles pistes d’amélioration. Elle a donc conduit, entre mars et mai, une enquête qui a recueilli plus de 4 700 réponses. 

Points de blocage

Premier enseignement de l’enquête : presque trois ans après la loi, un tiers des élus s’estime encore insuffisamment informé à la fois sur le dispositif lui-même et sur les délais en vigueur. Quant à ceux qui ont bien intégré ces délais, ils les estiment majoritairement « trop courts », vu le coût et la complexité des procédures : plus de 52 % des répondants « trouvent insuffisants les délais d’évolution des documents d’urbanisme ». 

Le « décret nomenclature », qui donne la définition de ce qu’est un sol artificialisé, n’est pas connu par plus de 80 % des élus ayant répondu à l’enquête. 

Par ailleurs, l’AMF note que « l’association des communes et intercommunalités par les régions est encore insuffisante ». Il est à noter, par exemple, qu’un tiers des répondants ignore si l’adaptation du schéma régional (Sraddet, Padduc, etc.) a déjà commencé, ou non, sur leur territoire. La grande majorité des élus (63 %) ne connaissent pas leurs représentants dans les conférences régionales de la politique de lutte contre l’artificialisation des sols, et 76 % ne s’estiment « pas associés »  aux travaux de cette conférence.

Il existe par ailleurs une certaine « confusion »  liée aux « différences d’avancement dans l’intégration de la trajectoire ZAN »  dans les différents documents d’urbanisme et de planification. 

À noter aussi une certaine méconnaissance des nouveaux outils créés après la loi Climat et résilience pour donner de la souplesse au dispositif. Une écrasante majorité des élus (86 %) n’utilisent pas les outils créés par la loi du 20 juillet 2023, notamment le « sursis à statuer ZAN ». 

De nombreux « points de blocage »  ont été identifiés par les élus dans l’enquête : modalités de décompte de la garantie communale d’un hectare, prise en compte des « efforts passés », « modalités de définition des projets susceptibles d’être mutualisés à l’échelle intercommunale », modalités de décompte des « coups partis », c’est-à-dire des projets lancés avant l’entrée en vigueur de la loi… 

Le manque d’ingénierie, notamment dans les plus petites communes, est évidemment un facteur aggravant largement reconnu. 

Propositions

Les élus qui ont répondu à l’étude ont fait un certain nombre de propositions pour « redonner de la cohérence au dispositif ». Avec, avant tout, un besoin de « clarification ». Beaucoup constatent que les objectifs du ZAN restent incompris de la population et estiment que le dispositif est « défavorable aux communes, notamment rurales ». Des contradictions sont constatées, comme « l’incohérence entre l’objectif ZAN et le développement des installations d’énergies renouvelables bénéficiant de dérogations ». Comme le défend l’AMF depuis le début, beaucoup d’élus jugent qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, et que le ZAN ne pourra être réalisé sans avoir, d’abord, réglé la question de la régulation du prix du foncier : « Il faut tout d’abord traiter la problématique des coûts liés au renouvellement urbain en secteur attractif qui ne sera plus équilibré par des opérations en extension urbaine. » 

Les élus souhaitent « un assouplissement de la mise en œuvre de la trajectoire dans les documents d’urbanisme », l’échéance de 2031 étant souvent vue comme intenable et « incompatible avec l’accueil d’opérations d’une certaine ampleur ». Enfin, ils souhaitent que l’État (et singulièrement les préfets) se mette davantage dans une posture « d’accompagnement »  plutôt que de sanction. 

L’AMF conclut de cette enquête qu’il est nécessaire de « revoir la méthode », et demande qu’un « temps de pause »  soit décrété « pour redéfinir certaines modalités opératoires ». Cette « pause »  pourrait concerner, par exemple, l’obligation de rédiger un rapport triennal dont la première échéance tombe… fin août 2024. De même, « l’échéance du 22 novembre 2024 pour permettre l’intégration de l’objectif ZAN dans les schémas régionaux d’aménagement ne (permet) pas aux régions de satisfaire le besoin d’information »  des élus. 

L’association pose également la question de la pertinence de l’échéance 2031 pour l’intégration du ZAN dans les documents d’urbanisme, « notamment au regard de l’ensemble des dispositifs dérogatoires entrés en vigueur depuis 2023 (grands projets d’envergure nationale et européenne, photovoltaïque, industrie etc.) ». 

Il faudra ensuite « formuler des pistes d’amélioration du dispositif », qui devront notamment « permettre d’assurer à la fois une équité territoriale entre les zones urbaines et plus rurales, en matière de développement, d’accès au logement et à l’emploi, mais également de contribuer à l’adhésion des habitants à de nouvelles formes urbaines inévitablement plus denses ». 

D’ici là, comme on peut le lire dans le communiqué que l’AMF a publié à l’occasion de cette enquête, « le Bureau de l’AMF demande l’arrêt des obligations issues du dispositif qui ne pourront être respectées dans les délais impartis, ainsi que la redéfinition d’une méthode rendant le dispositif plus cohérent sur les objectifs poursuivis et plus proche des dynamiques et des besoins locaux ». L’association espère que ses travaux permettront d’alimenter un débat parlementaire qui pourrait aboutir à de nouveaux aménagements de la loi Climat et résilience… quand, du moins, le Parlement aura repris ses travaux. 

Retrouvez l'enquête sur le site de l'AMF.

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