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Édition du vendredi 19 janvier 2024
ZAN

ZAN : les sénateurs relayent les inquiétudes des maires

Un débat a eu lieu au Sénat, hier, sur le ZAN, en présence du ministre de la Cohésion des territoires et de la Transition écologique, Christophe Béchu. Ce débat, s'il a permis de poser beaucoup de questions, n'a en revanche pas donné lieu à beaucoup de réponses. 

Par Franck Lemarc

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C’est à l’initiative de la sénatrice communiste de la Loire, Cécile Cukierman, que ce débat sur la mise en application du ZAN a été organisé. La sénatrice, comme beaucoup de ses collègues, a rappelé que cette question préoccupe énormément les maires, notant que « le point d'information sur le sujet au Congrès des maires a fait salle comble »  et que les élus « restent perplexes face à la complexité du dispositif ». 

Ingénierie, finances, garantie rurale

Des sénateurs de tous les bancs se sont succédé pour interpeller le ministre, posant un grand nombre de questions sur l’application du ZAN – et beaucoup expliquant que, lors des cérémonies de vœux qui ont lieu en ce moment dans les communes, la question du ZAN est au premier rang des préoccupations et des inquiétudes des maires. 

Le manque d’ingénierie, en particulier dans les petites communes, est une préoccupation majeure : « Ne laissons pas croire qu'il y aurait une France à deux vitesses : une France urbaine bien dotée en ingénierie et une France qui en serait privée », a demandé Cécile Cukierman. « Comment le gouvernement entend-il développer les capacités d'ingénierie au coeur des collectivités territoriales, pour qu'aucun territoire ne soit laissé pour compte ? », a également demandé Sébastien Fagnen (Manche). 

Les sénateurs ont salué le fait que Christophe Béchu, dès sa nomination, ait institué une forme de moratoire sur le ZAN, en demandant aux préfets de « lever les crayons »  et récrivant les décrets initialement publiés sur le sujet. « Les trois décrets de décembre dernier sur la territorialisation des objectifs, la classification des zones artificialisées et la commission de conciliation marquent des progrès », a reconnu Cécile Cukierman, mais « les élus attendent encore des réponses ». « Quel sera le calendrier de la clause de revoyure et sera-t-elle territorialisée ? La nomenclature des surfaces artificialisées sera-t-elle révisée – je pense aux abords des exploitations agricoles, dont le statut reste flou ? Le droit à l'hectare sera-t-il sanctuarisé ? », a demandé Bernard Pillefer (Loir-et-Cher). Pour Christian Bilhac (Hérault), « pas une une semaine ne se passe sans qu'une difficulté liée au ZAN soit évoquée. Comment l'appliquer sur des territoires aussi divers que des stations de montagne, un littoral et des communes rurales ? La ruralité, une fois de plus, a été oubliée dans la conception du dispositif ». 

Plusieurs sénateurs ont abordé les questions financières : « Qui va mettre la main au portefeuille ? », a résumé Bernard Pillefer. « Il (faut) une incitation fiscale, car la taxe sur le foncier bâti ou la cotisation foncière des entreprises n'incitent pas à la sobriété foncière, et la très faible rentabilité de la fiscalité sur le foncier non bâti pousse à l'artificialisation », a insisté Christian Redon-Sarrazy (Haute-Vienne). 

La « garantie rurale »  permise par la loi du 20 juillet 2023 pose également question aux sénateurs. « Des zones d’ombre subsistent (…) sur la garantie rurale et sa mutualisation au niveau de l’EPCI », a plaidé Guislain Cambier (Nord). « Les plus petites communes ne doivent pas être à la merci d'une contractualisation par les communes plus importantes. L'État ne doit pas non plus saisir cette occasion pour obliger des communes à rejoindre une intercommunalité. La libre administration ne doit pas être une fiction ! ». 

Enfin, la question des bâtiments agricoles a été posée par plusieurs sénateurs : doivent-ils ou pas être intégrés dans les surfaces artificialisées ? Le Sénat avait tenté de les en exclure, mais cette disposition a disparu de la loi du 20 juillet 2023. « Il faut éviter de stigmatiser les agriculteurs et de bloquer le développement des zones rurales, a lancé au ministre Jean-Claude Anglars (Aveyron). Exclurez-vous les bâtiments agricoles des surfaces artificialisées ? » 

Publication des aides

Face à cette avalanche d’interrogations, le ministre Christophe Béchu n’a pas apporté beaucoup de réponses. Il a défendu la philosophie générale du texte, listant les avantages de la lutte contre l’artificialisation pour la biodiversité, l’eau, la souveraineté alimentaire. Ce qui n’est pas exactement le sujet, dans la mesure où aucun sénateur n’a nié la nécessité de lutter contre l’artificialisation. 

Christophe Béchu a néanmoins apporté quelques éléments de réponse notamment sur les financements. « En 2023, 1 225 hectares de friches ont bénéficié du fonds vert, et 685 hectares ont été renaturés, pour 479 millions d'euros. Deux mille hectares, c'est 20 % de plus que ce que nous prévoyions, sachant que le fonds vert passe de 2 milliards à 2,5 milliards d'euros, avec une massification de l'effort sur les friches. Sur l'ingénierie, les 250 millions d'euros du PCAET seront finalisés et un pacte entre toutes les agences – Ademe, ANCT, Cerema  – sera conclu ». Le ministre s’est engagé à « publier les aides que l’État octroie ». 

Sur la garantie rurale, le ministre a reconnu des difficultés liées au « manque de recul » : « Nous avons deux difficultés : les territoires avec peu de communes, et d'autres, comme la Normandie, qui en ont tellement que la somme des garanties pose problème ». Il a également nié que le dispositif soit défavorable au monde agricole, affirmant au contraire que « c’est un texte pour le monde agricole, première victime de l’étalement urbain ». 

Les sénateurs n’ont pas reçu d’autres réponses à leurs questions. Il faut donc maintenant attendre la publication de nouveaux textes réglementaires, dont le décret sur la garantie rurale, pour en savoir plus. L’organisatrice de ce débat, Cécile Cukierman, a ainsi conclu les échanges : « La loi irrite parce qu'elle est le paroxysme d'une multiplication de difficultés, de normes, d'un État pas aussi présent territorialement qu'il le devrait. Il faut ‘’désagencifier’’ au profit de l'État territorial, dans nos préfectures et sous-préfectures. Reconstruire et aménager, c'est se confronter à la réalité des friches, du patrimoine, de l'accessibilité du foncier et à la volonté, unanime, des élus de voir leur population bien vivre sur leur territoire aujourd'hui, et d'accueillir de nouvelles populations pour bien y vivre demain. » 

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