Maire-info
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Édition du jeudi 12 juin 2025
Equipement et travaux

Vols de câbles en cuivre dans les communes : le ministère de l'Intérieur s'organise pour endiguer le phénomène

Depuis plusieurs années, une recrudescence des vols de cuivre est constatée. Les câbles des réseaux téléphoniques et des candélabres de l'éclairage public sont ciblés par les voleurs. Les forces de sécurité s'organisent pour lutter contre ces exactions.

Par Lucile Bonnin

En peu de temps, le cuivre est devenu le nouvel or noir de ces dernières années. En 2020, le prix d’une tonne de cuivre était de 5 700 euros avant de passer à 8 200 euros en 2024 pour atteindre des sommets en 2025 où la tonne « se revend environ 10 000 euros et encore plus au marché noir », comme le souligne la députée du Puy-de-Dôme, Delphine Lingemann, à l’occasion d’une question écrite au gouvernement. 

C’est dans ce contexte économique que les affaires de vols de câbles en cuivre se multiplient. Ces vols interviennent surtout sur le domaine public : les voleurs s’en prennent le plus souvent aux câbles des réseaux téléphoniques. En 2024, Orange estime à environ 1 400 vols de câbles en cuivre sur son réseau l’année dernière. Les malfaiteurs ouvrent également depuis plusieurs années les trappes techniques des candélabres d’éclairage des communes pour découper les câbles de cuivre. De plus en plus organisés, les malfaiteurs n’hésitent pas à recourir à des équipements professionnels (tenues et panneaux de chantier, véhicules équipés de gyrophares) pour agir en plein jour.

Selon Delphine Lingemann, dans le Puy-de-Dôme, 14 km de câbles ont été dérobés sur le depuis le 1er janvier 2024 et « 40 communes ont été victimes de vols de câbles électriques, privant des rues ou des communes d’éclairage public ou pénalisant les associations qui ne peuvent plus utiliser les terrains de sport (foot et rugby) en nocturne ». En Gironde, Pyrénées-Atlantiques, Seine-et-Marne, Charente-Maritime, dans le Morbihan, en Loire-Atlantique, de nombreuses communes ont déjà été confrontées à ces larcins qui pèsent parfois très lourd dans les budgets et mettent à mal le quotidien des habitants.

Plusieurs parlementaires ont alerté le gouvernement sur cette situation qui risque de s’empirer dans les années à venir alors que le chantier de décommissionnement du cuivre s’accélère, à l’instar de la sénatrice des Pyrénées-Atlantiques Frédérique Espagnac l’été dernier (lire Maire info du 9 septembre). Après ces multiples alertes, le ministère de l’Intérieur a apporté hier une réponse, souhaitant démontrer son implication.

Le ministère de l’Intérieur mobilisé 

La gendarmerie – et la police nationale en zone urbaine – met en œuvre au niveau départemental des plans d’action conjoints avec les opérateurs de télécommunication, ce qui a notamment permis de « mieux comprendre les modes opératoires »  des voleurs. 

« La manière d’opérer est souvent similaire, explique le ministère de l’Intérieur. Après avoir ouvert les trappes d’accès, les malfaiteurs attachent les câbles à un véhicule qui les tracte sur plusieurs centaines de mètres jusqu’à ce qu’ils rompent. Les câbles sont ensuite brûlés pour les débarrasser de leur gaine afin, d’une part, de faire disparaître les traces permettant de déterminer leur origine, et, d’autre part, de revendre le produit "brut" plus cher. Le cuivre dérobé alimente des filières de recel via des ferrailleurs ou des récupérateurs de métaux malhonnêtes, qui s’abstiennent volontairement d’assurer la traçabilité (livre de police). » 

Afin d’apporter une réponse pour lutter contre ce phénomène, le ministère de l’intérieur indique qu’il déploie dans les territoires « une approche globale fondée, d’une part, sur la prévention des phénomènes et le partenariat avec les entreprises privées et, d’autre part, sur le démantèlement des groupes relevant de la criminalité organisée. La mise en place de dispositifs préventifs permet d’accompagner les victimes potentielles de ce type de vols », notamment les municipalités. « La gendarmerie et la police nationale mènent des actions de prévention pour sensibiliser les acteurs locaux, y compris les entreprises, les ferrailleurs et le grand public, aux risques associés aux vols de métaux et aux moyens de protection. »  Par exemple, une coordination est mise en œuvre au travers d’une convention entre l’opérateur Orange et la gendarmerie pour mieux détecter et prévenir ces vols, mais également préserver les traces et indices utiles à l’enquête. 

Les référents sûreté, aussi bien en zone gendarmerie qu’en zone police, sont mobilisés pour conseiller les communes exposées dans la mise en place de dispositifs de sécurité (détection ou vidéoprotection notamment). 

Concernant plus particulièrement le cas des réseaux d’éclairage public, « la coopération inclut également des dispositifs de surveillance tels que l’installation de caméras dans les zones à risque pour accroître la sécurité. C’est pourquoi la gendarmerie nationale active tous les leviers de coproduction de sécurité tels que l’aide aux diagnostics dans le cadre des projets de vidéoprotection ou l’impulsion forte au profit des dispositifs de participation citoyenne. » 

Plus globalement, de nombreuses conventions ont été signées entre les départements, la gendarmerie nationale et la fédération française des entreprises de recyclage. Par exemple, la gendarmerie organise régulièrement des opérations pour contrôler les points de vente de métaux et les centres de recyclage. 

Le ministère de l’Intérieur rappelle enfin qu’il a signé en mars 2021 une convention nationale avec les grands opérateurs de télécommunications et d’infrastructures qui a été déclinée dans les départements aux fins de lutter efficacement contre les actes de malveillance et les vols commis au préjudice des opérateurs nationaux de télécommunications. Pour prévenir ce phénomène, une étude est en cours pour renforcer la capacité à détecter qu’un réseau est touché. 

Des réparations qui restent à la charge des communes 

En plus de pénaliser toute une population au sein d’une commune, lorsque ce sont les candélabres de l'éclairage public qui sont ciblés par les voleurs, ces actes de vandalisme ont des conséquences financières lourdes pour les collectivités locales. « Les coûts engendrés par ces vols comprennent le recâblage, le remplacement des lanternes ou des mâts, les travaux de terrassement souterrain pour le raccordement de chaque mât, voire le remplacement des fourreaux », expliquait la sénatrice Frédérique Espagnac à Maire info

Par exemple, dans la commune de Lescar, 150 candélabres ont été vandalisés l’année dernière. « Il faut compter environ 1 000 euros pour remettre un candélabre en état », explique la sénatrice. La commune a donc dû débourser 150 000 euros pour réparer les dégâts. « Malheureusement, les collectivités locales ne sont pas assurées contre ces vols, ce qui rend leur prise en charge très lourde d’un point de vue financier. Ces coûts qui n’ont pas été prévus représentent une tension financière pour les communes »  qui font déjà face à une contrainte inflationniste forte.

Évidemment le ministère de l’Intérieur a pris soin de ne pas répondre à cette partie de la question qui a été posée aussi par la députée du Puy-de-Dôme. Par ailleurs, on peut craindre qu’une fois le réseau cuivre totalement retiré, les voleurs se focalisent à l’avenir uniquement sur les candélabres des communes, faisant peser le risque d’une facture encore plus salée pour les communes qui seraient ciblées. 

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